Focus sur le discours :
: voir le discours complet
Passages-clés
Extraits statistiques basés sur le vocabulaire spécifique du discours
Qui utilise le plus le mot «mondialisation» ?
Distribution statistique du mot chez l'ensemble des locuteurs du corpus.
Les thèmes autour du mot «mondialisation»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
J. Chirac - 21 mars 2002
Paris match-interview réalisée par alain genestar et laurence masurel
.
Oui le monde change . Et la France doit s' adapter pour faire face à de nouveaux défis . La vie quotidienne des Français dépend aujourd'hui beaucoup plus qu' autrefois de l' environnement international . C' est pourquoi , dans la campagne , j' ai souvent évoqué deux sujets majeurs pour nos compatriotes : l' Europe et la mondialisation .
Et dans le monde , il y a une voix de la France . Une voix que le monde a besoin d' entendre , que je veux porter à Monterrey . Plus de liberté doit s' accompagner de plus de solidarité entre les pays riches et les pays pauvres . Telle est notre responsabilité dans un ordre international marqué par la mondialisation . Telle est notre vision du monde où le marché ne suffit pas à résoudre les problèmes économiques et sociaux . Elle est différente de celle des Américains .
Le terrorisme international met en œuvre des moyens modernes et puissants capables de frapper nos sociétés . La première conclusion , c' est que tout doit être fait pour lutter contre ce terrorisme international . C' est la raison pour laquelle j' ai souhaité que la France s' associe immédiatement à l' action engagée par les Etats-Unis , effroyablement touchés par les attentats du 11 septembre . Mais au-delà de cet événement tragique et révélateur , et bien que rien ne puisse justifier jamais de tels actes , il faut s' attaquer aux inégalités croissantes entre nos sociétés , aux frustrations que certains conflits exacerbent et rechercher un indispensable dialogue entre les sociétés et les cultures . Le grand enjeu du monde aujourd'hui , c' est bien la paix , la démocratie , la pauvreté , le développement durable de la planète . Tout ceci constitue le bien commun de tous les hommes , un bien qu' il nous appartient de défendre ensemble . C' est notre avenir qui est en jeu .
Oui . Je pense que la mondialisation de l' économie appelle la mondialisation de la solidarité . C' est le message de la France , que je porterai à Monterrey avec force et détermination . Mon ambition est de participer activement à la prise de conscience qu' il est nécessaire de mondialiser la solidarité en même temps que l' économie .
Je veux simplement faire comprendre que ces inégalités , ces conflits non réglés , sont porteurs de réactions qui peuvent être des réactions extrémistes . Ils alimentent les frustrations , le sentiment de révolte de ceux qui n' ont rien . Monterrey est une étape dans ce processus de prise de conscience . Notre défi doit être le suivant : comment arracher à la misère le tiers de la population mondiale qui vit avec moins de deux dollars par jour et par personne ? Comment mobiliser les ressources nécessaires pour permettre le développement des pays qui en ont besoin ? Comment humaniser cette mondialisation ? Les pauvres doivent avoir aujourd'hui l' espoir de voir leurs revenus et leur niveau de vie s' améliorer .
Je suis tout à fait hostile aux attitudes extrêmes qui consistent soit à tout laisser aller - à considérer que la mondialisation doit se développer sans règles- , soit à l' ignorer , voire la combattre . La mondialisation est la réalité de la vie , de l' évolution . Mais elle marginalise les plus pauvres . Elle doit donc s' accompagner d' une lutte contre la pauvreté . La fatalité du sous-développement n' existe pas . Depuis cinquante ans , un certain nombre de pays ont réussi à s' engager sur la voie du développement . Cependant , aucun pays ne peut y parvenir seul . Ils ont tous besoin d' assistance internationale pour décoller . Il faut convaincre chacun de l' urgence d' un partenariat entre pays riches et pays pauvres pour permettre ce décollage . L' argument selon lequel il ne faut pas augmenter l' aide au développement , retenu , hélas , par de nombreux dirigeants du monde , est tout simplement l' expression d' un égoïsme que nous ne pouvons pas accepter . C' est aussi un calcul à courte vue .
L' aide mondiale a baissé d' environ 20 % depuis 10 ans . Elle se situe aujourd'hui aux alentours de 50 milliards de dollars . La Banque mondiale estime que , pour éradiquer la misère en 2015 , il conviendrait de doubler le niveau de cette aide , à savoir passer de 50 milliards de dollars à 100 . Vous me faites remarquer que , dans ce contexte , bien éloigné des objectifs que les pays industrialisés s' étaient fixés-0 - 7 % du PNB . affectés à l' aide publique au développement- , la part de la France a diminué . Je regrette cette réduction et , depuis plus de trois ans , je la dénonce . Il n' en reste pas moins que la France se situe parmi les premiers pays du G8 . Il faut faire mieux et plus . La France doit donner l' exemple et augmenter son aide de 50 % en 5 ans , pour viser ensuite l' objectif de 0 - 7 % en 10 ans .
Ces réactions contre les effets nocifs de la mondialisation , même si certaines de leurs expressions sont condamnables , nous devons les comprendre . Un effort d' explication est nécessaire , mais il suppose d' abord un effort de compréhension . D' où la nécessité d' une coopération étroite avec les Ong . qui ont , pour un grand nombre d' entre elles , une expertise , une compétence , une générosité , un enthousiasme qui en font des partenaires tout à fait essentiels .
Mais pour revenir à l' aide publique au développement , celle-ci n' est pas , et de loin , le seul moyen d' action . La plupart des pays qui ont besoin de la solidarité nationale sont des pays qui ont été conduits à s' endetter considérablement . J' ai été le premier chef d' Etat à inscrire à l' ordre du jour d' un sommet du G8 , c' était en 1996 à Lyon , le projet de " la mondialisation au bénéfice de tous " . C' est là que j' ai engagé l' action qui a conduit à la réduction ou à l' annulation des dettes . Cette action vitale pour ces pays a fini par être mise en œuvre pour les pays les moins avancés . Il faut la poursuivre et ne pas oublier les pays à revenu intermédiaire .
L' argument avancé par certains à ce sujet est en réalité un mauvais argument : l' Europe est déjà le marché le plus ouvert du monde . L' Union européenne est , de ce point de vue , en avance . Nous avons pris récemment , et en particulier sous l' impulsion de la France , des mesures importantes - accord de Cotonou- , l' Europe a ouvert ses marchés à un grand nombre de pays en développement . Nous l' avons fait de façon plus spectaculaire encore à la dernière conférence de Doha , en novembre 2001 , puisque nous nous sommes engagés à ouvrir , sans aucun droit et sans limite , nos marchés à tous les produits - sauf les armes -en provenance des pays les plus pauvres .
Oui , on peut toujours aller plus loin . Vous me parlez de l' agriculture . Vous touchez là un point sensible . 850 millions d' hommes , de femmes et d' enfants souffrent de la faim dans le monde . Or , les trois quarts des pauvres vivent dans des régions rurales . Ce qui veut dire que les stratégies agricoles des pays concernés doivent viser en priorité les besoins nationaux et non pas les marchés internationaux qui sont , par essence , des marchés spéculatifs .
Par ailleurs , le libre échange ne va pas sans le respect de règles du jeu . Il faut s' assurer du respect des normes sociales , refuser l' exploitation des enfants et le travail forcé . C' est pourquoi la France demande que l' Organisation mondiale du commerce se rapproche beaucoup plus de l' Organisation internationale du travail et prenne en compte ses normes , pour humaniser les échanges internationaux .
Il ne faut pas non plus produire n' importe quoi et il faut appliquer , par exemple aux OGM , le principe de précaution . Enfin tout n' est pas marchandise . Je pense aux biens culturels et au respect de la diversité culturelle . Je pense aussi aux médicaments , notamment contre le SIDA .
Je suis persuadé que la reprise de l' effort en matière d' aide publique au développement est parfaitement comprise par l' opinion publique française . En outre , d' autres ressources existent pour financer le développement . Le débat sur ce point est engagé . La France doit y apporter sa contribution . Un certain nombre de propositions intéressantes existent . Il n' y a pas que la taxe Tobin .
Je n' ai jamais dit cela ! Il n' y a pas à être favorable ou pas à l' application pure et simple de cette taxe , car elle est impossible , comme son auteur a eu lui-même l' occasion de le rappeler . En revanche , la mondialisation crée par elle-même des richesses considérables : plus de 1500 milliards de dollars sont échangés chaque jour sur les marchés financiers . Le commerce mondial représente chaque année 7000 milliards de dollars . Il me semble naturel de vouloir financer la maîtrise de la globalisation par les ressources que celle-ci engendre . Il convient donc de trouver le bon moyen , le moyen acceptable par tous , en discutant toutes les possibilités , y compris un système de taxation internationale .
Ce sera long et difficile , mais ce n' est pas une raison pour ne pas essayer , c' est même une raison pour commencer tout de suite . Ce combat pour l' humanisation de la mondialisation , je le mène depuis longtemps , et notamment depuis que je suis élu .
Beaucoup passe aussi par un changement d' esprit des organisations internationales . Je le dirai à Monterrey . Elles doivent mieux coordonner leurs actions . Et toutes les organisations internationales , y compris les organisations économiques et financières , devraient reconnaître explicitement qu' elles respectent la Déclaration universelle des droits de l' homme qui est l' expression de nos convictions , de notre idéal commun . De façon à bien marquer qu' au-delà de la gestion des affaires il y a la promotion de cet idéal commun .
De même , pour la sauvegarde de notre environnement . Nous touchons là le cœur du problème du XXIe siècle . Nous vivons dans un monde ou les prélèvements sur la nature dépassent ses capacités de reconstitution . Une révolution écologique s' impose , d' une ampleur comparable à la révolution industrielle que nous avons connue . Nous avons besoin d' une organisation mondiale de l' environnement qui n' existe pas aujourd'hui et qui pourrait exprimer la conscience universelle en matière d' environnement .
Démocratiser la mondialisation est aujourd'hui nécessaire . Associons davantage non seulement la société civile - les Ong , nous les avons déjà évoquées - à la définition de la politique , mais également les pays en voie de développement . Il faut non pas imposer , mais discuter démocratiquement . Sortir d' un monde où l' on s' affronte en permanence . Nous devons nous respecter les uns les autres . Une partie des problèmes que nous connaissons , notamment dans le domaine de l' insécurité , tiennent au fait que l' on a perdu ce sens du respect de l' autre . Si la mondialisation est perçue comme une tentative des uns pour imposer leurs règles aux autres , naturellement elle échouera .
De ce point de vue , les réactions des peuples aux événements du 11 septembre ont révélé des incompréhensions dont les conséquences peuvent être tragique . Le dialogue des cultures est une nécessité de notre temps . L' humanité doit protéger la diversité de ses cultures . C' est un formidable idéal pour les jeunes du monde entier . Il faudrait l' affirmer dans une convention mondiale , profession de foi dans l' égale dignité des cultures du monde . Ce serait un bon moyen pour que l' on prenne tous conscience de cette richesse extraordinaire de l' humanité .
Au fil des siècles , la France s' est construite sur des idéaux de solidarité , de démocratie , de progrès qui lui ont permis de se maintenir parmi les premiers pays du monde . Ces trois mots clé , " liberté , égalité et fraternité " , c' est aujourd'hui à l' échelle du monde que la France a vocation de les porter et de les faire vivre . La mondialisation a besoin d' une armature morale .
Nous parlerons bien sûr des grands dossiers du monde : le Moyen-Orient , l' Afghanistan , la lutte contre le terrorisme international , et naturellement , ce problème fondamental de la mondialisation . Je voudrais le convaincre , et à travers lui et le peuple américain , que la solidarité internationale est l' une des clés de la démocratie et de l' équilibre du monde , le meilleur moyen d' assurer la sécurité du monde . Le choc du 11 septembre impose aujourd'hui une véritable prise de conscience .
Partout sur la scène internationale , on reconnaît le rôle et la responsabilité de la France . Mais , il est vrai qu' en ce qui concerne les crédits d' équipement de nos armées l' effort est insuffisant . J' ai eu l' occasion de le dire à maintes reprises . Nous sommes à la limite inférieure de ce qui est nécessaire . Nous devrons , pour conserver notre rang , notamment en Europe , mais également dans le monde , renforcer les moyens d' équipement de nos armées .
Il y a un impératif de sécurité extérieure comme de sécurité intérieure . " Nécessité fait loi " et c' est à notre portée .
Je ne fais pas de politique fiction !
Pour l' instant , le problème dont nous débattons avec les Etats-Unis est celui du Moyen-Orient . Nous avons quelques raisons de penser , après notamment la résolution 1397 des Nations - Unies , qu' une évolution positive pourrait se manifester et aboutir à une proposition au sommet de Beyrouth le 27 mars prochain . Tout cela permettra peut-être de sortir d' une situation dramatique . Je comprends l' angoisse et l' horreur des citoyens israéliens confrontés à des attaques terroristes inhumaines , comme je comprends le désespoir des Palestiniens , humiliés et traumatisés . Mais il n' y a pas de solution militaire à ce conflit . La raison commande de restaurer une perspective politique .
Ce drame a profondément bouleversé tous les Français . J' ai rarement reçu autant de messages d' émotion et d' inquiétude . L' insécurité a pour racine la perte des repères , la banalisation de la violence et le manque de respect des Français les uns envers les autres . Quand on en arrive à un tel niveau de violence , il faut enfin prendre les mesures qui s' imposent pour lui donner un coup d' arrêt . Il s' est instauré trop souvent une culture du laxisme et de l' impunité , c' est contre cela qu' il faut réagir .
Je vous rappelle que l' insécurité a baissé de 11 - 5 % sous le Gouvernement Juppé de 1995 à 1997 tandis qu' elle a augmenté de 1997 à 2001 de 16 % . Ce problème relève de la seule responsabilité du Gouvernement . De ce point de vue il est un fait , la gauche et la droite n' ont pas la même vision des choses .
Bien entendu , je n' ai jamais cessé de dénoncer cette dérive . Ceci dit , je vous rappelle que les Français ont voulu , il y a 5 ans , une majorité différente de celle que j' exprimais , eh bien j' ai respecté à la fois nos institutions et leur volonté .
C' est une fâcheuse habitude ! Chaque fois qu' un problème se pose , on n' a qu' une idée : le résoudre en modifiant la Constitution !
C' est faux , regardez ce qui se passe en Amérique . Très souvent , la majorité qui a élu le président est différente de celle du Congrès .
Plutôt que le régime présidentiel ou le régime parlementaire , je considère que nos institutions sont bien adaptées au génie français et aux besoins de la France . Bien entendu , elles peuvent être plus ou moins efficaces selon les périodes , je reconnais volontiers que la cohabitation n' est pas un bon système . Si je suis élu , je m' engagerai pleinement pour que les Français me donnent une majorité capable de mettre en œuvre le projet que je leur propose .
Je suis favorable à ce changement de statut . Il faut concilier la double exigence de justice et d' indépendance de la fonction présidentielle . Cependant , je ne souhaite pas le faire dans la précipitation , dans l' improvisation dans la polémique . Car il s' agit d' un élément essentiel pour l' avenir de la France : la capacité du chef de l' Etat à assumer ses responsabilités . Il conviendra donc de le faire vite , mais après mûre réflexion et dans la sérénité .
Cette année .
Non ! La fonction présidentielle est un honneur avec beaucoup de servitude mais aussi de grandes joies .
J' ai trop de passion et de conviction pour cela .
Les Français nous le diront .
Non , je ne suis pas étonné du tout . Elle est mon allié la plus précieuse depuis toujours . Effectivement , elle m' aide beaucoup et je lui en suis très reconnaissant . Il est bon qu' elle puisse exprimer certaines sensibilités qu' elle a acquises dans les contacts qu' elle entretient , notamment par sa qualité d' élue dans une région pauvre et difficile - la Corrèze- , par son action en faveur des gens qui ont besoin d' une aide matérielle ou morale , essentiellement les malades , les enfants , les personnes âgées . Elle a de ce point de vue une expérience et une sensibilité tout à fait exceptionnelle .
Sans aucun doute . Dans le service des autres et le dialogue des cultures .