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de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
C. de Gaulle - 4 septembre 1958
Allocution radiotélévisée
C' est en un temps où il lui fallait se réformer ou se briser que notre peuple , pour la première fois , recourut à la République . Jusqu' alors , au long des siècles , l' Ancien Régime avait réalisé l' unité et maintenu l' intégrité de la France . Mais , tandis qu' une immense vague de fond se formait dans les profondeurs , il se montrait hors d' état de s' adapter à un monde nouveau . C' est alors qu' au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère apparut la République ! Elle était la souveraineté du peuple , l' appel de la liberté , l' espérance de la justice . Elle devait rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire . Aujourd'hui , autant que jamais , nous voulons qu' elle le demeure .
Certes , la République a revêtu des formes diverses au cours de ses règnes successifs . En 1792 , on la vit , révolutionnaire et guerrière , renverser trônes et privilèges , pour succomber , huit ans plus tard , dans les abus et les troubles qu' elle n' avait pu maîtriser . En 1848 , on la vit s' élever au-dessus des barricades , se refuser à l' anarchie , se montrer sociale au dedans et fraternelle au dehors ... mais bientôt s' effacer encore , faute d' avoir accordé l' ordre avec l' élan du renouveau . Le 4 septembre 1870 , au lendemain de Sedan , on la vit s' offrir au pays pour réparer le désastre .
De fait , la République sut relever la France , reconstituer les armées , recréer un vaste Empire , renouer des alliances solides , faire de bonnes lois sociales , développer l' instruction . Si bien qu' elle eut la gloire d' assurer pendant la première guerre mondiale notre salut et notre victoire . Le 11 novembre , quand le peuple s' assemble et que les drapeaux s' inclinent pour la commémoration , l' hommage que la patrie décerne à ceux qui l' ont bien servie s' adresse aussi à la République .
Cependant , le régime comportait des vices de fonctionnement qui avaient pu sembler supportables à une époque assez statique , mais qui n' étaient plus compatibles avec les mouvements humains , les changements économiques , les périls extérieurs , qui précédaient la deuxième guerre mondiale . Faute qu' on y eût remédié , les événements terribles de 1940 emportèrent tout . Mais quand , le 18 juin , commença le combat pour la libération de la France , il fut aussitôt proclamé que la République à refaire serait une République nouvelle . La Résistance tout entière ne cessa pas de l' affirmer .
On sait , on ne sait que trop , ce qu' il advint de ces espoirs . On sait , on ne sait que trop , qu' une fois le péril passé tout fut livré et confondu à la discrétion des partis . On sait , on ne sait que trop , quelles en furent les conséquences . A force d' inconsistance et d' instabilité et quelles que pussent être les intentions , souvent la valeur des hommes , le régime se trouva privé de l' autorité intérieure et de l' assurance extérieure sans lesquelles il ne pouvait agir . Il était inévitable que la paralysie de l' Etat amenât une grave crise nationale et qu' aussitôt la République fût menacée d' effondrement .
Le nécessaire a été fait pour obvier à l' irrémédiable à l' instant même où il était sur le point de se produire . Le déchirement de la nation fut de justesse empêché . On a pu sauvegarder la chance ultime de la République . C' est dans la légalité que moi - même et mon gouvernement avons assumé le mandat exceptionnel d' établir un projet de nouvelle Constitution et de le soumettre à la décision du peuple .
Nous l' avons fait sur la base des principes posés lors de notre investiture . Nous l' avons fait avec la collaboration du Conseil consultatif institué par la loi . Nous l' avons fait , compte tenu de l' avis solennel du Conseil d' Etat . Nous l' avons fait après délibérations très libres et très approfondies de nos propres Conseils de Ministres , ceux - ci formés d' hommes aussi divers que possible d' origines et de tendances , mais résolument solidaires . Nous l' avons fait sans avoir entre-temps attenté à aucun droit du peuple ni à aucune liberté publique . La nation qui , seule est juge , approuvera ou repoussera notre œuvre . Mais c' est en toute conscience que nous la lui proposons .
Ce qui , pour les Pouvoirs publics est désormais primordial , c' est leur efficacité et leur continuité . Nous vivons en un temps où des forces gigantesques sont en train de transformer le monde . Sous peine de devenir un peuple périmé et dédaigné , il nous faut , dans les domaines scientifique , économique , social , évoluer rapidement . D' ailleurs , à cet impératif répondent le goût du progrès et la passion des réussites techniques qui se font jour parmi les Français , et d' abord dans notre jeunesse . Il y a là des faits qui dominent notre existence nationale et doivent par conséquent commander nos institutions .
La nécessité de rénover l' agriculture et l' industrie , de procurer les moyens de vivre , de travailler , de s' instruire , de se loger , à notre population rajeunie , d' associer les travailleurs à la marche des entreprises , nous pousse à être , dans les affaires publiques , dynamiques et expéditifs . Le devoir de ramener la paix en Algérie , ensuite celui de la mettre en valeur , enfin celui de régler la question de son statut et de sa place dans notre ensemble , nous imposent des efforts difficiles et prolongés . Les perspectives que nous ouvrent les ressources du Sahara sont magnifiques certes , mais complexes . Les rapports entre la métropole et les territoires d' outre-mer exigent une profonde adaptation . L' univers est traversé de courants qui mettent en cause l' avenir de l' espèce humaine et portent la France à se garder , tout en jouant le rôle de mesure , de paix , de fraternité , que lui dicte sa vocation . Bref , la nation française refleurira ou périra suivant que l' Etat aura ou n' aura pas assez de force , de constance , de prestige , pour la conduire là où elle doit aller .
C' est donc pour le peuple que nous sommes , au siècle et dans le monde où nous sommes , qu' a été établi le projet de Constitution . Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu' il mandate et leur accorde la confiance qui anime la légitimité . Qu' il existe , au-dessus des luttes politiques , un arbitre national , élu par les citoyens qui détiennent un mandat public , chargé d' assurer le fonctionnement régulier des institutions , ayant le droit de recourir au jugement du peuple souverain , répondant , en cas d' extrême péril , de l' indépendance , de l' honneur , de l' intégrité de la France et du salut de la République . Qu' il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner , à qui on en laisse le temps et la possibilité , qui ne se détourne pas vers autre chose que sa tâche , et qui , par là , mérite l' adhésion du pays . Qu' il existe un Parlement destiné à représenter la volonté politique de la nation , à voter les lois , à contrôler l' exécutif , sans prétendre sortir de son rôle . Que gouvernement et Parlement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités et qu' aucun membre de l' un ne puisse , en même temps , être membre de l' autre . Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir . Le reste dépendra des hommes .
Qu' un Conseil économique et social , désigné en dehors de la politique par les organisations professionnelles et syndicales du pays et de l' outre-mer , fournisse ses avis au Parlement et au gouvernement . Qu' un Comité constitutionnel , dégagé de toute attache , ait qualité pour apprécier si les lois votées sont conformes à la Constitution et si les élections diverses ont eu lieu régulièrement . Que l' autorité judiciaire soit assurée de son indépendance et demeure la gardienne de la liberté de chacun . La compétence , la dignité , l' impartialité de l' Etat en seront mieux garanties .
Qu' entre la nation française et ceux des territoires d' outre-mer qui le veulent , soit formée une Communauté , au sein de laquelle chaque territoire va devenir un Etat qui se gouvernera lui-même , tandis que la politique étrangère , la défense , la monnaie , la politique économique et financière , celle des matières premières , le contrôle de la justice , l' enseignement supérieur , les communications lointaines , constitueront un domaine commun dont auront à connaître les organes de la Communauté : président , conseil exécutif , Sénat , cour d' arbitrage . Ainsi , cette vaste organisation rénovera -t -elle l' ensemble humain groupé autour de la France . Ce sera fait en vertu de la libre détermination de tous . En effet , chaque territoire aura la faculté , soit d' accepter par son vote au référendum la proposition de la France , soit de la refuser et , par là - même , de rompre avec elle tout lien . Devenu membre de la Communauté , il pourra dans l' avenir , après s' être mis d' accord avec les organes communs , assumer son propre destin indépendamment des autres .
Qu' enfin pendant les quatre mois qui suivront le référendum le gouvernement ait la charge des affaires du pays et fixe , en particulier , le régime électoral . De cette façon pourront être prises , sur mandat donné par le peuple , les dispositions nécessaires à la mise en place des nouvelles institutions .
Voilà , Français , Françaises , de quoi s' inspire et en quoi consiste la Constitution qui sera le 28 septembre soumise à vos suffrages . De tout mon cœur , au nom de la France , je vous demande de répondre " oui " .
Si vous ne le faites pas , nous en reviendrons le jour même aux errements que vous savez . Si vous le faites , le résultat sera de rendre la République forte et efficace , pourvu que les responsables sachent désormais le vouloir !
Mais il y aura aussi dans cette manifestation positive de la volonté nationale la preuve que notre pays retrouve son unité et , du coup , les chances de sa grandeur . Le monde , qui discerne fort bien quelle importance notre décision va revêtir pour lui-même , en tirera la conclusion . Peut - être l' a -t -il , dès à présent , tirée . Un grand espoir se lèvera sur la France . Je crois qu' il s' est déjà levé !
Vive la République !
Vive la France !
Vive la France !