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J. Chirac - 25 janvier 2001
Discours à dreux-eure-et-loir
Monsieur le Maire , mon cher Ami ,
Monsieur le Président du Conseil Général ,
Madame et Messieurs les Parlementaires ,
Monsieur le Préfet ,
Mesdames , Messieurs ,
D' abord , merci , Monsieur le Maire , pour votre accueil et pour votre propos auquel j' ai été sensible . Je voudrais également vous dire la forte impression que je retire de mon court séjour à Dreux depuis ce matin .
Permettez -moi aussi de vous féliciter ainsi que ceux qui vous entourent pour l' action que vous menez au bénéfice de vos concitoyens . Une action dont je sais avec quelle attention elle est suivie et soutenue par le Président de votre Conseil général , mon ami le Docteur Martial Taugourdeau .
L' insécurité , puisque c' était au centre de nos préoccupations d' aujourd'hui et de nos entretiens des moins récents . L' insécurité , vous l' avez démontré , n' est pas une fatalité , elle peut reculer . Les rencontres , les discussions , les visites , les constatations que j' ai pu faire dans votre ville depuis ce matin viennent conforter ce qui pour moi est une conviction .
Oh , certes , l' expérience engagée à Dreux reste encore inachevée . Elle doit être en permanence complétée et renforcée . Mais si elle n' est déjà plus isolée en France , elle ne pourra véritablement faire école sans une impulsion nationale .
Elle doit bénéficier d' une conjonction rare de facteurs favorables . Un contrat passé avec la population drouaise au moment de l' élection . Un maire décidé à agir , avec clarté , avec détermination , mais aussi avec mesure et avec équité . Des services publics de l' Etat et du département prêts à travailler la main dans la main avec la commune . J' ai été très impressionné par ce point tout au long de la journée d' aujourd'hui notamment avec les représentants de la justice et du ministère de l' Intérieur . Des conceptions justes , des principes robustes , qui font consensus . Et parmi eux l' égalité des chances et la responsabilité , car dans notre République les deux vont de pair .
C' est aussi une expérience vivante , appelée à évoluer , à progresser -vous êtes d' ailleurs le premier à le dire- , Monsieur le Maire .
Vous tous qui en êtes les acteurs , vous parlez d' ailleurs de votre plan d' action " Social et Sécurité " et vous ajoutez 80 % de social , 20 % de sécurité et c' est ainsi , j' imagine que vous voulez atteindre le 100 % de sûreté et vous le faites avec une humanité que ne dément pas l' ampleur de votre ambition commune . Vous êtes constamment prêts à lui apporter des adaptations à votre plan , soucieux de le compléter , de le prolonger , si nécessaire d' ailleurs de le rectifier .
Je voudrais vraiment toutes et tous ici impliqués dans la mise en œuvre de cette politique vous féliciter .
Votre démarche est pétrie de sérieux , de réflexion , de rigueur . Elle est nourrie de pragmatisme . Mais elle puise aussi sa force dans un grand sens de l' humain . Par son exemplarité , elle est de nature à rendre l' espoir à beaucoup de nos compatriotes qui se sentent aujourd'hui encerclés par la montée de la délinquance , harcelés par les incivilités et , parfois , quelque peu abandonnés par les autorités publiques ou au moins en ont -ils le sentiment .
J' ai vu ce que vous faites , j' ai entendu beaucoup d' entre vous . Et à tous je veux dire que Dreux a eu raison d' agir , d' explorer des voies nouvelles , de prendre les problèmes à bras-le-corps , sans les simplifier , mais sans se laisser paralyser par des querelles idéologiques .
Le dogmatisme a longtemps brouillé l' esprit de décision . Il a trop souvent neutralisé l' action . Il faut en sortir . Nous n' avons pas à choisir entre le social et le sécuritaire , entre la prévention et la répression , entre la police et la justice , entre le Préfet et le Maire . Pour être efficaces , nous devons combiner toute la palette des moyens dont nous disposons et mettre ensemble tous ceux qui peuvent faire quelque chose . C' est en étant , comme ici , complémentaires et coordonnés que les différents acteurs de la sécurité obtiendront partout des résultats .
Les causes de l' insécurité sont connues . C' est d' abord l' accumulation des années de crise , le chômage , l' exclusion , qui ont porté atteinte à la dignité des personnes et qui , dans certains cas , ont ébranlé les valeurs de la citoyenneté . C' est l' urbanisation artificielle et inhumaine héritée des années soixante , qui sépare au lieu d' unir . C' est la difficulté à accueillir et à intégrer dans notre société les nouvelles générations de l' immigration , en leur donnant toutes leurs chances . C' est enfin le problème de la drogue . Elle menace les jeunes dans leur identité , dans leur liberté , dans leur santé . Elle génère un argent sale , facilement gagné sans travailler . Elle dévalorise le travail et toute forme d' activité honnête .
Mais je ne suis venu à Dreux ni pour faire un diagnostic , que chacun connaît déjà , ni pour souligner encore la nécessité d' ériger en priorité de la Nation la lutte contre la violence , toute forme de violence , et il y a sur ce point un consensus national . Je suis venu parce qu' il est temps de traduire cette priorité en actes chaque jour davantage .
Je veux vous livrer aujourd'hui 4 ou 5 réflexions pour agir , 4 ou 5 convictions , en vous parlant de ce qui est le plus important à mes yeux : le rôle de la famille , la fonction de l' école , la réponse de l' Etat , et ma confiance dans la démocratie locale .
Et par - dessus tout , comme un principe directeur pour l' action , je veux réaffirmer l' exigence de la responsabilité , trop souvent perdue de vue . Quand chacun se dérobe à ses responsabilités , tout est permis , rien n' emporte de conséquences , tout s' efface , hormis les préjudices subis par les victimes .
L' esprit de responsabilité , adossé à ce sens moral que tous les hommes reçoivent en partage , fonde le pacte républicain . Sans lui , il n' y a ni liberté , ni sûreté , ni épanouissement personnel . Tout le monde le sait , tout le monde l' admet .
S' excuser . Réparer . C' est ce que nous apprenons tous à nos enfants . Malgré cela , le sentiment se répand que la société aurait désormais cessé de l' exiger de ses membres .
Il peut y avoir une part d' excès dans ce sentiment , mais les petits délits pourrissent la vie de tous les jours en installant la peur au quotidien . Et pourtant ils sont de moins en moins déclarés , rarement poursuivis , et plus rarement encore punis . Je parle de l' ensemble de notre pays car il y a ici dans l' expérience drouaise la démonstration que le contraire peut exister .
Vitres brisées , boîtes aux lettres forcées , graffitis , poubelles incendiées , injures , bousculades , menaces , petits vols à l' étalage , rackets à l' école à notre société semble absorber l' incivilité et la violence quotidiennes comme des nuisances inhérentes à la vie quotidienne et qu' il faudrait bien accepter . Elle les endure et , parfois , elle s' y résigne .
Chacun s' organise . Dans certains quartiers , on ne sort plus de chez soi , même pour les courses , sans faire appel à un parent ou à un ami pour garder son logement . On ne fait plus réparer ce qui , plusieurs fois déjà , a été abîmé . On essaie de changer les enfants d' école . On les accompagne partout où ils se déplacent . Toute la vie finit par s' organiser autour de l' insécurité ordinaire .
C' est devenu inacceptable . Face aux risques de régression de notre ordre social , il faut absolument renverser la tendance . La République doit permettre à tous ses enfants de vivre dans une société libre et pacifiée , et non dans une société agressive ou apeurée .
La source de cette liberté et de cette paix , c' est d' abord au sein de la famille qu' il faut la rechercher . La famille fait grandir le sens de la vie en communauté . Elle fait grandir le sens du respect de l' autre . C' est par elle que passe la vraie prévention de l' insécurité . Et tout doit être mis en œuvre pour la fortifier et lui permettre de remplir complètement sa fonction sociale .
La responsabilité des parents est première . Quand la famille est défaillante , quand elle se dérobe , il n' y a pas de substitut possible .
Nous savons tous à quel point la famille a pu être chahutée au cours des dernières décennies . Le plus souvent , elle a heureusement résisté , traversant les années de crise en demeurant à la fois un refuge et une protection . Mais parfois , la famille , et on peut le comprendre , s' est abîmée , elle a cédé . Combien d' adolescents , devenus vulnérables aux influences les plus néfastes , ont en réalité été privés à la fois de l' élan que procure la confiance de parents attentifs et aussi du butoir en quelque sorte qu' apporte une autorité juste et respectée ?
Les causes multiples de cette situation sont bien connues . Les enchaînements auxquels elle peut conduire le sont aussi . Comment les combattre ?
Par une politique familiale ambitieuse à l' égard de toutes les familles bien sûr , mais aussi en offrant aux parents désemparés ou seulement inquiets face à l' éducation de leurs enfants des lieux de soutien et de réapprentissage de leur mission . Beaucoup en ont besoin . Beaucoup y sont prêts . Beaucoup l' attendent . Je l' ai vu ce matin .
Votre exemple le montre , ce qu' une commune peut faire dans ce domaine en s' alliant à la Caisse d' allocations familiales peut avoir un impact considérable . C' est aussi le moyen de mieux prévenir la maltraitance des enfants , qui heurte si profondément notre conscience .
Si nous voulons que les familles puissent remplir pleinement leur rôle , il est par ailleurs essentiel de mieux prendre en compte ces problèmes de fond que sont l' accès au logement et à l' emploi .
Malgré les efforts entrepris par certaines collectivités - Dreux en donne l' exemple dans certains quartiers- , la situation du logement social n' est pas satisfaisante dans notre pays et ceci depuis bien longtemps .
Quant à l' emploi , force est de constater que l' amélioration générale et importante de la situation de l' emploi aujourd'hui profite naturellement d' abord à ceux qui ont les meilleurs atouts pour répondre aux exigences de l' économie moderne . Or , quand elles provoquent une démoralisation profonde et durable , les difficultés d' emploi des parents altèrent gravement leur capacité à faire face aux responsabilités familiales .
L' efficacité des politiques publiques ne se mesure pas seulement à la qualité des mécanismes d' assistance mis en place . Elle passe par de nouveaux efforts d' insertion en faveur de ceux qui en ont le plus besoin . La politique de la ville doit y contribuer de plus en plus . L' expérience des zones franches urbaines a donné de bons résultats en fixant des emplois sur les lieux de vie . Je pense qu' elle doit être prolongée .
Au moment où la situation de notre économie s' améliore , ne laissons pas se constituer en France une classe de laissés - pour - compte de la croissance .
Mais la société doit aussi savoir être ferme vis-à-vis des parents - et il en existe- , dont la passivité ou le mauvais vouloir conduisent leurs enfants toujours plus loin dans la transgression des règles . Je ne suis pas favorable quant à moi à des sanctions financières automatiques décidées par l' administration . En raison de leur caractère systématique , elles pourraient aggraver la situation de familles en grande difficulté , au lieu de pousser les parents à retrouver leur rôle éducatif et à comprendre qu' ils doivent rétablir leur autorité .
Il serait vain et injuste de vouloir faire peser sur tous les parents d' enfants délinquants une sorte de culpabilité a priori et de leur imposer des responsabilités qu' ils seraient hors d' état d' exercer dans de bonnes conditions . Qu' un jeune commette des erreurs voire des fautes , cela peut arriver bien sûr dans toutes les familles .
Je crois cependant que des procédures d' avertissement familial devraient pouvoir être mises en œuvre par le juge des enfants lorsqu' apparaît une carence flagrante de l' autorité parentale . Les parents devraient alors souscrire une série d' engagements dont le non-respect pourrait donner lieu à une amende infligée par le juge .
La présence des parents devrait également être rendue obligatoire en cas de convocation d' un adolescent par les services de police , par la justice , ou même par les autorités municipales . Ce n' est pas toujours le cas aujourd'hui .
Enfin , est -il besoin de dire que la justice doit se montrer particulièrement sévère vis-à-vis des parents qui tirent profit , -et cela hélas aussi existe- , d' actes délictueux de leurs enfants ?
Nous devons réfléchir aussi au rôle de l' école , pour qu' elle renoue avec sa mission démocratique : assurer l' accès de tous aux savoirs , être le lieu où l' on apprend à vivre ensemble . C' est cela les deux missions de l' école .
Malheureusement , cela n' est plus exactement le cas aujourd'hui . Trop de jeunes , parmi lesquels certains se réfugient dans des comportements agressifs parfois graves , ne trouvent pas bien leur place au sein de l' éducation nationale .
Aujourd'hui , c' est la question du sens même de l' école qui se trouve posée . Depuis des années , en raison des demandes multiples et contradictoires qui s' adressent aux enseignants , la confusion s' est développée . L' école doit faire pleinement ce pourquoi elle est faite , il faut cesser de lui demander de compenser toutes les carences de la société . Les enseignants doivent pouvoir se concentrer sur ce qui est leur vocation c' est - à - dire leurs responsabilités pédagogiques .
Lire , écrire , compter . Depuis Jules Ferry , la République était en droit de croire qu' elle avait ouvert à tous ses enfants l' accès à ces richesses dont dépendent toutes les autres .
Quelle déception de constater qu' à l' aube du XXIe siècle , le taux d' illettrisme reste si élevé !
L' un des plus grands succès de l' éducation nationale est d' avoir fait passer la proportion des bacheliers de 5 à plus de 60 % en cinquante ans . C' est le résultat d' un effort colossal . Et je veux en rendre hommage aux instituteurs et aux professeurs . Mais il est temps d' ajouter à cette ambition de nouveaux objectifs : amener 100 % de nos concitoyens à maîtriser la lecture et l' écriture , amener 100 % de nos concitoyens par ce biais au seuil de l' emploi .
À 11 ans , tout enfant n' est pas en situation de réussir le parcours du collège tel qu' il a été conçu pour le plus grand nombre . Tant que nous n' en prendrons pas conscience , nous gâcherons les chances des enfants qui , malgré la qualité des maîtres , ne sont pas parvenus à dominer les outils fondamentaux du savoir au moment de leur entrée en sixième . À cette étape importante de la vie scolaire , un enfant sur 5 ne maîtrise pas les compétences de base de la lecture , et deux enfants sur 5 celles du calcul
Il devient urgent de mettre fin aux rigidités de notre système scolaire , de renforcer l' autonomie des responsables d' établissement et de penser davantage à tous les enfants qui font aujourd'hui les frais d' une vision trop uniforme de la transmission des savoirs . Ce sont souvent ceux qui sont issus des milieux les plus défavorisés . Ils n' ont pas toujours le français pour langue maternelle . Veillons à ne pas leur donner le dégoût d' apprendre .
L' enseignement au collège doit être plus attentif aux besoins de tous les enfants et s' engager davantage sur la voie des formations en alternance , rendue possible dès 14 ans par une loi de 1993 , malheureusement restée largement inappliquée . Il n' est pas possible de se résigner à ce que 60000 jeunes quittent chaque année l' Éducation nationale à 16 ans sans la moindre qualification reconnue .
Et , après l' école , il faut être plus vigilant sur le respect du principe d' égalité dans l' accès à l' emploi . Trop souvent , des immigrés et des Français issus de l' immigration sont victimes de discriminations à l' embauche , sur le lieu de travail et même d' ailleurs dans les lieux de loisirs . Notre pays ne saurait tolérer de telles situations qui mettent en cause nos principes républicains et d' abord celui de l' égalité des chances . Comment , en effet , exiger des jeunes issus de l' immigration l' adhésion à nos valeurs républicaines et leur respect si , au fond d' eux - mêmes , ils sont convaincus que notre société les regarde avec méfiance en raison de leurs origines ou de leur religion ?
Face à l' augmentation de la violence au sein des établissements d' enseignement , une juste discipline est nécessaire pour permettre à tous les enfants de travailler dans un climat normal et de faire l' apprentissage de la camaraderie . La violence , la drogue , le racket ne devraient jamais pouvoir assombrir la fraternité de nos écoles .
Les règlements intérieurs sont faits pour être respectés . Le premier devoir des chefs d' établissement est d' épauler les enseignants , durement éprouvés aujourd'hui , pour qu' il en soit ainsi et que l' enseignement ne devienne pas un métier à risques . C' est bien dans cet esprit qu' ils conçoivent , dans leur immense majorité , cette difficile mission et je les assure de tout mon soutien . C' est l' intérêt des enfants . C' est l' intérêt de l' ensemble de la communauté éducative . C' est aussi celui des parents d' élèves . Partout où ils sont davantage impliqués , on obtient d' ailleurs de meilleurs résultats .
Quand la sanction intervient trop tard , elle est souvent excessivement sévère et se révèle en réalité inefficace puisque l' enfant a déjà franchi une à une les étapes de la transgression sans jamais être stoppé .
Il faut avoir le bon sens et le courage de rendre aux interdits toute leur vertu pédagogique . Et dans les situations graves où les exclusions se succèdent , à chaque fois plus inutiles , il faut pouvoir envisager d' autres solutions d' insertion que la réinscription dans le cadre scolaire traditionnel . Et je souhaite que l' expérience des classes - relais soit étendue et que l' on ne s' interdise plus de réfléchir à la mise en place d' internats à vocation éducative et de réinsertion .
Il n' y a pas de véritable politique de sécurité sans sa dimension répressive , à égale distance de tout excès et de toute complaisance .
Les réponses de la société et de l' Etat doivent s' inspirer d' une exigence de clarté , de rapidité , de justice et de fermeté . Les idées toutes faites , les jugements à l' emporte - pièce , les solutions sommaires et expéditives n' ont plus leur place . Le laissez - faire , la routine , le manque d' imagination , l' enfermement dans les démarches du passé non plus ! L' esprit de corps comme la soumission aux cloisonnements administratifs doivent être proscrits . C' est ce qu' on voit et ce qu' on apprend quand on vient ici . Et c' est une des clef du succès ou de la réussite .
Posons un principe : aucune agression , aucune incivilité , aucun délit , si léger soit -il , ne doit rester sans réponse , sans aucune réponse de la société . À la ville comme à l' école , à l' école comme en famille , ce qui compte , c' est de réagir dès les premières dérives par une réaction appropriée , immédiate et juste , une réaction légitime et donc acceptée . J' ai entendu à ce sujet dans notre séance de travail à l' heure du déjeuner des propos extrêmement positifs et intéressants .
Les Français sont prêts à admettre de nouvelles exigences pour le retour à la sécurité , à condition bien sûr que ces exigences s' inscrivent dans nos traditions de liberté .
L' insécurité prospère à l' abri d' une sorte de tolérance forcée , silencieuse mais bien réelle . Face à cela , la tolérance zéro , telle qu' elle est conçue à New-York , n' est sans doute pas transposable dans notre pays , mais elle constitue une expérience à méditer , comme l' ont fait nos voisins britanniques .
Une voie française peut et doit être tracée . Pour donner un coup d' arrêt à l' insécurité . Pour faire respecter les règles de la vie en société . Pour ne plus laisser l' auteur d' une agression fanfaronner sur les lieux d' une mauvaise action quelques heures seulement après l' avoir commise , comme on le voit hélas ! trop souvent .
Agir précocement , quand apparaissent les premiers comportements d' incivilité , c' est protéger le jeune autant que la société .
L' admonestation par l' autorité publique , y compris le maire ou son délégué , en présence des parents , l' obligation de réparer ce qui peut l' être , l' exigence d' une parole d' excuse , l' obligation faite au jeune et à sa famille de souscrire des engagements dont le respect sera suivi et vérifié , la comparution directe et l' intervention du juge des enfants par une procédure d' urgence quand la gravité de l' acte le justifie , la participation de citoyens au prononcé des sanctions , l' organisation effective de travaux d' intérêt général , aujourd'hui permis par la loi mais rarement pratiqués , tout doit être mis en œuvre pour élever de nouvelles barrières contre les dérives .
Entre les solutions purement éducatives et les solutions punitives , nous devons élargir nos instruments d' action .
Des unités éducatives renforcées ont été créées il y a quelques années pour organiser des séjours de rupture de trois mois . Elles ont permis d' écarter des délinquants multirécidivistes de leur milieu de vie . Elles leur ont offert une chance de s' en sortir par une prise en charge adaptée , exigeante , rigoureuse , mais bienveillante . Et cette expérience a donné des résultats prometteurs . Il est dommage qu' à ce jour , elle n' ait pas connu toute l' expansion souhaitable .
Certes , les moyens ne suffisent pas . Il faut d' abord une volonté . Pourtant , la lutte contre l' insécurité ne deviendra totalement efficace que lorsqu' elle se traduira par la mobilisation des ressources indispensables .
C' est vrai en ce qui concerne le déploiement sur le terrain de policiers expérimentés . Il n' est pas tout à fait normal d' exposer les emplois - jeunes dans les missions de sécurité les plus délicates , en mobilisant les agents les plus chevronnés pour d' autres tâches en dans d' autres lieux pas toujours justifiés .
Il est temps également de réfléchir - c' est un vieux problème - à une régionalisation des recrutements des gardiens de la paix pour que la police , dans le respect de son statut national bien sûr , soit mieux enracinée dans les lieux de vie où elle doit intervenir .
Et surtout s' agissant de la mise à niveau des moyens de la justice , il faut accélérer la cadence , car le rythme actuel d' améliorations de ces moyens , s' il constitue je le souligne un progrès réel , n' est pas encore à la mesure du problème .
C' est vrai en ce qui concerne les juges des enfants , de plus en plus accaparés - et à juste titre - par la lutte contre la maltraitance , mais de moins en moins disponibles pour combattre la délinquance . C' est vrai aussi pour la protection judiciaire de la jeunesse . C' est encore vrai pour les prisons .
L' évolution des choses fait que nous avons besoin aujourd'hui d' une grande loi pluriannuelle de programmation des ressources et des investissements de la justice pour palier je dirais à cinquante ans d' insuffisances dans ce domaine .
Une telle loi est d' autant plus nécessaire que les conditions actuelles d' incarcération des mineurs sont hautement préjudiciables à leur réinsertion . Elles sont d' ailleurs difficilement compatibles avec les engagements pris par la France sur le plan international . La trop grande proximité , voire la promiscuité , entre détenus mineurs et condamnés adultes est choquante , corruptrice , délétère .
L' efficacité de l' action exige enfin une parfaite articulation entre les services sociaux , les services éducatifs , la police , la gendarmerie , le parquet , les tribunaux et la protection judiciaire de la jeunesse .
Tous exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très difficiles . Ils forment une chaîne de responsabilités à laquelle aucun maillon ne doit manquer et j' ai été très impressionné par la qualité du travail exemplaire fait , dans ce département , fait ici notamment à Dreux , à ce sujet . Je voudrais dire toute ma reconnaissance à l' ensemble des autorités publiques qui participent à cette chaîne . Ils ont besoin de sentir le soutien de la population et des autorités . 4 policiers et un gendarme ont été tués depuis un mois dans l' exercice de leurs fonctions dans notre pays . Et au nom de la République et en mon nom personnel , je tiens à rendre hommage naturellement à leur mémoire . Et je veux dire ma solidarité et celle de la Nation aux policiers et aux gendarmes qui sont régulièrement exposés à des agressions criminelles .
Je voudrais , enfin , insister sur un dernier point , essentiel à mes yeux . Dans la lutte contre l' insécurité , comme dans bien d' autres domaines , l' efficacité c' est la proximité . Nous n' enregistrerons de nouveaux progrès que si nous faisons davantage confiance à la démocratie locale , à sa puissance d' initiative on le voit bien ici , à sa capacité d' innovation , à sa force d' entraînement , aux énergies qu' elle libère . C' est bien la conclusion que je retire de mon voyage d' aujourd'hui et qui ne fait que confirmer ce dont je suis convaincu .
Le maire est l' élu du suffrage universel . C' est sa force , c' est sa légitimité , et c' est la source d' une responsabilité qui ne se compare à aucune autre . Il est le premier animateur de la démocratie locale . Vers lui convergent toutes les sollicitations , toutes les informations . Il serait paradoxal de reconnaître sa compétence pour tout ce qui intéresse la vie de la commune , à l' exception de ce qui est devenu la première des préoccupations de nos concitoyens , la sécurité .
Il y aurait là un véritable non-sens démocratique et ce non-sens démocratique se doublerait d' un déni d' inefficacité . Le maire est en effet le mieux placé pour bien connaître les problèmes , prendre en compte les attentes et mettre en œuvre des solutions de proximité . Et ce que vous avez fait ici , Monsieur le Maire , avec les conseils et les coordinateurs de quartiers , l' illustre de manière probante .
Dans ce domaine , la question importante n' est pas tant celle des pouvoirs de la police municipale que celle de la responsabilité des maires vis-à-vis de la police nationale ou de la gendarmerie .
Souvenons -nous que les pouvoirs de police du maire sont inscrits dans nos textes depuis la grande loi municipale de 1884 , et même avant . Souvenons -nous qu' il y a 60 ans , rares étaient encore les villes de France dotées d' une police d' Etat . Dans notre pays , dans notre histoire , la police municipale a été une réalité antérieure à la police nationale , et le maire agit depuis longtemps en matière de police sous l' autorité directe du préfet .
Gardons -nous donc de réduire la question de la responsabilité des maires à celle du nécessaire développement des polices municipales , dans les limites posées par la loi républicaine .
La police nationale et la gendarmerie offrent , du point de vue de l' efficacité comme du respect du droit , des garanties de formation , de qualité professionnelle et de respect de l' ordre républicain qui sont irremplaçables . La lutte contre l' insécurité passe par la mise en œuvre d' une politique nationale dotée de moyens nationaux bien employés c' est vrai . La délinquance se joue bien évidemment des frontières communales .
Mais l' on ne peut se résigner à comparer l' étendue des responsabilités que nos concitoyens font peser sur leurs maires et la faiblesse des moyens dont ils disposent pour les exercer .
À eux doit revenir officiellement , sous le contrôle des préfets , la coordination locale des services de l' Etat , du département , de la commune pour tout ce qui concerne les questions d' organisation et de prévention .
La nécessité de la coordination est mieux comprise aujourd'hui . Les contrats locaux de sécurité en sont une traduction . Mais il faut aller plus loin en donnant aux maires la plénitude des responsabilités que leurs concitoyens leur prêtent déjà .
Aux maires aussi doit revenir la définition des priorités d' action locale des services de sécurité , en veillant à la complémentarité des actions de la police municipale , quand elle existe , et de la police nationale .
Monsieur le Maire , mesdames , messieurs , mes chers amis ,
Vous avez fait œuvre utile monsieur le Maire , vous faites œuvre utile , auprès de vos concitoyens . Il faut continuer d' avancer , consolider les acquis , amplifier encore les résultats de votre action .
Pour pacifier notre société , pour assurer la concorde civile , pour défendre notre cohésion sociale , la violence et l' insécurité , parce qu' elles constituent un défi pour la démocratie , doivent recevoir une réponse démocratique .
Il n' y a pas de solution unique , bien sûr . L' exigence de la sanction ne se conçoit pas sans la main tendue de l' accompagnement social et la prévention .
Pour être efficace , une politique de sécurité doit s' inscrire dans un cadre global qui garantisse à tous l' égalité des chances et recherche en permanence la justice . La République sera d' autant plus légitime , dans son exigence de fermeté , de rigueur et de responsabilité qu' elle aura su faire à chacun sa place , sa juste place .
Vous l' avez démontré , c' est par un équilibre , par une ambition , et par une appréhension globale des réalités de la vie sociale que l' on peut gagner ce combat . Et c' est aussi par la détermination de ceux qui sont en charge de le conduire . J' ai vu qu' ici cette détermination était grande , qu' elle était efficace et je voudrais féliciter tous ceux qui ont ce problème en charge .
Je vous remercie .