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de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
J. Chirac - 27 novembre 1998
Interview accordée par monsieur jacques chirac président de la république à rfi et tv5
Je voudrais d' abord saluer au nom de la France les chefs d' Etat et chefs de délégation africains qui sont aujourd'hui présents à Paris . Je voudrais souligner que la France est peut-être le seul pays du monde qui puisse inviter et recevoir toute l' Afrique . C' est parce qu' elle a de l' Afrique une perception , qu' elle a pour l' Afrique une sensibilité , un souci permanent et historique . La France aime l' Afrique . Elle est heureuse quand elle la voit progresser , malheureuse quand elle la voit se déchirer . Dans ce contexte , vous évoquez le président de la République démocratique du Congo , je voudrais simplement vous faire remarquer que la France n' est pas responsable , et chacun le sait , de son accession au poste de chef d' Etat de son pays . En revanche la France est extraordinairement soucieuse de la situation dans cette grande région du Congo et des Grands Lacs . Et elle entend tout faire pour apporter sa contribution dans la mesure du possible , à une cessation d' hostilités aussi absurdes que meurtrières . Dans cet esprit je recevrai d' ailleurs demain après-midi tous les responsables de cette région pour essayer de leur suggérer , je dirais la voix de la raison .
L' Afrique est traditionnellement , dans sa culture , de par son histoire , le pays du dialogue . On dit de la palabre , au bon sens du terme . Ce n' est pas le pays des affrontements inutiles et c' est cela que je voudrais essayer de dire à chacun dans un premier temps , et dans l' urgence . Il faut que toutes les parties au conflit , tous les protagonistes bougent , fassent quelque chose pour se rapprocher et que l' on puisse ainsi déboucher sur une conférence internationale d' où sortirait la paix .
Vous savez , je crois avoir été l' un des premiers à proposer une Conférence internationale , c' était il y a trois ans , au moment du 50e anniversaire de l' ONU , et alors que rencontrais le président Museveni à New York . Et puis les circonstances n' ont pas permis à ce projet de prendre corps . Je pense aujourd'hui que les esprits sont mûrs , en tous les cas pour examiner la possibilité , je le répète , de bouger , qui est le préalable essentiel à l' organisation d' une Conférence . Alors ne nous y trompons pas , une conférence internationale , qu' est -ce que c' est ? C' est la réunion des protagonistes , il ne s' agit pas d' une conférence où tout le monde viendrait . Ce sont les protagonistes , et l' OUA , qui doivent se mettre d' accord sur un schéma . J' ai à cet égard naturellement quelques idées que je vais suggérer . Et , à partir de là , l' OUA et l' ONU peuvent apporter les moyens nécessaires , surtout l' ONU , à la mise en œuvre pratique de cette solution pacifique . Voilà ce à quoi nous nous employons et à quoi je m' emploie . Voilà pourquoi je reçois les chefs d' Etat de cette région .
C' est le rôle des Africains avec l' aide de l' extérieur , de la Communauté internationale .
Non . L' histoire se déroule , la période des interventions extérieures est une période révolue , comme celle du colonialisme . Chaque temps a sa marque . Aujourd'hui , certes , l' OUA , qui regroupe la totalité ou presque des pays africains , n' est pas en mesure d' assurer cette mission . En revanche , vous observez , et parce que c' est plus logique , que des organisations régionales se mettent en place pour assumer les conflits qui sont généralement régionaux . La CEDEAO pour ne parler que de celle dont on a évoqué hier l' action positive . Je crois que c' est cela la voie : la prise en main par des organisations régionales de la prévention , et le cas échéant , de l' action sur les conflits , et de la solution . Alors , naturellement , ce qui manque en général à ces pays lorsqu' ils ont la volonté politique et l' organisation technique , ce sont les moyens à mettre en œuvre . Alors là , la Communauté internationale peut agir , soit par le biais de l' ONU quand il s' agit de quelque chose de très important , je l' évoquais tout à l' heure pour les Grands Lacs , soit autrement lorsqu' il s' agit de conflits moins importants . C' est dans cet esprit que la France a créé le système qu' elle appelle RECAMP , c' est - à - dire le renforcement des moyens d' action africains pour le maintien de la paix . Et nous avons eu une très bonne illustration récemment en Centrafrique avec la MISAB puis la MINURCA , dont tout le monde a fait l' éloge et où la France a pu apporter l' appui logistique de formation au fonctionnement de ces unités , qui étaient sous commandement africain et sous responsabilité africaine . C' est cela , à mon avis , la voie de demain pour la paix .
Nous avons été confrontés au problème des mines antipersonnel . Vous avez l' air de le considérer comme résolu , ce n' est hélas pas le cas , car les moyens dont nous disposons , dont la collectivité internationale dispose pour éradiquer les mines antipersonnel sont encore aujourd'hui dérisoires par rapport à l' ampleur du mal . J' ajoute que de grands pays et notamment de grands pays producteurs de mines antipersonnel , ou utilisateurs , n' ont pas signé la convention internationale condamnant les mines antipersonnel . La France l' a signée , mais d' autres ne l' ont pas fait . Par conséquent le problème est loin d' être résolu et il marquera profondément la vie d' un certain nombre de pays au XXIème siècle . Alors le problème des armes personnelles est également important . Dans l' état actuel des choses , nous n' avons pas les moyens nécessaires pour essayer de maîtriser ce problème . Eh bien nous sommes en train , avec nos partenaires africains , d' étudier la mise en œuvre de moyens pour essayer de limiter les conséquences de ces achats et de cette diffusion des armes personnelles .
Il y a une nécessité pour les pays africains . C' est d' inspirer confiance car il n' y a pas de développement sans confiance . Et pour inspirer confiance dans le monde d' aujourd'hui il faut deux choses : il faut apparaître comme respectueux des principes de la démocratie , alors naturellement , ils ne sont pas transposables intégralement à chaque pays , mais il faut être respectueux des principes de la démocratie . Et il faut être respectueux des principes de la bonne gouvernance , c' est - à - dire d' une gestion sérieuse des affaires . C' est cela qui permet de donner confiance à l' intérieur et à l' extérieur des pays , et notamment c' est cela qui permet l' investissement et le développement . Et je considère que malgré certains exemples contre-productifs , malgré certaines crises qui existent et que l' on met en exergue , à juste titre , malgré cela , il y a derrière , en Afrique , un vrai progrès . Un vrai progrès vers la démocratie , un vrai progrès vers la bonne gouvernance et donc un progrès vers le développement . Ce n' est pas par hasard si depuis 6 ou huit ans , 10 ans , la croissance africaine persiste à un niveau de l' ordre de 5 % . Et pour la première fois dans son histoire , cette croissance dépasse la croissance démographique . Ce qui est un signe fort qu' il ne faut pas être systématiquement pessimiste pour l' Afrique .
Bien entendu qu' il est démenti par les faits et cela ne m' empêche pas de le poursuivre . D' abord , parce qu' il est démenti par les faits dans certains endroits , mais pas dans l' ensemble de l' Afrique . Mais comme nous sommes dans un monde médiatique , naturellement , ce qui va mal prend toujours beaucoup plus de place que ce qui va bien . Ce qui est tout à fait légitime . Mais il ne faut pas qu' au niveau des dirigeants cela masque la réalité : la réalité c' est qu' il y a un progrès africain indiscutable , même , je le répète , s' il y a des crises qui le masque . Et puis , deuxièmement , parce que si l' on veut avoir une vraie volonté de progrès et de développement on ne peut pas être pessimiste car le pessimisme paralyse . Il faut être optimiste c' est dans l' optimisme qu' on trouve la force de progresser et c' est pour cela que je suis optimiste , et je ne suis pas le seul . Je lisais , il y a quelques jours , le petit livre du Président en exercice de l' OUA , le président Blaise Compaoré , qui a fait un petit livre très bien fait qui s' appelle " Les Voies de l' Espérance " . C' est optimiste , ça . Et qui cite un proverbe africain qui dit : " même au plus sombre de la nuit , l' aube est à portée de main " . A condition , bien entendu , que l' on sache tendre la main . Et c' est cela surtout que je voudrais dire aux jeunes Africains . Ce qui m' intéresse aujourd'hui , c' est surtout l' avenir et donc les jeunes Africains . Je voudrais leur envoyer un message qui est à la fois un message de solidarité , d' amitié , et de compréhension de leurs difficultés et de leurs problèmes , vous avez cité le SIDA ou les famines , il y en a d' autres , mais aussi un message d' optimisme : oui , l' aube est à portée de la main .
La relation actuelle entre la France et Prétoria est une relation amicale , politiquement forte . Vous savez que je connais le Président Mandela depuis très longtemps . J' ai toujours soutenu son action , d' ailleurs c' est la raison pour laquelle je n' avais jamais accepté de me rendre en Afrique du Sud au temps de l' apartheid . Je crois à l' avenir de l' Afrique du Sud et , je le répète , notre relation est très bonne . Et j' entends qu' il en soit ainsi , naturellement .
Non , ces pays n' ont rien à craindre . Notre aide s' adapte , naturellement , sur le plan technique . Elle ne diminuera pas . Je dirai que la politique africaine de la France , aujourd'hui , est fondée , c' est ainsi que l' ai souhaité quand j' ai été élu , sur un double principe : fidélité et ouverture . Fidélité , je dirai à la famille , je n' ai pas besoin de développer ce point , et fidélité dans l' aide apportée à la famille dans la coopération , dans la solidarité . Mais aussi ouverture à des pays avec lesquels la France n' avait pas historiquement de liens forts . Et il n' y a aucune raison qu' elle ne les ai pas . Et donc , effectivement , nous avons aujourd'hui la volonté de nouer des relations politiques , économiques , culturelles avec l' ensemble des pays africains .
Je crois que ces inquiétudes , qui ont été nourries , je dirais , par des polémiques où les arrières pensées politiques n' étaient peut-être pas absentes chez certains , ces inquiétudes sont aujourd'hui levées .
Hier , je réunissais les chefs d' Etat de la zone franc et nous avons abordé ce problème sur le rapport du président Abdou Diouf . J' ai observé que les inquiétudes n' existaient plus et que les africains concernés avaient bien conscience de tout ce que leur apporterait , dans l' avenir , l' euro en termes de stabilité , en terme d' amélioration des capacités d' échanges , en termes de confiance pour les investisseurs . Bref le bilan est très très largement positif . Il n' y a pas d' inconvénients et il n' y a que des avantages . Et aujourd'hui , malgré les polémiques anciennes , je crois pouvoir vous dire , en tous les cas , au niveau des responsables africains , que tout le monde en est convaincu .
Qu' est -ce que c' est une forteresse euro ?
Non , la parité entre le franc CFA et l' euro est une parité qui est garantie . Donc le problème pour eux , de ce point de vue , ne change pas . Ce qui change en revanche , c' est la stabilité , la solidité . Ils étaient appuyés sur une monnaie certes solide , le franc , mais pas suffisamment pour affronter , je dirais , les périls de la mondialisation , et les avantages de la mondialisation .
C' est la raison pour laquelle nous avons fait , en Europe , l' euro , pour avoir l' autre grande monnaie du monde , à côté du dollar , et pour apporter un élément essentiel de stabilité dans la vie internationale monétaire et financière . Naturellement , les pays qui sont associés à cet euro bénéficient des même garanties de solidité et de stabilité , c' est pour cela qu' ils y ont tout avantage .
Qu' il ait fait avancer la cause de l' Afrique ne fait aucun doute , car c' est l' occasion de nouer des contacts amicaux , plus confiants , parfois , entre des gens qui ne se voient pas ou qui ne se connaissent pas . Et ne serait -ce que cela est très important . Discuter ensemble de surcroît des problèmes collectifs , et notamment des problèmes africains , et voir comment on peut les aborder le mieux possible , c' est aussi quelque chose de positif . Vous savez , il y a plus d' idées dans deux têtes que dans une , et on a toujours intérêt à discuter , à parler , c' est le meilleur moyen de ne pas s' affronter . Enfin , nous avons des problèmes particulièrement difficiles à résoudre . Tout à l' heure , on évoquait le problème des mines antipersonnel ou le problème des armes légères , il y a aussi le problème du Sida , et vous savez qu' à l' initiative de la France , on a lancé une grande opération , le fonds de solidarité thérapeutique pour qu' il n' y ait pas dans le monde les médicaments au nord et les malades au sud . De la même façon , nous allons évoquer la crise des Grands Lacs et puis d' autres crises ponctuelles , ici ou là . Le fait de se rassembler permet , sinon de résoudre les problèmes , tout au moins de mieux se connaître et de rapprocher les points de vue . Rien que cela c' est le vrai succès .