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J. Chirac - 20 janvier 2003
Interview accordee par chirac president de la republique au quotidien "
, -le_figaro" , _ palais_de_l' elysee
L' entente franco-allemande s' est manifestée depuis la création de l' Europe et , chaque fois qu' il a été nécessaire , à partir d' une constatation simple : lorsque l' Allemagne et la France s' entendent , l' Europe progresse , lorsqu' elles ne s' entendent pas , l' Europe s' arrête .
C' est une constatation . Ce n' est pas l' affirmation d' une volonté hégémonique . Nous arrivons à une échéance importante . L' avenir institutionnel de l' Europe est un grand défi à relever . Les aspirations profondes de la France et de l' Allemagne étaient différentes , l' Allemagne étant plus fédéraliste , la France mettant plus l' accent sur la coopération entre les Etats . Là encore , nous avons fait un pas important chacun dans la direction de l' autre , qui nous a permis d' arriver à une proposition commune , acceptable , nous l' espérons , par l' ensemble des pays de l' Union .
Nous allons dresser un bilan positif et affirmer de nouvelles ambitions . Cela se matérialisera notamment par un Conseil des ministres français et allemands , symbolique , qui aura lieu à Paris , à l' occasion duquel sera adoptée une déclaration commune , qui est une prolongation du Traité franco-allemand . Des feuilles de route seront données aux ministres allemands et français concernés avec des obligations de résultats . Nous avons décidé d' instituer , dans les deux pays , un secrétaire général pour la coopération , avec un adjoint français à Berlin et un adjoint allemand à Paris . Ils devront donner les impulsions nécessaires et assurer ainsi une meilleure coordination des politiques .
Nous voulons aussi une association plus forte de nos parlements pour parvenir à une harmonisation des législations respectives qui touchent la vie de nos concitoyens .
Et puis , le 22 janvier va devenir " journée franco-allemande " dans toutes les écoles de France et d' Allemagne .
Enfin , il y a l' apprentissage de la langue , qui reste une grande faiblesse .
Les Français ont du mal à apprendre l' allemand , et les Allemands ont perdu l' habitude de parler le français . Pour résoudre ce problème et faciliter les échanges au sein de l' Europe , sans être soumis à une sorte de suprématie de l' anglais , il faut que tous les enfants européens , dès le plus jeune âge , apprennent deux langues étrangères européennes .
Je fais partie des hommes politiques français , pas très nombreux , qui ont toujours été favorables à la réunification . Une situation où le peuple allemand était séparé ne pouvait pas être acceptée moralement et était , par définition , politiquement dangereuse . Je me suis réjoui , le premier je crois , de la réunification allemande . Je n' ignorais pas ses conséquences . C' était aussi un défi économique qui a posé des problèmes à l' Allemagne et qui continue à peser sur son évolution . Nous devons l' aider à les résoudre . Ces problèmes , notamment , justifient la volonté , compréhensible , du Chancelier de limiter la contribution de l' Allemagne au budget européen , qu' il estime excessive .
Tout ceci , ce n' est pas une parenthèse , c' est une donnée .
L' Allemagne est ce qu' elle est . Elle comprenait l' Allemagne de l' ouest et l' Allemagne de l' est . Elles se sont réunies , c' est naturel . L' Histoire de la France et de l' Allemagne est une histoire assez extraordinaire . Il s' agit de deux peuples qui ont toujours été un peu fascinés l' un par l' autre , et qui se sont dramatiquement combattus . Cela a coûté très cher à l' Europe . Des millions de morts . Des destructions considérables . L' Europe y a aussi perdu une partie de son âme . Il ne faut plus que ce soit possible . Cela suppose que nos deux cultures se rapprochent au point que , chacun faisant l' effort nécessaire de compréhension et de respect de l' autre , on puisse arriver à une véritable union . C' est ce que j' appelle un destin maîtrisé .
J' ai , toujours eu avec le Chancelier d' excellentes relations . Les relations entre dirigeants allemands et français n' ont rien à voir avec les options politiques nationales des uns et des autres . J' ajoute que le Chancelier Schroëder a une vision et une ambition pour l' Europe , comme j' en ai une moi - même . C' est ce qui nous permet d' avancer ensemble .
Naturellement , la culture ou les intérêts allemands , la culture ou les intérêts français , peuvent conduire à des difficultés . Il faut avoir alors la volonté politique de les surmonter . C' est parce que j' ai , avec le Chancelier Schroëder , une relation humaine inspirée par la confiance et l' estime que nous avons pu surmonter des divergences .
Nous sommes réconciliés . Nous devons maintenant être une force d' entraînement au service de l' Europe .
Aujourd'hui , il y a en Europe trois présidences : du Conseil , de la Commission et du Parlement . Elles ont chacune leurs responsabilités . Décision et contrôle pour le Conseil , initiative et exécution pour la Commission . La proposition franco-allemande vise à donner à chacune de ces présidences , notamment à celle du Conseil et à celle de la Commission , la capacité de mieux faire face à la gestion de problèmes de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes en raison de l' élargissement . Quant au Parlement européen , il voit son rôle renforcé puisqu' il élira le Président de la Commission .
Nous ne voulons pas toucher à l' équilibre entre le Conseil européen et la Commission . L' élection du président de la Commission par le Parlement européen et , je le souhaite , une autorité plus affirmée du président sur les commissaires , lui donneront une capacité d' action à la fois plus légitime et plus forte . Nous voulons aussi renforcer la présidence du Conseil européen , qui est affaiblie dans la mesure où elle change tous les 6 mois . Faire élire le président du Conseil par l' ensemble des chefs d' Etat et de gouvernement à la majorité qualifiée et l' élire pour 5 ans , ou deux ans et demi renouvelables , lui donne stabilité et durée pour l' action . En outre , le président fera son travail à temps plein . Il ne pourra pas cumuler ses fonctions avec celles de chef d' Etat ou de gouvernement en exercice pour le cas où il le serait .
L' Europe n' existera dans le monde multipolaire que si elle a une politique de sécurité et de défense , ce qui suppose aussi une politique étrangère . Cela n' est pas de nature à perturber celle de la France car , profondément , les intérêts de la France sont intégrés aux intérêts de l' Europe . Qu' il s' agisse de l' Iraq , du Proche - Orient , de l' Afrique , du développement ou de la mondialisation , j' ai la quasi-certitude que la position de la France est très majoritaire .
Il n' y a aucune contradiction . L' idée de groupe pionnier , que j' avais développée à l' occasion de mon discours devant le Bundestag , permet à un certain nombre de pays , et c' est plus vrai encore à vingt-cinq qu' à quinze , d' aller plus vite et plus loin , en politique étrangère ou dans d' autres domaines . Regardez , l' euro n' est pas la monnaie de tous les Quinze , Schengen ne comprend pas tous les Quinze . Le groupe pionnier rassemblera tous ceux qui sont prêts à faire davantage . Tous ceux qui décident d' aller dans cette direction doivent pouvoir s' y intégrer s' ils en ont les moyens et la volonté .
Nos objectifs , qui sont , je pense , partagés par la totalité de nos partenaires , consistent d' abord à refonder le projet européen . Il est très important de doter l' Europe d' une Constitution comme j' ai été le premier membre du Conseil européen à le proposer il y a trois ans . Une Constitution qui rappelle et qui intègre les valeurs communes , notamment celles qui ont été définies dans la Charte des droits fondamentaux , et qui dise qui fait quoi et quelles sont les responsabilités de chacun . Notre second objectif est de réussir l' élargissement . Au printemps 2004 , nous allons être dix pays de plus , sous réserve de la ratification par les Etats concernés . L' élargissement n' est pas terminé . Comme le voulaient les pères fondateurs , l' Europe a vocation à rassembler l' ensemble des pays européens , avec un objectif clair : enraciner la démocratie , éliminer la guerre et faciliter le progrès économique et social . Le troisième objectif est de créer une Union européenne de sécurité et de défense , car il n' y a pas de grand ensemble , l' histoire le démontre , qui n' ait une capacité de défense , voire d' intervention , au profit notamment des valeurs qui , de plus en plus , sont reconnues comme universelles . Et le dernier objectif , l' objectif essentiel , c' est évidemment de renforcer l' Europe comme espace de progrès , de liberté , de sécurité et de justice pour tous ses citoyens . Ce sont ces objectifs qui doivent être servis par des institutions plus légitimes et plus efficaces . Les institutions telles qu' elles ont été créées sont bonnes , mais elles exigent de s' adapter en permanence aux réalités . D' où la contribution franco-allemande à la Convention présidée par monsieur Giscard d' Estaing .
La sensibilité des uns et des autres n' a pas disparu mais chacun a pris conscience que , si nous voulions avancer , il fallait qu' il accepte de tenir compte de ce que pensent les autres . C' est une clef essentielle de la solution des problèmes d' aujourd'hui , non seulement de l' Europe mais du monde .
La Commission est dans une phase d' évolution et de transition . Il a fallu tenir compte à Nice , à juste titre , des intérêts et des susceptibilités d' un certain nombre de pays . Il a alors été admis que chaque pays serait représenté à la Commission . Cela fait évidemment une Commission importante . Il y a plus de commissaires qu' il n' y a réellement de portefeuilles . Il y a donc un problème d' organisation . La Convention va examiner tout cela et fera des propositions .
Pour ce qui concerne la représentation dans un certain nombre d' institutions , c' est à étudier . Pour ce qui concerne le Conseil de sécurité , je suis pour sa réforme . Mais dans l' état actuel des choses , la France estime qu' il est dans sa vocation de conserver son siège . L' urgent pour le Conseil de sécurité , c' est de s' assurer qu' il peut assumer ses fonctions en pleine souveraineté .
L' essentiel est le respect de certaines valeurs de civilisation . Ne peuvent être réunis ensemble dans une Europe organisée que des pays et des peuples qui acceptent les mêmes valeurs de société , qui ont le même respect des Droits de l' homme . C' est ce que nous appelons les critères de Copenhague . C' est une exigence absolue . Deuxièmement , notre objectif n' est pas de faire une Europe qui soit une espèce de citadelle . Nous devons avoir avec les pays qui nous entourent des relations de plus en plus affirmées . C' est d' abord le cas pour un pays comme la Turquie , qui est candidat et qui devra faire d' abord la preuve , comme nous l' avons arrêté unanimement , en décembre dernier , de son parfait respect des critères de la démocratie européenne . Et c' est vrai aussi pour d' autres pays qui n' ont pas vocation à entrer dans l' Union européenne , mais qui ont vocation à avoir avec elle des relations étroites , améliorées , structurées . C' est vrai pour certains pays à l' est de l' Europe , y compris pour la Russie . C' est vrai bien entendu du pourtour méditerranéen .
Je ne peux pas préjuger de l' avenir . La Turquie a été historiquement associée au développement de la civilisation européenne . Elle est membre du Conseil de l' Europe depuis l' origine et de l' OTAN . Si la Turquie affirme clairement son adhésion sans réserve , dans les principes et sur le terrain , aux critères de Copenhague , c' est - à - dire à tout ce qui touche aux exigences des Droits de l' Homme et de l' économie de marché , je ne vois pas pourquoi elle n' aurait pas sa place dans l' Europe .
Dans les Traités il n' y a jamais eu de référence de cette nature . En tant que représentant d' un Etat laïc , je ne suis pas favorable à une référence religieuse .
Naturellement , elle m' inquiète . L' Europe se dépeuple , c' est extrêmement dangereux pour l' avenir . La France est le pays le moins touché . Sa démographie , tout en étant potentiellement négative , reste la meilleure en Europe . A mon avis , c' est parce que la France a la politique d' incitation familiale la plus forte . C' est pourquoi nos partenaires seraient bien inspirés de renforcer leur politique familiale .
La France estime que le désarmement de l' Iraq est une nécessité . Dans ce contexte , elle souhaite effectivement que l' Iraq , pour éviter le pire , accepte une coopération active avec les inspecteurs .
Elle considère , par ailleurs , que l' intervention militaire n' est légitime que si elle est fondée sur une décision du Conseil de sécurité , décision qui ne peut être prise que sur le rapport motivé des inspecteurs . Nous souhaitons que chacun ait conscience de cette exigence . Il n' y a jamais de fatalité à la guerre . Elle est toujours un constat d' échec , la plus mauvaise des solutions . Nous poursuivrons donc notre effort .
Une guerre de cette nature , dans cette région qui n' a vraiment pas besoin d' un conflit supplémentaire , aurait des conséquences humaines qui peuvent être très importantes , des conséquences politiques difficiles à maîtriser , des conséquences économiques , et enfin un coût financier considérable . On a parlé de 100 milliards de dollars . Quand on pense qu' on est incapable , par exemple , de fournir les médicaments nécessaires dans les pays pauvres pour lutter contre les pandémies , on se demande si tout cela est bien raisonnable . Naturellement , cela exige de la part de l' Iraq une vraie coopération . Aujourd'hui , on peut douter que cette coopération soit suffisante , on peut la souhaiter plus active , ce qui est mon cas . Mais c' est aux inspecteurs de juger s' ils parviennent à remplir leur mission et non pas à tel ou tel pays .
Evidemment , si les Etats-Unis décidaient d' intervenir seuls , nous serions obligés de constater que ce serait en marge de la communauté internationale .
Je ne veux pas préjuger . J' ai beaucoup de considération pour le président américain . Je suis sûr qu' il intégrera la totalité des conséquences d' un geste de cette nature . Ceci dans l' hypothèse , naturellement , où la communauté internationale n' y serait pas contrainte par le refus de Saddam Hussein de remplir les exigences indispensables en matière de désarmement .
Cela ne la renforce pas , mais enfin , chacun a ses caractéristiques . Par tradition , les Anglais ont toujours eu un œil vers le grand large et vers le cousin américain .
Saddam Hussein serait bien inspiré de comprendre que le plus vite sera le mieux .
On peut le dire comme ça . Mais l' environnement est différent . Je veux rappeler que la France est le seul pays de l' Union , avec l' Irlande , qui n' a pas établi de relations diplomatiques avec la Corée du nord . Nous ne faisions pas confiance , et le mot est faible , au régime en place , ni pour garantir les droits de l' Homme , ni pour garantir la non-accession à la puissance nucléaire . Nous n' avons donc pas été étonnés des dernières révélations . Nous sommes partisans d' une saisine du Conseil de sécurité . C' est à ce niveau que les décisions doivent être prises . Si le problème était confié au Conseil de sécurité , nous proposons de former un groupe ad hoc avec les 5 membres permanents , mais aussi le Japon et la Corée du sud , afin de préparer ensemble les décisions en tenant compte , aussi , des préoccupations de ces deux pays .
Nos amis Africains ont toujours évoqué avec inquiétude l' hypothèse d' un désengagement de la France , qu' il soit politique ou économique . La Côte d' Ivoire est en crise , dans des conditions susceptibles de faire se retourner dans sa tombe le grand sage que fut Houphouët - Boigny . A son époque , on ne parlait pas " d' ivoirité " . Dans la situation actuelle , il est indispensable d' investir dans la sagesse traditionnelle des Africains . C' est ce que nous faisons à Marcoussis avec les représentants de toutes les parties ivoiriennes .
Ensuite , nous réunirons les chefs d' Etat et de gouvernement concernés , avec le secrétaire général de l' ONU et le président de l' Union africaine , pour cautionner l' accord politique auquel , je l' espère , nous parviendrons .
Il faudra alors reconstruire , aussi bien économiquement que politiquement .