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de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
C. de Gaulle - 4 novembre 1960
Allocution radiotélévisée
Eh bien ! Oui ! nous vivons , comme on dit , " de notre temps " . Et ce temps , pour être chargé de promesses , n' en est pas moins rude et dangereux . Tandis que le progrès de la science et de la technique ouvre à notre pays des horizons de développement dont les limites reculent tous les jours , la France se voit , tout à la fois , exposée à la menace des totalitaires et confrontée avec les graves problèmes qui lui sont posés en Afrique .
Car les mêmes conditions qui nous pressent de nous rénover ont déclenché , dans le monde entier , une immense évolution . Etant une puissance mondiale , la France ne manque pas d' être mise en cause par ce vaste bouleversement , comme le phare avancé est battu par la marée . Devant la passion d' affranchissement et de progrès qui s' est emparée des peuples jusqu' à présent en retard sur la civilisation moderne , le génie libérateur de la France la conduit à émanciper des populations qui , jusqu' alors dépendaient d' elle .
Cela a été fait , d' abord , pour les Etats anciens de Tunisie et du Maroc , placés sous notre protectorat , mais dotés , eux , d' institutions séculaires et légitimes . Il est vrai que le résultat ne fut atteint , à cette époque , qu' à travers des péripéties fâcheusement mouvementées . Mais , enfin , les deux Etats ont recouvré , d' accord avec nous , leur entière souveraineté . Nous souhaitons qu' ils en usent pour le bien de leurs peuples . Nous espérons qu' ils s' en serviront pour pratiquer avec la France une coopération qui semble , de par la nature des choses , indispensable à leur développement . Mais , désormais , à nos yeux , leurs affaires sont leurs affaires .
Cette année même , 13 Républiques africaines et la République malgache , provenant de l' Union française , ont , à leur tour , avec notre concours , accédé à la souveraineté internationale , tout en coopérant avec nous de la manière la plus féconde et la plus amicale . C' est là l' aboutissement d' une transformation que nous avons aidée de grand cœur , qui n' a comporté ni combats , ni attentats et qui nous a permis d' y transférer les compétences à des pouvoirs régulièrement issus du suffrage universel .
Reste à régler l' affaire algérienne , pendante depuis 130 ans . A toute époque , il faut en convenir , nos pouvoirs publics s' y étaient , dans l' ordre politique , tenus à l' immobilisme , d' autant plus que deux communautés , profondément différentes , cohabitaient en Algérie , que le caractère , la religion , la misère de la masse nous la rendaient difficilement pénétrable , que des craintes et des intérêts faisaient barrage à l' évolution , que ce pays n' avait jamais été ni une nation , ni un Etat et manquait de cadres autochtones . Bref , si nous avons fait beaucoup en Algérie et pour l' Algérie , nous n' avons pas fait à temps d' autres choses qu' il eût fallu faire . Si bien que le bouillonnement fit un jour sauter le couvercle . Hélas ! le sang qui a coulé des deux côtés a cruellement compliqué les choses . Mais qui sait si , finalement , il n' aura pas fait avancer , dans les cœurs et dans les esprits , la raison et la justice ?
Il est vrai que le magnifique effort de pacification mené par l' armée et par l' administration , et qui se combine avec les effets de la promotion musulmane et avec ceux du plan de Constantine , ramène progressivement la sécurité sur l' ensemble du territoire . Au début de l' année 1958 , les insurgés tuaient en moyenne , par combats ou attentats , 40 personne chaque jour , militaires et civils , musulmans et Européens . Au cours des dernières semaines ils en ont tués 8 en moyenne par jour . Les pertes subies par la rébellion diminuent , également , à mesure qu' elle-même est réduite . On voit que le nombre des victimes , pour douloureux qu' il soit encore , ne justifie pas du tout l' impression de guerre acharnée que s' efforcent de répandre , au dehorsla propagande des insurgés , chez nous des clans à parti pris et des feuilles à sensation . On peut même envisager qu' un jour nous décidions d' interrompre l' emploi des armes en Algérie , à part les cas de légitime défense . Cependant cette amélioration constante ne résout évidemment pas le problème fondamental .
Ayant repris la tête de la France , j' ai , comme on le sait , décidé , en son nom , de suivre un chemin nouveau . Ce chemin conduit non plus à l' Algérie gouvernée par la métropole française , mais à l' Algérie algérienne . Cela veut dire une Algérie émancipée , une Algérie dans laquelle les Algériens eux - mêmes décideront de leur destin , une Algérie où les responsabilités seront aux mains des Algériens , une Algérie qui , si les Algériens le veulent - et j' estime que c' est le cas - aura son gouvernement , ses institutions et ses lois .
L' Algérie de demain , telle qu' en décidera l' autodétermination , pourra être bâtie ou bien avec la France , ou bien contre la France . Celle - ci , je le déclare une fois de plus , ne s' opposera pas à la solution , quelle qu' elle soit , qui sortira des urnes . Si ce devait être la rupture hostile , nous ne nous acharnerions certainement pas à rester de force aux côtés de gens qui nous rejetteraient , ni à engouffrer dans une entreprise sans issue et sans espoir des efforts et des milliards dont l' emploi est tout trouvé ailleurs . Nous laisserions l' Algérie à elle-même , tout en prenant , bien entendu , les mesures nécessaires pour sauvegarder , d' une part ceux des Algériens qui voudraient rester Français , d' autre part nos intérêts . Mais si -ce que je crois de tout mon cœur et de toute ma raison -il devait s' agir d' une Algérie où les communautés musulmane et française de souche coopéreraient avec les garanties voulues , d' une Algérie qui choisirait d' être unie à la France , pour l' économie , la technique , les écoles , la défense , comme cela est de bon sens , alors nous fournirions à son développement matériel et humain l' aide puissante et fraternelle que nous seuls pouvons lui donner . Car , lors même que l' œuvre de la France vis-à-vis de l' Algérie doive changer de nature et de forme , elle n' en demeure pas moins nécessaire au progrès humain . Encore faut -il qu' on puisse y voter , et y voter dans l' apaisement . Aux dirigeants de l' organisation extérieure de la rébellion je n' ai jamais cessé de proposer loyalement qu' ils prennent part , sans restriction , aux pourparlers relatifs à l' organisation de la consultation future , puis à la campagne qui se déroulera librement à ce sujet , enfin au contrôle du scrutin , demandant simplement qu' au préalable , on se mette d' accord pour cesser de s' entretuer . Afin que la sincérité du vote puisse être largement constatée , j' ai invité , par avance , les informateurs du monde entier à assister à l' opération . Mais les dirigeants rebelles , installés depuis six ans en dehors de l' Algérie et qui , à les entendre , le seront encore pour longtemps , se disent être le gouvernement de la République algérienne , laquelle existera un jour , mais n' a encore jamais existé ! A ce titre , qui les engage de façon arbitraire et malencontreuse , ils prétendent ne faire cesser les meurtres que si , au préalable , eux seuls ont fixé avec nous les conditions du futur référendum -ce qui serait évidemment très extensif - comme s' ils étaient la représentation de l' Algérie tout entière . Tout se passerait donc comme s' ils étaient désignés d' avance , et désignés par moi - même , comme les gouvernants de l' Algérie . Encore exigent -ils qu' avant le vote je m' engage à ramener l' armée dans la métropole . Dès lors leur arrivée à Alger dans de pareilles conditions ferait de l' autodétermination une formalité dérisoire et , même s' ils ne le voulaient pas , jetterait le territoire dans un chaos épouvantable . Ce serait , sans aucun doute , au seul et rapide bénéfice des empires totalitaires .
Or , justement les dirigeants rebelles , plutôt que de faire la paix , ont choisi ces empires pour protecteurs afin de prolonger la guerre . Ne voient -ils pas que sous une telle égide c' est vers l' Algérie soviétique qu' ils sont forcément entraînés ?
Aussi , sans renoncer à l' espérance qu' un jour le bon sens finira par l' emporter et que des négociations générales s' ouvriront à partir de la fin des combats et des attentats , nous allons , avec les Algériens d' Algérie , poursuivre la marche vers l' Algérie algérienne , en attendant que l' Algérie elle-même puisse , par ses suffrages , faire , si elle le veut , que le fait devienne le droit . Ce qui a été commencé par l' institution du collège unique , l' élection des députés et des sénateurs , celle des conseillers municipaux et des maires , celle des conseillers généraux et de leurs présidents , la formation des commissions d' élus , sera continué et développé , de telle sorte qu' en fin de compte la responsabilité des affaires de l' Algérie soit , à tous les étages , assumée par les Algériens .
Cependant , certains éléments tendent à créer chez nous , autour de cette grande entreprise , un tumulte qui pourrait troubler l' opinion . C' est ainsi que deux meutes ennemies , celle de l' immobilisme stérile et celle de l' abandon vulgaire , s' enragent et se ruent dans des directions opposées , mais dont chacune conduirait l' Algérie d' abord , la France ensuite , à une catastrophe . D' autre part , tandis que l' univers est composé pour un tiers de peuples écrasés par le joug totalitaire , tandis que l' empire soviétique , qui est la puissance la plus terriblement impérialiste et colonialiste que l' on ait jamais connue , travaille à étendre partout sa domination , tandis que la Chine communiste s' apprête à prendre sa relève , tandis que d' énormes problèmes raciaux agitent maintes régions de la terre et , notamment , l' Amérique , on voit , cela va de soi , s' élever contre la France , au sujet de l' affaire algérienne , maintes déclarations menaçantes de la part des oppresseurs de l' Est , mais on voit aussi parfois , dans le monde libre , paraître des commentaires tendancieux . Devant ces essais d' agitation psychologique du dedans et du dehors , jamais un Etat solide et résolu ne nous fut plus nécessaire . Il est très clair , qu' aujourd'hui , une France atteinte à la tête glisserait vers le chaos .
Mais l' Etat est là ! On s' est aperçu déjà , on s' apercevra encore , qu' il n' y a pas de comparaison entre les institutions confuses et inconsistantes qui nous avaient conduits au désastre de 1940 , puis faillirent , voici deux ans , nous jeter dans un autre gouffre , et celles dont , désormais , la République est dotée .
Il y a un gouvernement , que j' ai nommé et qui remplit sa tâche avec une capacité , une honnêteté et un dévouement exemplaires . Il y a un Parlement , qui délibère , légifère et contrôle . Mais le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ne sont plus du tout confondus , ce qui assure au gouvernement l' initiative et la latitude voulues . Sans doute , l' Assemblée Nationale pourrait -elle dans un cas extrême , par conjonction d' oppositions adverses les unes des autres , renverser le gouvernement . Mais par là même elle déterminerait le président de la République à prononcer sa dissolution , puisque , dès lors , elle ne contiendrait plus aucune majorité positive . Je ne crois pas du tout que les parlementaires français veuillent en venir à de telles secousses , quelque nostalgie que , peut-être , certains d' entre eux éprouvent encore à l' égard des jeux d' autrefois . Au contraire , et en raison précisément de la grave affaire algérienne , je pense que la conscience , la sagesse et le patriotisme de la représentation nationale vont la réunir pour soutenir , devant le pays et devant le monde , ceux qui ont mandat d' agir .
Enfin , il y a un chef de l' Etat . Concurremment avec la position que la nécessité nationale m' amène à prendre en tout temps , il se trouve que l' esprit et les termes de notre nouvelle Constitution m' imposent un devoir qui domine tout . Vous le savez , la nature des fonctions du Président de la République a profondément changé par rapport à ce qu' elle fut . Il m' appartient , en effet , d' assurer , quoi qu' il arrive , la continuité de l' Etat et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics . Il m' appartient d' être , quoi qu' il arrive , le garant de l' indépendance et de l' intégrité de la France , ainsi que celui des traités qu' elle a conclus , autrement dit , de son honneur . Si le cours ordinaire des pouvoirs ne suffit pas , il m' appartient de recourir directement au pays par la voie du référendum . Il m' appartient , quand la patrie et la République sont menacées , de prendre les mesures exigées par les circonstances , ce qui pourrait , le cas échéant , permettre d' avancer de manière décisive la solution algérienne , tout en sauvegardant l' Etat .
La France n' est pas à la dérive . La République est debout . Les responsables sont à leur place . La nation sera , s' il le faut , appelée à juger et à trancher dans ses profondeurs . Françaises , Français , je compte sur vous . Vous pouvez compter sur moi .
Vive la République !
Vive la France !