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de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
F. Mitterrand - 16 novembre 1987
Entretien télévisé
Et sur la façon dont se vendent les armes .
Bien entendu , les choses peuvent être reliées , ou ne pas l' être .
Par quoi voulez -vous que je commence ? parce que dans votre exposé , à première vue , il y a beaucoup de questions .
Dans votre présentation , vous avez d'abord fait état de l' interdiction que j' ai prononcée de toutes ventes d' armes vers l' Iran .
Je crois qu' il faut tout de suite , en 3 mots , donner la situation de la France , la situation juridique et la réalité .
Le 21 mai 1980 , 9 pays européens dont la France , ont décidé-ou plutôt c' est au mois d' avril-l'embargo c'est-à-dire l' interdiction de ventes vers l' Iran ; et le 21 mai 1980 , en application de cette décision européenne , la France a décidé cette interdiction-21 mai 1980-mais cet embargo ou cette interdiction a été levée le 21 janvier 1981 .
Bien entendu , avant mon arrivée .
C' est un texte dans lequel il est dit simplement que le décret du 21 mai 1980 -je lis- " fixant le régime d' exportation et de réexportation des marchandises à destination de l' Iran est abrogé " : ce qui n' est pas interdit est donc autorisé .
Mais il faut le dire , quelques mois plus tard , le 3 mai-non le 13 , c'est-à-dire 3 jours après mon élection , mais elle n' est pas encore validée , je ne prendrai mes fonctions que le 21 mai -le 13 mai , le chef du gouvernement de l' époque décide de nouveau un embargo , une interdiction mais elle est réservée , selon l' expression du décret , aux armements majeurs .
Donc on peut supposer que les avions , les missiles , les radars et autres armes de toutes sortes , seront désormais interdites pour l' Iran .
Ce qui n' est pas interdit serait autorisé : est -ce que la livraison d' obus était autorisée ? Je pose la question et je me la suis tellement posée que peu après mon accession aux responsabilités , j' ai donné au ministre , et donc aux administrations , la directive , en fait , de ne rien vendre à l' Iran .
Voilà la situation .
Non , ce ne serait pas tout à fait exact .
Entre 1981 , date de mon élection , et 1982 , il y a eu encore des livraisons de pièces ou d' armements divers , naturellement tout à fait secondaires , mineurs , qui avaient été commandés et payés avant même mon élection .
J' ai voulu que les comptes soient apurés mais cela ne touchera aucun armement important .
Donc , en fait , l' embargo existe et quiconque désormais va vendre des armes à l' Iran le fera en fraude et sera passible des rigueurs de la loi : voilà le point où nous en étions à l' époque dont vous me parlez .
Voilà : le 21 mai 1984 , c'est-à-dire 3 ans après ma prise de responsabilités .
Oui : l' amiral Lacoste vient me voir et , parmi d' autres questions -il me voit souvent : en cette année 1984 , je le recevrai 8 fois -il m' informe en particulier qu' il y aurait des ventes d' armes à l' Iran , qu' il y a fraude sur les instructions qui ont été imposées par mes propres directives .
Ce sont des rumeurs , ce sont des doutes : ils sont fondés-mais je ne l' apprendrai que plus tard , notamment par le rapport Barba-sur le fait qu' on a vendu , selon toutes les procédures normales , non pas à l' Iran-puisqu'on ne peut pas vendre à l' Iran -on ne vend plus à l' Iran directement , mais la société en question vend à d' autres pays complaisants : l' Equateur-l'Equateur , il y a discussion , ce n' est pas clair-l'Equateur commande des obus pour des canons qu' il n' a pas ; cela attire l' attention du contrôle .
Il y a beaucoup de contrôles , nous en parlerons tout à l' heure , et on décide de revenir là-dessus , c'est-à-dire de ne pas vendre tout ce qu' on demande .
Et puis , il y a une deuxième alerte qui vient d' Egypte : l' Egypte arraisonne un navire chypriote du côté de Port-Saïd dans lequel il y a des armements , évidemment en direction de l' Iran , et qui proviennent de la Société en question .
Troisièmement , il y a une vente pour le Portugal , également suspecte , et qui , elle , est refusée par les organismes compétents .
Donc , voyez ...
Je suis interpellé sous forme d' un doute ; on ne sait pas encore , on s' inquiète : ce n' est pas normal qu' on vende à l' Equateur ; le Portugal est souvent une plaque tournante pour ce genre d' opération .
D'ailleurs on refuse , mais il faut être alerté .
Mais le doute durera : il n' y aura pas d' autre alerte exprimée ni par un service de contrôle , ni par la direction de la protection et de la sécurité défense , dont c' est le rôle principal , ni par la DGSE -je dirai , pour être plus simple et qu' on me comprenne : le contre-espionnage-dont l' amiral Lacoste est précisément responsable .
Je ne serai plus jamais saisi d' autres faits ; on ne m' alertera pas de nouveau ; on n' a pas d' autres soupçons puisque , le 29 novembre 1984 , soit 6 mois ...
Là , vous m' interrompez , alors que je n' ai qu' un mot à dire .
alors que le 29 novembre 1984 -vous pouvez compter sur vos doigts le nombre de mois qui se sont écoulés ... la même DGSE-c'est noté dans le rapport Barba-indique , dans une fiche-et je cite la fiche de la DGSE- " Il faut noter également que la société Luchaire a par ailleurs récemment attiré l' attention à plusieurs reprises ; certaines informations non confirmées-soulignez , non confirmées-font état d' exportations de munitions acceptées officiellement en Commission -la Commission responsable pour donner un avis sur ces ventes-qui n' auraient pas , en fait , pour destinataires réels les pays pour lesquels elles n' étaient pas officiellement autorisées-point-L'Iran a été cité " -fin de la citation que j' énonce pour l' instant-c'est-à-dire que même 6 mois après , les mêmes services s' interrogent et on retrouvera , dans le rapport Barba , en mars ou en avril 1985 , des interrogations du même type dans la bouche du Contrôleur général , tout à fait estimable , qui suit de près les agissements de la société Luchaire .
Donc , il y a doute .
En tout cas , moi , je ne sais pas ce qui se passe , mais les services chargés de contrôler et donc d' informer , non pas de m' informer moi car avant de m' informer , il est normal que l' on prévienne ceux qui ont la charge de donner un avis favorable ou défavorable , puis ceux qui donnent ou ne donnent pas l' autorisation .
Bien entendu : lorsque je rencontre l' amiral Lacoste , lorsque je le reçois le 21 mai 1984 , je lui dis aussitôt-d'ailleurs , lui-même le déclare- " Parlez -en " ; à qui ? " eh bien , à votre ministre , à votre supérieur hiérarchique " .
Depuis un texte qui date des années déjà tout à fait antérieures -je crois que c' est après l' affaire Ben Barka -le général De Gaulle avait décidé que les services de contre-espionnage dépendraient du ministre de la défense .
Donc , c' est son supérieur hiérarchique , je lui dis : " Parlez -lui en " , ce qu' il fait , je crois , le 24 mai .
" Et moi aussi -lui dis -je -je lui en parlerai " , ce que je fais dans le même délai .
Vous avez le droit de vous étonner du fait que les services qualifiés -je vais en dire un mot-ne s' en aperçoivent pas , ou , quand ils s' en aperçoivent-car ils finissent par s' en apercevoir-hésitent sur la position à tenir : tantôt ils acceptent , tantôt ils n' acceptent pas , alors qu' il n' y a pas-c'est interdit-d'exportations d' armes vers l' Iran , officiellement , et c' est parce que c' est interdit qu' il y a fraude .
Oui , bon ! vous avez le droit , et moi aussi ; moi encore plus que vous .
Oui , pas toujours , mais enfin .
Pas pour le sous-préfet .
Ah non ! si vous permettez , les dispositions qui président au contrôle et à la décision dans les ventes d' armes , ce sont des dispositions très anciennes .
Il est tout à fait possible que ces dispositions aient été enfreintes à diverses époques .
C' est très ancien : on n' a pas inventé un système .
Néanmoins , j' ai compté au moins 40 ou 50 hauts fonctionnaires honnêtes , dont personne ne conteste la loyauté et la correction , par lesquels ces décisions passent et ces décisions et avis , qui sont énoncés par ces hauts fonctionnaires , civils et militaires , toutes ces décisions sont soumises à un triple contrôle : un contrôle de la direction de sécurité militaire ou de défense , un contrôle de la direction du contre-espionnage et un contrôle un peu plus lointain , un peu moins évident , un peu moins certain , sur place , par ce qu' on appelle les officiers de zone , qui doivent vérifier par des certificats d' arrivée si les armes sont arrivées à bon port .
Donc , ces contrôles ayant été faits , et ne m' ayant jamais signalé-d'ailleurs , pourquoi à moi ? -n'ayant jamais signalé dans le cadre des décisions à prendre -la Commission en question n' en est pas saisie .
Le Secrétariat général de la défense nationale , qui est l' organisme qui donne l' autorisation , n' est pas saisi .
Les représentants de ces organismes de contrôle siègent dans cette commission et donnent leur avis sur les autorisations .
La crainte qui m' est exprimée le 21 mai 1984 et qui m' est absolument communiquée à bon droit-et j' en suis reconnaissant à ceux qui m' ont informé ; de quoi , ai -je dit tout à l' heure : d' un début de rumeur qui a besoin d' être vérifié-cela ne passe pas à travers le système en place , puisque les 20 ou 30 fonctionnaires n' en délibèrent jamais .
Et finalement les ventes d' armes ont lieu d' une façon , bien entendu , indirecte .
Ce n' est pas toujours facile -je ne les incrimine pas-de discerner la fraude .
Permettez -moi de vous dire , Philippe Alexandre , que la Constitution ne m' a pas confié la charge de vérifier les autorisations d' exportation de matériels de guerre , et que si l' on m' en informe , bien entendu , j' en tiens compte , j' informe les autorités responsables , je m' en inquiète à diverses reprises -je l' ai fait à diverses reprises dans le courant de l' année 1984-et dès lors que les systèmes de contrôle fonctionnant ne m' informent de rien , moi , je suis quand même tout à fait autorisé à penser qu' il n' y a plus d' infraction à la règle que j' ai moi-même édictée .
Eh bien , le ministre , Philippe Alexandre , il faudra que vous lui posiez la question .
Il est au courant de mon souci de ne pas vendre d' armes à l' Iran mais il n' est pas le seul au courant .
Je vais précisément resituer cette affaire .
C' est le rapport Barba .
C' est à l' heure actuelle la responsabilité du juge d' instruction , qui va sans aucun doute interroger beaucoup de personnes , militaires et civils , pour arriver à faire le point sur cette affaire difficile .
Ce n' est pas du tout de mon domaine .
Nous sommes dans la bourrasque pour l' instant , c' est au juge d' instruction de décider ce qu' il convient de faire , et cela fait partie un peu des arguments que j' entends développer devant vous sur ceci et sur bien d' autres choses .
Laissons travailler les juges d' instruction .
Mais moi , pour ce qui me concerne , je le répète , je ne suis pas normalement chargé d' exprimer une opinion sur des autorisations de vente de matériels de guerre , dont normalement je ne suis aucunement saisi .
Enfin , quand même , on admettra .
Vous en avez parlé tout à l' heure : on me saisit de sous-préfets , ou de préfets parce que cela passe en Conseil des ministres ; quelquefois , il y a des ministres obligeants , délicats , qui m' informent surtout dans la situation présente , mais il y en a d' autres qui ne le font pas .
Je suis quelqu'un qui prend ses responsabilités et je vais vous apporter un élément de réflexion supplémentaire plus important que tout ce que nous avons dit jusqu' ici .
Ce qui est vrai , Philippe Alexandre , c' est que si l' amiral Lacoste m' informe de ces rumeurs , le 21 mai 1984 , dès le mois de juin et le mois de juillet-pour trouver une réponse au mois de septembre 1984-s'est engagé un grand débat sur les relations de la France avec l' Iran .
Vous savez certainement que la France a accordé un système privilégié à l' Irak , l' adversaire de l' Iran , en 1976 , et que des contrats d' armes et d' armes sophistiquées ont été consentis à l' Irak à cette époque , en 1976 , il y a 11 ans .
C' était avant la guerre entre l' Irak et l' Iran puis la guerre éclate , et naturellement , ce n' est pas le moment d' abandonner l' Irak .
Pourquoi ? à ce moment -là , ce n' est plus le premier gouvernement de monsieur Chirac , c' est devenu les gouvernements qui ont précédé les miens et puis aussi les miens .
Quelle est notre analyse ? Et là-dessus , il y a 2 thèses .
Il y a ceux qui disent : on fait pencher la barque exagérément du côté de l' Irak ; ce n' est pas normal : nous n' avons pas à être considérés comme des parties prenantes dans ce conflit lointain ; nous n' avons pas non plus à nous comporter comme des ennemis de l' Iran .
Après tout , quelle que soit la situation intérieure de l' Iran , les véhémences de sa révolution , les actes inqualifiables qui s' y produisent , ce n' est pas à la France d' organiser sa politique extérieure autour des politiques intérieures des Etats .
L' affaire des otages est tout à fait postérieure .
Vous avez raison de me le dire mais il ne faut pas que l' opinion mêle ces 2 événements : il n' y a pas de relation entre l' affaire des otages et l' affaire des ventes d' armes ; il n' y avait pas encore d' otages sur lesquels on puisse penser que l' Iran puisse avoir autorité .
Voilà et il y a l' autre thèse qui dit : oui , cette position à l' égard de l' Irak est prise , si l' on voulait en changer , cela aurait une signification politique immédiatement ressentie , notamment dans le monde arabe .
Or , quel est le devoir de la France dans son amitié pour les pays arabes et dans son souci d' équilibre au Moyen-Orient , au Proche-Orient et dans la Méditerranée jusqu' aux rivages de l' Atlantique dans le monde arabe ? c' est d' éviter que le front du monde arabe soit enfoncé , débordé , et qu' à travers cette défaite militaire puisse se propager plus rapidement encore toute une série de thèses , qu' on dit fondamentalistes ou intégristes risquant de mettre à mal l' équilibre du monde arabe jusqu' au Maroc .
C' est une thèse sérieuse aussi-c'est la mienne-et , dans ce grand débat , c' est ainsi que je tranche .
Et j' ai , à ce moment -là , une série de propositions qui me sont faites pour vendre officiellement des armes à l' Iran , afin de rétablir un minimum d' équilibre comme le font d'ailleurs la plupart des pays dans le monde , y compris les pays occidentaux .
Cela , je ne sais pas ; je ne peux pas vous le garantir , je l' ignore absolument .
Ce que je peux vous dire , parce que c' est cela le point central dans lequel l' information sur les ventes d' armes qui sont des obus , qui sont considérées comme des armes mineures : c' est le terme même par comparaison , par opposition au terme " majeures " employé par monsieur Barre dans son décret du 13 mai 1981 .
je ne cherche pas à diminuer le dommage causé à la France et l' importance de cette fraude qui nous atteint , mais ce que je veux dire , c' est que je tranche et j' arbitre , j' en discute beaucoup avec le ministre de la défense et avec le ministre des affaires étrangères , avec monsieur Cheysson , avec le Premier ministre-monsieur Mauroy , qui d'ailleurs peu de temps après cédera au mois de juillet la place à monsieur Fabius-et on discute , c' est un sujet majeur pour les responsables de la politique française : que doit -on faire ? Je suis moi-même plein de réflexions et quand cette réflexion est achevée , je tranche en disant : nous continuerons d' aider l' Irak et nous n' aiderons pas l' Iran .
Elles ont été absolument enfreintes , c'est-à-dire que c' est moi qui établis un embargo de fait sur les armes vers l' Iran .
C' est moi qui , aux mois de juin , juillet , septembre , décide d' arbitrer pour que l' Irak soit aidé , et pas l' Iran , ce qui me vaudra des imprécations de l' Iran , y compris lors des dernières élections de mars 1986 et , par voie de conséquence , les socialistes qui sont pris à parti , qui sont insultés , qui sont mis en cause .
Avouez que ce ne serait pas logique , pas honnête et même incroyable qu' ayant dit cela , qu' ayant pris cette position , dont on peut apporter , c' est inutile , mais dont l' histoire retiendra de nombreuses preuves , avouez que c' eut été incompréhensible que , pour ces armes là et d' une façon frauduleuse , inacceptable , la position de la France , celle en tout cas que j' ai définie , soit défigurée .
Bien entendu , oui .
Bien entendu , j' en ai ; j' ai aussi quelques ennemis .
Oui , je mettrais ma main au feu .
Et , personnellement , je pense que la manière dont le rapport Barba a été divulgué est aussi une affaire d' Etat , alors qu' une instruction judiciaire avait déjà été ouverte et qu' il appartenait au juge d' instruction d' examiner , selon les méthodes de la justice , la situation des personnes mises en cause .
La manière dont le rapport Barba a été divulgué et la façon dont il a été exploité , notamment contre le Parti socialiste , en annonçant qu' il avait reçu des soultes , des commissions , de l' argent sur des ventes d' armes à l' Iran , je considère que cela constitue une immense escroquerie morale à l' égard de ce parti .
Vous m' avez demandé ce que j' en pensais : donc , je mettrais ma main au feu , oui ! je ne suis pas spécialement le défenseur d' un parti parmi les autres dans les fonctions que j' occupe aujourd'hui .
Je mettrais ma main au feu , oui .
Avant d' en arriver à cette date -là , dès le mois de mars .
En réalité , l' enquête de monsieur Quilès a commencé beaucoup plus tôt , dès l' année 1985 , après sa prise de fonction .
D'ailleurs , vous remarquerez-pour ceux qui suivent cette affaire de près -le rapport Barba note qu' à partir de là les acceptations de la commission qualifiée et du secrétariat général de la défense nationale qui décident sont très rares et qu' en général ils accumulent les refus : donc , cela n' a pas commencé en mars .
C' est un petit peu là que vous vous êtes réveillés parce que il y avait les élections .
Non , c' est nettement plus tôt .
Moi , ce que je peux dire , c' est que j' ai posé la question au chef du gouvernement , au ministre de la défense : je leur ai demandé de bien vouloir m' adresser une note pour me signaler l' ensemble des ventes qui avaient été faites vers un certain nombre de pays .
Il n' y a pas de ventes vers l' Iran : on ne trouvera jamais de papier dans lequel c' est indiqué ; c' est interdit .
En revanche , on trouve un grand nombre de pays suspects , ceux qui étaient suspects dans la première période , c' était la Thaïlande , le Portugal , la Yougoslavie , le Brésil et quelques autres-triste tableau d' honneur-et puis , peu à peu , cela s' est déplacé : on peut trouver Singapour , on peut même trouver un certain trafic qui pourrait passer par l' Italie ou par d' autres canaux .
Comme le Premier ministre et le ministre de la défense m' ont apporté l' assurance qu' il n' en était rien , moi , je crois à leur parole et je ne suis pas en mesure , pas plus avec ce gouvernement qu' avec l' autre , d' effectuer des vérifications moi-même ; ce n' est pas mon rôle .
Cela , je ne le dirais pas .
Oui , je vois ce que vous voulez dire .
Il y a le commerce licite , autorisé ; de ce point de vue , je ne me place pas au plan moral , sur le plan de la gestion des Etats , de leur commerce extérieur .
J' ai très bien compris pourquoi .
J' allais tout à fait dans ce sens .
Ne nous égarons pas , ce qui est vrai c' est que j' avais , et que j' ai toujours , au fond de moi une position défavorable au fait que la France soit le troisième exportateur mondial d' armements .
Non , nous avons continué de l' être , comme auparavant .
Je me suis rendu compte , d' une part , que si nous voulions avoir un armement français , nous étions obligés de vendre les armements fabriqués , armements sophistiqués , assez remarquables de ce point de vue , destinés à l' armée française , sans quoi l' armée française n' offre pas un marché suffisant pour que ces fabrications soient rentables : il faut avoir des exportations .
D' autre part , dans ces exportations , peut-être doit -on faire entrer certaines considérations morales ? on ne vendra pas à celui -ci ; par exemple , il y a actuellement 3 embargos de fait ou de droit , l' Iran , la Libye , l' Afrique du Sud .
J' ai moi-même veillé à ce que certaines armes , notamment , les armes de combat de rue , fussent interdites au Chili .
Je vous donne ces exemples ; interviennent quand même certaines considérations mais , grosso modo , c' est vrai que la France vend des armes .
Et décréter qu' on n' en vendra plus , c' est exposer plusieurs centaines de milliers , je crois , de travailleurs au chômage , dans une époque où c' est difficile .
Donc , la pratique du gouvernement ne m' a pas fait abandonner l' idée que je me fais des ventes d' armes mais c' est vrai que j' ai considéré que l' intérêt de la France , dans l' époque où je me trouvais , me contraignait , pour l' armée française , et son équipement , son armement , et pour le travail de ceux qui vivent de la défense nationale .
J' ai estimé devoir continuer : j' en prends la responsabilité , le reste est affaire entre ma conscience et moi .
Vous avez un peu raison ; pas tout à fait .
C' est vrai qu' au pouvoir les partis politiques sont plus prudents dans leurs affirmations .
Mais une initiative a été prise par les socialistes lorsqu' ils disposaient de la majorité absolue , après 1981 , qui ont saisi les autres partis représentés à l' Assemblée nationale , au Parlement en tout cas , pour leur dire : si on le faisait ? Mais nous ne voulions pas -nous aurions pu puisque nous avions la majorité absolue-imposer une règle qui ne serait pas acceptée par la grande majorité des députés .
Vous me direz ce que vous voudrez-peut-être était -ce un excès de scrupules -en tout cas cela n' a pas été fait .
Revenons -y , ce n' est pas parce que cela n' a pas été fait .
Pas du tout , et j' ajouterai : il faut le faire , vraiment ! Je suis quand même très avancé dans ma vie personnelle et dans ma vie politique : j' ai vécu 40 ans de la vie politique française , et d' un certain point de vue , international , je souffre que de telles questions n' aient pas pu être réglées ; et si je n' ai pas moi-même apporté tout l' effort qui eût été nécessaire pour y parvenir , je me le reproche .
Je ne veux pas me le reprocher plus longtemps .
Je dis qu' il y a un moyen : il faut réglementer le financement des campagnes électorales ; il faudrait réglementer le financement des partis politiques .
On peut le faire maintenant .
Il faut que les candidats déclarent ce qu' ils reçoivent , et ce qu' ils dépensent ; il faut que les bailleurs de fonds déclarent ce qu' ils donnent ; il faut accroître les financements publics -je ne dis pas remplacer les financements privés par les financements publics-mais il y a déjà des financements publics , puisque pour les partis qui font plus de 5 pour 100 , les candidats sont remboursés de leurs dépenses .
Absolument , mais vous n' imposerez pas la vertu , par quelque moyen que vous choisissiez .
Vous me posez une première question : est -ce qu' on en finira en imposant une sorte de règle morale et juridique ? Et ensuite , je vous dis " oui , on peut le faire " .
Et vous me dites " cela n' empêchera pas ... Un pays , un Etat de droit a besoin de règles malgré tout .
Eh bien , il faut l' un des systèmes qui ont été proposés , par des personnalités politiques de l' actuelle majorité , mais aussi par l' opposition socialiste , il faut , voyez -vous , plafonner les dépenses .
Une élection présidentielle , je sais ce que c' est : celle que j' ai fait le mieux-dans la mesure où j' en aurais fait de mal-c'est la première , en 1965 : il n' y avait rien du tout , un petit appartement de 5 pièces , 5 postes de téléphone .
On a fait un très bon résultat , on n' a pas dépensé 100 millions de centimes .
Il ne faut pas exagérer les choses : je dis qu' aujourd'hui -vous avez à faire à un expert-une campagne présidentielle peut être menée aux alentours de 100 millions de francs .
Il a dit 200 millions-mais bon : on peut chercher un chiffre moyen -il a de bonnes idées d'ailleurs , je ne suis pas hostile à cette bonne idée , je l' en remercie , nous nous rejoignons sur ce point : il faut le faire .
J' y viens , mais je n' ai pas terminé .
Il ne faut pas simplement réglementer , il faut contrôler : il faut qu' il y ait un organisme quelconque , qui contrôle la véracité des dires , la vérité et la loyauté des opérations .
Mais rien de mieux que des magistrats : on peut les prendre dans les 3 grands corps , Conseil d' Etat , Cour de Cassation , Cour des Comptes .
Des magistrats ! voilà ! Et vous dites : mais comment faire ? Je vais ajouter un élément supplémentaire-pourquoi est -ce qu' on ne ferait pas tout du même coup-pourquoi est -ce qu' on ne déciderait pas officiellement de contrôler l' état du patrimoine et de la fortune des élus d' un certain rang ? pourquoi est -ce qu' ils ne seraient pas obligés de déclarer leur patrimoine avant et de le déclarer après ? Je l' ai fait , moi , avant d' être élu , en 1981 ; je le ferai quand j' aurai quitté mes fonctions .
Mais je ne me cite pas en modèle : il y a beaucoup d' honnêtes gens dans la vie politique .
Je suis très choqué de voir à quel point on les critique , on se tourne vers eux en disant : " les pourris " .
J' ai dit un jour aux Français , c' était à une émission de télévision , " vous savez , ne classons pas les uns et les autres ; les hommes politiques , ils sont comme vous " .
Non ! je n' aime pas beaucoup ces campagnes qui tendent à dire que les hommes politiques sont plus malhonnêtes que d' autres .
Il y a beaucoup de gens très honnêtes ; il y en a des malhonnêtes aussi , ils font image .
Alors , ce que je veux dire , c' est qu' il faut maintenant se presser de réglementer le financement des campagnes , de réglementer le financement des partis politiques , de contrôler ce financement , ces financements , et j' ajoute : contrôler le patrimoine des élus d' un certain rang -je pense naturellement aux ministres , je pense au Premier des ministres , je pense au Président de la République , on peut aller jusqu' aux députés-mais laissons les législateurs décider eux-mêmes .
Voilà l' idée que je propose .
Et je demande instamment devant l' opinion publique-à laquelle je m' adresse par votre canal , Philippe Alexandre-qu'on le fasse : il faut le décider , il faut en finir avec cette boue .
Il y a ceux qui passeront quand même à travers pour commettre des actions de fraude : les malhonnêtes alors seront 10 fois plus coupables et devront être sanctionnés plus encore , plus fermement .
Alors le moyen ? Le référendum , a dit l' un des leaders de la majorité actuelle , je crois .
Je pense que c' est encore plus simple : il suffit que le gouvernement dépose une loi devant l' Assemblée nationale , dans les jours qui viennent , en tout cas avant la fin de la session , et que cette loi suive normalement la procédure parlementaire .
Et si on n' y arrive pas , avant le 25 ou 30 décembre-car il y a aussi le vote du budget , c' est toujours compliqué , le programme est déjà chargé -je suis prêt à signer un décret de convocation du Parlement en session extraordinaire au mois de janvier , de telle sorte que l' Assemblée nationale et le Sénat pourraient disposer des journées nécessaires , au moins une semaine , pour en finir une fois pour toutes avec cette question qui empoisonne la vie des Républiques depuis plus de 100 ans .
Je n' assume pas la responsabilité de la politique économique de la France .
J' ai cependant pour mission de veiller à ce que les Français , quelle que soit leur catégorie sociale , puissent s' en tirer le mieux possible lorsque cela va mal , c'est-à-dire que je suis en droit de demander que les mesures prises puissent compenser les injustices du sort pour établir autant qu' il est possible justice et équité sociales .
Mais sur le plan plus général , la crise française s' insère dans une crise mondiale : on ne peut pas dire que la France soit à l' origine de la bourrasque boursière ou de la bourrasque monétaire .
Ni les privatisations : vous savez ce que je pense , mais nous aurions bien d' autres choses à dire à ce sujet .
Je pense que le gouvernement a bien fait , disons , de faire la pause des privatisations , parce que indiscutablement , en accroissant le nombre des actionnaires , il alourdissait le marché ; donc il a bien fait de décider cette pause .
Je ne sais pas combien de temps elle durera , tout dépendra sans doute de la suite , mais je ne veux pas m' attarder sur ce sujet .
Sur le plan mondial , la France est aujourd'hui victime d' un certain nombre de déséquilibres , d' instabilités dont elle n' est pas directement responsable ; alors il faut qu' elle se dresse et qu' elle dise aux autres , au monde : voilà ce que moi , la France , je propose , voilà aussi la charge que je suis prête à prendre avec vous pour tenter d' apaiser la crise .
Alors le premier point , Philippe Alexandre , c' est d' essayer de corriger les déséquilibres économiques mondiaux .
Je dirai que cela nous est d'autant plus facile que n' en étant pas directement responsables , il s' agit de dire aux Américains -ce que viennent , d'ailleurs , de faire à Bruxelles les ministres de l' économie et des finances- " réduisez votre déficit budgétaire , réduisez votre déficit du commerce extérieur " ; c' est considérable , cela pèse terriblement sur l' économie mondiale .
Et puis dire à l' Allemagne , au Japon : soutenez davantage votre activité économique ! vous avez des excédents considérables et vous ne le faites pas ! Et puis dire aux uns et aux autres : baissez vos taux d' intérêt de l' argent , les taux d' intérêt réels .
Il faut dire que la France a des taux d' intérêt qui se situent parmi les plus importants dans le monde donc il faut qu' elle s' applique à elle-même cette leçon si elle le peut .
Ensuite , c' est le dernier point -je ne veux pas vous faire un grand discours -je dis qu' il faut penser que si l' on accroissait l' aide au tiers-monde , si on s' attaquait vraiment au problème de l' endettement , si l' on allait vraiment vers l' engagement mondial de fournir 0,7 % de son revenu national aux pays du tiers monde , il y a 2000000000 d' êtres humains qui prendraient part à l' économie mondiale , qui prendraient part aux échanges , qui consommeraient , qui produiraient , qui échangeraient .
Donc , sur les déséquilibres économiques mondiaux , il faut une volonté politique et je l' ai dit sur toutes les tribunes .
Je ne suis pas le seul à le dire , comme Français , mais moi je l' ai dit et comme je suis le Président de la République , je suis le premier à devoir le dire , et je l' ai répété sans arrêt .
De même on peut constater l' instabilité actuelle : il n' y a plus de système monétaire international depuis 1971 , depuis une décision de monsieur Richard Nixon , il n' y a plus rien ! Alors naturellement , c' est la foire d' empoigne ! chacun pour soi ! Il faudrait en finir avec le " chacun pour soi " .
Il n' y a plus de système monétaire , si on en veut un , il faut créer des pôles de référence , des pôles d' amarrage autour des 3 grandes monnaies .
Quelles sont ces 3 grandes monnaies ? il y a naturellement le dollar , il y a le yen japonais , et puis il devrait y avoir aussi l' écu , l' écu européen , qui pourtant reste une monnaie à la fois réelle et fantomatique .
L' Europe a été absente dans ce débat , vous avez raison .
Il faudrait que les banques centrales coordonnent davantage leur action .
Je voudrais moi aussi que l' écu soit une monnaie de réserve comme le dollar .
Si on laisse faire , oui ; mais bien entendu la volonté des gouvernants n' est pas de laisser faire , j' en suis convaincu .
Si on laisse faire , oui , pourquoi ? Pour une raison simple : les gens ont moins d' argent , il y a beaucoup de milliards qui sont passés comme cela d' une poche à l' autre , ou bien qui se sont volatilisés ; donc il y a moins d' argent , et quand il n' y a pas moins d' argent , il y a quand même plus d' inquiétude et on dit : Oh ! là là ! cela va mal , on va restreindre les achats , on achètera moins de choses ; on avait envie de cela , on ne l' achètera pas : soyons prudents .
Si c' est le mouvement général de la psychologie mondiale , on ira vers une récession .
Mais on peut ne pas y aller : il n' y a pas de fatalisme .
Cela dépend de la volonté politique , et particulièrement de la volonté politique des dirigeants européens .
Il faut se donner les moyens des analyses économiques ; il faut évaluer l' impact du choc boursier .
Nous avons un rendez-vous le 4 décembre prochain , je crois , à Copenhague , pour un Sommet européen ; tous seront là -ce n' était pas prévu au programme , bien entendu-eh bien il faut absolument qu' à Copenhague les 12 lancent des initiatives pour assurer un minimum de croissance qui viendra compenser le choc boursier .
Eh bien je dois dire , Philippe Alexandre , que sur les thèmes que je viens de développer , la plupart des grandes voix autorisées , vraiment , sont allées dans le même sens ; toutes ont dit : cessons ces déséquilibres ; toutes ont dit cela , vraiment .
Donc cela prouve qu' il y a un certain consentement national .
Moi je l' ai déclaré -je ne cherche pas à avoir du tout un privilège d' antériorité : le monde n' a pas commencé avec moi , il ne finira pas avec moi-dès le début de mon mandat , en 1982 , à Versailles-alors que les pays , les 7 plus grands pays industriels étaient réunis -vous savez qu' ils se réunissent chaque année-j'ai demandé qu' il soit mis un terme à l' absence de système monétaire international et à l' instabilité des taux de change .
Je l' ai demandé , une résolution a été prise et un groupe de travail a été constitué dont la présidence a été confiée à Jacques Delors .
Ce groupe a beaucoup travaillé : il a commencé de remporter des succès , c'est-à-dire que ceux qui disaient " non , il ne faut pas intervenir sur le marché , c' est le marché qui peut décider tout seul " ont compris qu' il fallait absolument que les Etats puissent intervenir , disons qu' ils puissent réguler-c'est le mot à la mode-qu'ils puissent ordonner , face au désordre des marchés , la sécurité financière du monde dans lequel nous sommes .
Voilà , je me réjouis , lorsque j' entends sur l' ensemble de l' échiquier politique des voix-que j' estime autorisées-aller dans le même sens .
Des discours , non .
Je pense que le gouvernement français-et moi , et je n' ai pas la même opinion que lui sur bien des choses , sur bien des choses -nous pensons que celles -ci peuvent être définies en commun et approuvées .
Ecoutez , pendant la législature précédente , c'est-à-dire sous la gestion de MM .
Delors et Bérégovoy , il y a eu un accroissement des bénéfices boursiers ; les pourcentages ont été considérables et d'ailleurs les épargnants le savent bien et les actionnaires le savent bien .
Non pas les spéculateurs , mais les actionnaires .
Dans le même moment , l' épargne a été elle-même mieux rémunérée .
Je ne sais pas si vous vous souvenez de la création du livret rose ; il y a eu aussi le livret A qui a été bien servi : l' épargne n' a pas été diminuée par le succès boursier .
Ce qui est devenu dangereux , c' est qu' ensuite la Bourse , l' achat d' actions s' est peu à peu substituée à l' épargne sur livret ; ce qui veut dire que des gens qui avaient de l' argent à la Caisse d' épargne l' ont enlevé pour acheter des actions : naturellement , ils sont entrés dans un tourbillon dont ils ne sont pas les maîtres .
Je vous voir venir .
Philippe Alexandre , n' attendez pas de réponse sur ce point .
Je vous vois très bien venir sur la question de l' élection à la Présidence de la République .
Je n' ai pas à développer un programme : les partis politiques sont là pour cela .
Je les écoute , je les observe ; moi je ne vous dirai rien !
Si les Français ne l' avaient pas compris , il faudrait le répéter ici : le grand marché unique du début de l' année 1993 suppose que les marchandises circuleront sans frontière et donc sans douane , à travers les 12 pays de la Communauté européenne , avec les effets que vous venez de dire pour les automobiles , comme pour le reste .
Ce qui est certain , c' est qu' il faudra se dépêcher .
Ce ne sera pas facile aussi en Europe d' aligner les dispositions fiscales et sociales mais sans cela il y aurait une grande injustice : ceux qui ont la politique la plus avancée sur le plan social pèsent sur leur économie et se trouveraient handicapés ; ceux qui auraient des fiscalités plus justes , et mieux réparties risqueraient également de se trouver handicapés .
J' ai engagé la négociation pour le marché unique de 1992 1993-c'est une grande responsabilité -ce marché a été , vous le savez , accepté à Luxembourg en 1985 , après avoir été préparé à Milan , quelques mois plus tôt et que de critiques j' ai entendues : " est -ce que la France sera capable " , et cetera .
Eh bien , il faut que la France soit capable , et moi je la crois capable .
Je suis sûr que les entrepreneurs , je suis sûr que les travailleurs de tous ordres qui y prennent part-qui vont des créateurs , des inventeurs , des chercheurs jusqu' aux travailleurs les plus modestes , en passant par tous les cadres -je suis sûr que tous ces gens -là sont parfaitement capables-et on le voit dans de nombreux domaines , on le voit dans celui des transports , mais il y en a bien d' autres-de supporter la concurrence .
Encore faut -il que cela soit compris par la puissance publique , de telle sorte que , dans le maximum possible de justice sociale , la production soit aidée .
Moi je crois que tout cela ne se résoudra pas en 1992-1993 .
La France saura qu' elle n' est plus protégée par des lois artificielles et le Français saura qu' il doit être meilleur que les autres ; il ne sera pas le meilleur partout , il faut qu' il le soit dans suffisamment de secteurs pour qu' au total , notre économie soit bonne .
Si vous me dites : " à proposer aux Français pour la prochaine élection présidentielle " , nous retomberons dans la même contradiction et cela ne nous fera pas avancer .
Je préfère vous mettre à l' aise .
Ce que je veux dire , c' est que moi je mène mon action et le problème est de savoir si les Français se reconnaissent dans cette action .
Le domaine dans lequel j' exerce ma fonction pleinement , c' est le domaine de la politique étrangère , c' est le domaine de la défense , c' est le domaine de la protection des droits de l' Homme , et cela doit être aussi le domaine dans lequel je compte bien intervenir : la justice sociale , car il n' y a pas de redressement économique sans justice sociale .
Ce sont de grands objectifs ! C' est , par exemple , sur le plan international , d' intensifier la coopération franco-allemande et j' ai commencé-dans le sillage inauguré en 1963 par le général De Gaulle-de proposer la construction politique de l' Europe : l' Europe monétaire , l' Europe des transports , l' Europe de l' environnement ... la liste serait trop longue , je vous l' épargne .
Ce que je veux dire , c' est que c' est un formidable idéal , la construction de l' Europe .
La France sera plus forte , et plus grande avec le support de l' Europe , et son génie particulier se fera mieux entendre si l' Europe existe et puis , enfin , on aura le droit de parler à égalité-avec 320 millions d' habitants-avec les Etats-Unis et l' URSS qui , pour chacune d' entre elles , en ont moins et beaucoup plus que le Japon ; je crois que c' est un bel idéal .
La recherche est un grand idéal , la recherche , la reconquête de l' espace , la conquête des secrets de la matière , la conquête des secrets de la médecine , de la biologie , la connaissance , le savoir , l' éducation : c' est un formidable enjeu .
Et je crois qu' on peut passionner les Français en leur donnant des directions claires .
Vous savez : Ariane , Hermès , et bien d' autres choses encore , c' est quand même exaltant .
C' est la Constitution qui le dit , Philippe Alexandre .
Je ne peux avancer la date de l' élection présidentielle que par un moyen : ma propre démission .
En raison des dispositions de la Constitution , ma propre démission fait que je ne suis plus Président de la République et que c' est le Président du Sénat qui occupe cette fonction par intérim .
Le gouvernement est responsable , devient le gestionnaire jusqu' à la date de l' élection d' un nouveau Président de la République .
J' ai l' impression que , par une mesure de ce genre , je lance la France dans une formidable campagne électorale-sur la base de la démission du Président de la République -je conçois très bien que cela puisse être difficile et puis je n' ai pas l' intention de le faire ! Je pourrais créer un choc nouveau en dissolvant l' Assemblée nationale : cela n' a pas beaucoup de sens .
Il s' agit de l' élection présidentielle ; il ne s' agit pas d' élection législative : la confusion arrive trop souvent .
Je n' ai pas les moyens d' avancer la date de l' élection présidentielle ; en attendant , j' ai les moyens d' en appeler à la morale publique .
J' ai quand même le droit , autant qu' il est possible , d' en appeler à la " concorde " des citoyens quand c' est nécessaire et j' ai surtout le droit d' en appeler-parce que la Constitution m' en donne la mission-à la justice .
J' ai parlé de justice sociale : il faut que les gens se sentent à l' aise en France , qu' il n' y ait plus d' écrasement des plus pauvres par les plus aisés ; il faut que les différences s' estompent toujours dans la mesure du possible ; il faut que la justice ...
Ce serait raisonnable pour les différentes ou principales ethnies-si on peut les appeler comme cela -en raison de l' équilibre démographique qui prévaut dans ces îles , dans cet archipel : d' un côté ceux qui sont d' origine européenne et , d' autre part , les Canaques .
Je pense que tout autre destination que la France , que la République française , conduira à une guerre civile inexpiable .
Cela veut dire que la République française a un devoir d' arbitrage scrupuleux pour qu' aucune de ces 2 communautés ne se sente menacée , exploitée , violentée .
Parce que je ne pensais pas ce référendum opportun : je pense qu' il a cristallisé une situation dommageable au lieu de la régler .
Ce n' est pas une affaire de statut , mais j' épouse les propos que vous venez de tenir .
Je dois dire que dans l' idée que je me fais de la justice française-et je le dis devant tout le monde au risque d' être démenti -je ne suis jamais intervenu auprès d' un juge d' instruction ; je considère comme coupable quiconque , directement ou indirectement , tente de peser sur les décisions d' un juge d' instruction .
Cela , c' est la règle fondamentale de droit : ces hommes , ces femmes , doivent être respectés dans leur fonction .
J' ai employé l' expression tout à l' heure " qu' on les laisse travailler " .
Mais les juges , disons du siège , en tout cas , les juges d' instruction en l' occurrence , dépendent pour leur avancement du Conseil supérieur de la magistrature .
Le Conseil supérieur de la magistrature est composé de 9 personnes qui sont irréprochables , auxquelles , d'ailleurs , on n' a jamais rien reproché , qui gèrent avec un formidable scrupule , une grande compétence , les affaires de la justice , disons du corps judiciaire : sur ceux -là , impossible de peser , impossible , il y aurait une levée de boucliers .
Bien entendu , la situation des gens du Parquet n' est pas la même , puisqu'ils doivent , d' une certaine manière , obéissance à leur hiérarchie ; et ce qui est vrai , c' est qu' il y a des interventions politiques , soit par les procureurs , soit par tous les moyens .
Moi je ne sais pas comment on fait , puisque je ne l' ai pas fait et que je le réprouve , mais il y a trop souvent des interventions politiques .
Alors , quand les juges se rebellent contre ces interventions politiques , ils ont raison , il faut qu' on les aide , et moi je veux les aider .
Non , pas à la rébellion , vous pouvez dire cela sur un ton plaisant ; mais non , je les appelle tout simplement à se sentir assurés qu' ils seront respectés .
Je suis , par l' article 64 de la Constitution -moi , Président de la République-garant de l' indépendance de l' autorité judiciaire ; je peux et je devrai , s' il le faut , consulter le Conseil supérieur de la magistrature pour qu' il me donne son avis sur telle ou telle action qui viserait à enrayer la liberté , l' indépendance des juges d' instruction .
Voilà une déclaration de principe qui peut devenir une déclaration pratique .
Mais je ne peux pas faire que les politiques , dans leur ensemble , respectent les principes que je viens d' énoncer ; je peux contribuer à ce que la justice se sente enfin délivrée de ces inadmissibles pressions et je le ferai .
Il n' y a pas que celles -là , Philippe Alexandre , je n' ai pas l' intention de barboter là-dedans , mais il n' y a pas que celles -là .
Ce n' est pas la peine pour cela qu' il y ait une cellule à l' Hôtel Matignon .
Le Premier ministre m' en a parlé encore récemment lorsque nous étions en Allemagne , il m' a dit : " Jamais de la vie " .
Je ne demande qu' à le croire .
Ce qui est vrai , c' est que les machines politiques , elles , ne s' en privent pas .
Sur le plan personnel , je n' en souffre vraiment pas , non ; d'ailleurs moi-même je ne suis pas en cause .
Oui , il y a cette affaire de la rencontre avec l' amiral Lacoste le 21 mai à propos de laquelle on a voulu créer une brèche dans laquelle on s' est empressé de s' engouffrer , mais ce n' est pas sérieux .
Ce que je peux dire , c' est que , personnellement , je ne suis pas visé , mais c' est vrai que mon environnement politique-mes amis politiques , ceux avec lesquels j' ai mené une grande partie de ma vie-c'est vrai que souvent on cherche noise à l' opposition , et puis de temps à autres , c' est le contraire .
Je fais cet appel , voyez -vous , à l' opinion publique , parce que c' est le peuple qui doit se faire entendre , mais je le fais aussi aux responsables politiques : finissez -en , finissez -en avec ces méthodes qui nuisent à la République tout entière , à chacun d' entre vous ! finissez -en ! La démocratie doit susciter le respect .
Sans doute est -on libre de porter accusation lorsqu' on est sûr de son accusation , mais on ne doit pas créer une profession nouvelle : celle des exploiteurs de scandales !
On glisse de nouveau sur le même terrain , mais enfin j' ai à faire à un journaliste de qualité , qui sait très bien comment s' y prendre .
Mais moi , j' ai acquis aussi un peu d' expérience .
Donc , ce que je veux vous dire , c' est que c' est vrai , quelquefois il m' arrive-mais c' est tout à fait en plaisantant-de dire : je crois bien que mes amis ne me désigneront pas mais mes adversaires-de la manière dont ils s' y prennent -ils pourraient bien y arriver .
Oh , vous savez , il n' y aurait pas celle -là , il y en aurait d' autres .
Mais enfin , ce que je veux dire , c' est que j' ai l' intention de ne rien ajouter à ce que j' ai déjà déclaré sur ce sujet .
Donc , c' est un débat dont je ne me mêle plus .
Ce n' est pas exactement comme cela .
D'accord .
Non , le Parti socialiste est tout à fait libre-et je ne peux que l' y encourager-de désigner son candidat pour l' élection présidentielle et je dois dire-sans vouloir prendre parti plus qu' il ne convient-que je formerai quand même des voeux pour lui .
Il est tout à fait libre , c' est sa détermination , c' est la sienne , ce n' est pas la mienne .
Je conçois très bien qu' en raison de nos liens-que je n' oserais pas appeler historiques , mais qui sont quand même importants , qui sont aussi des éléments sentimentaux -je conçois que je le gêne , c' est certain .
En ne répondant pas à Philippe Alexandre ce soir , je sais que je le gêne et , vraiment , je m' en excuse auprès de lui -je veux dire auprès de lui , Parti socialiste , pas Philippe Alexandre ! si j' avais à m' en excuser , je le ferais , mais ce n' est pas le cas -je comprends que je le gêne , puisqu'il ne peut pas prendre toutes les dispositions qu' il souhaite en temps voulu .
Mais des candidats à la Présidence de la République , il y en a plusieurs : il y a 2 grands candidats de la majorité , il est évident qu' il y a des candidats qui ont déjà annoncé leur candidature à droite et à gauche , et on peut dire : mais alors ? et le Parti socialiste ? Mais moi , je n' ai pas fait acte de candidature et j' entends , sur ce terrain -là , pouvoir disposer de moi-même .
On a le droit de le penser .
Depuis que la République existe , depuis les grands combats démocratiques et 1789-cela devait exister déjà avant , mais sous une autre forme-disons qu' en gros il y a des Français conservateurs , qui veulent bien garder ce qu' ils ont , préserver l' état acquis , et puis il y a des Français progressistes qui estiment que cela pourrait être mieux : qu' on appelle cela comme on voudra-c'est le parti du progrès , le parti de la résistance , la droite contre la gauche -les mots changent , mais ces réalités demeurent .
Elles demeureront longtemps , mais il y aura certainement des circonstances -il y en a déjà eu-où les majorités politiques , et surtout parlementaires , seront différentes et réaliseront des réconciliations sur des programmes déterminés .
Mais ce n' est pas le sujet que je souhaite approfondir maintenant , car ce n' est pas mon rôle que de vous répondre sur ce point , c' est le rôle des formations politiques .
Il appartiendra aux candidats déclarés et effectivement candidats au début de la campagne électorale de dire ce qu' ils en pensent .
Moi , vous comprendrez que , nourri par l' expérience -il a fallu que j' assume le changement , l' alternance de 1981 , avec les socialistes disposant d' une majorité absolue , au pouvoir après tant d' années d' absence du pouvoir , et il a fallu que j' assume , par le moyen de la coexistence , que d' autres appellent la cohabitation , une nouvelle majorité parlementaire , que je ne pouvais pas , disons les choses honnêtement , prétendre représenter .
J' ai donc connu quand même 2 difficultés -elles n' étaient pas du même ordre , mais j' ai dû me poser le problème en tant que Président de la République-comment faire pour que les décisions prises par ces majorités , qui ont bien le droit d' adopter les lois de leur choix , de prendre les orientations économiques , sociales et autres , de leur choix , ne froissent pas outre mesure les autres ? comment faire que la communauté nationale soit quand même préservée ? Et je dois dire que je m' y suis appliqué ; y ai -je réussi ? c' est l' opinion publique qui le dira !
Dans mon for intérieur , pas vraiment , non pas vraiment .
C' est ce que vous verrez ! c' est ce que je verrai aussi parce que je n' en sais rien .
Ce que je veux dire , c' est que j' ai été élu alors que j' avais 64 ans : faites maintenant l' addition , plus 7 , on y arrive , on y est arrivé même , du point de vue de mon anniversaire ; dans l' hypothèse où vous vous placez , vous , d' une réélection , eh bien c' est un problème qui se pose , c' est vrai , c' est un problème qui se pose .
Vous observez en moi des signes inquiétants ?
Oui , il y en a même pour les cardinaux chargés d' élire les papes .
Les évêques , je crois qu' à 75 ans ils doivent se retirer , et pour les cardinaux , c' est 80 : vous voyez , je prends des exemples en dehors de la politique .
Oui , je pense-enfin c' est assez individuel , cela-si je plaide dans l' autre sens en vous citant la liste absolument immanquable de Clemenceau , d' Adenauer , de x ou y-j'aurais l' air de plaider pour une candidature .
Ce que je veux dire , c' est selon les cas , " c' est selon " -selon une expression qu' on employait beaucoup dans ma province saintongeaise : " c' est selon " -mais j' observe en effet que l' âge venant , ce risque existe et quiconque le prend doit le prendre en conscience .
Oh ! je ne dirai pas que monsieur Reagan soit affaibli à ce point -là ; non ! je ne veux pas dire cela .
Il est arrivé que ce soient les Soviétiques qui aient des vieillards , de très grands vieillards qui se trouvaient là , déjà malades , et même affaiblis , et puis les Etats-Unis d' Amérique , ce n' est pas rien .
Non ! je ne ferai pas ce genre de jugement sur monsieur Reagan et je me réjouis du désarmement qui semble devoir être décidé sur les forces nucléaires intermédiaires , comme je me réjouis de tout nouvel accord sur les forces stratégiques , sur les armes chimiques ou sur les armes conventionnelles .
Il faut aller dans ce sens .
Je déplore profondément ce que vous appelez des bavures .
C' est vrai qu' il y a des expressions différentes qui émanent souvent des entourages , qui agissent sincèrement , mais peut-être avec un trop grand enthousiasme pour celui dont ils portent le drapeau .
Mais je déplore ces faits et croyez -moi , j' y veille toujours .
Mais quand même , au total-aussi bien qu' en Espagne , qu' à Tokyo , aussi bien à Karlsruhe qu' en Espagne et qu' à Tokyo -nous avons défendu les mêmes positions et nous avons réussi , notamment à Karlsruhe , dans le cadre du duo ou du couple franco-allemand , à faire adopter des mesures extrêmement productives , extrêmement intéressantes pour l' avenir , sur le plan de la défense , de la sécurité et sur le plan de la monnaie : c' est quand même cela l' essentiel .
C' est un système imposé : moi , je n' ai pas du tout souhaité cela ; ce sont les Français , en élisant une Assemblée nationale conservatrice , qui l' ont voulu , c' est le peuple .
Le reproche de fond , il est celui -là : faut -il , chaque fois qu' il y a une saute d' humeur de la population , que le Président de la République s' en aille ? Les sautes d' humeur de la population ou du Parlement , cela voudrait dire quoi ? cela voudrait dire que , quand un Président de la République se trouve minoritaire devant l' Assemblée nationale , il s' en va .
Déjà , il faut en élire un autre le cas échéant , puisqu'on prête à tel ou tel candidat d' aujourd'hui la volonté ou le désir de dissoudre l' Assemblée nationale , à peine serait -il élu , supposez qu' il n' ait pas la majorité , alors il va démissionner un mois après avoir été élu ? situation absurde , que les Français ne demandent pas .
Et puis , vous risquez d' avoir des sautes d' humeur parlementaires , à l' intérieur d' une même majorité .
Vous voyez bien ce que je veux dire : à l' intérieur d' une même majorité , vous pouvez avoir des ruptures , vous pouvez avoir une majorité de cette majorité qui dise : la façon dont agit le Président de la République ne me plaît pas , alors , je renverse le gouvernement et , de nouveau , le Président de la République se trouve minoritaire dans sa majorité : il faut qu' il s' en aille ! Si bien que , pour compenser le désordre et l' instabilité parlementaire , on va en surajouter avec l' instabilité présidentielle : je dis que ce n' est pas sérieux ! Maintenant , un dernier mot : il n' est quand même pas souhaitable que des situations de ce type se répètent trop souvent , il vaut mieux qu' il y ait harmonie politique , bien entendu , entre le Président et le Parlement , mais cela , c' est le peuple qui décide .
Avant , pourquoi pas ? Je compte bien , jusqu' à la fin de mon mandat , l' exercer pleinement , et parmi les usages que j' en fais , il y a la relation avec la presse .
Or , vous représentez , vous-même personnellement , et RTL , des moyens médiatiques importants : il n' y a donc pas de raison que je vous dise non .
Pour plus tard , permettez : n' étant plus Président de la République , je ne m' absenterai pas de la France , je veux dire psychologiquement , moralement , affectivement , je continuerai d' aimer mon pays , d' avoir envie de le servir , mais ce ne sera pas un goût immodéré au point de me mêler de tout et du reste .
Le jour où j' aurai vraiment pris ma retraite , je l' aurai prise vraiment , et il me restera à examiner en moi-même ce qu' il me reste à faire dans la suite , les échéances qui terminent toute vie .