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Extraits statistiques basés sur le vocabulaire spécifique du discours
Qui utilise le plus le mot «inflation» ?
Distribution statistique du mot chez l'ensemble des locuteurs du corpus.
Les thèmes autour du mot «inflation»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
C. de Gaulle - 16 avril 1964
Allocution radiotélévisée
La France est une dans sa diversité . Quand on parle de ses affaires , il faut sans doute discerner ce qui se passe dans les différentes branches , mais aussi mesurer le tout . Cependant , traitant du sujet , certains n' y veulent considérer que des questions fragmentaires ou intérêts particuliers . Encore , dans ces domaines restreints , s' en tiennent -ils à ce qui leur paraît fâcheux , sans faire état des éléments qui sont , au contraire , favorables . Il en résulte une nuée plus ou moins confuse et diffuse qui risque d' obscurcir , aux yeux du pays , l' ensemble de ce qui le concerne . Aussi est -ce de cet ensemble que je vais aujourd'hui vous dire un mot .
A l' intérieur , jamais le but vers lequel nous marchons n' a été plus évident . Il s' agit de notre développement . C' est là tout à la fois le ressort de la civilisation moderne , le désir du peuple tout entier , la condition de l' indépendance , de la puissance et de l' influence françaises . Mais , comme nous vivons les changements au jour le jour , tandis que les résultats ne peuvent être appréciés qu' après un temps prolongé , beaucoup - fussent -ils de bonne foi - mesurent mal ce qui est acquis . Etant moi - même depuis plus de 5 ans attentif à faire les comptes , je puis dire où nous en sommes .
Depuis 1958 et jusqu' à la fin de 1963 , ce que la France gagne a augmenté de 30 pour 100 . Je dis bien : de 30 pour 100 , son revenu s' accroissant chaque année en moyenne de 5 - 5 pour 100 par rapport à l' année précédente . Il s' agit là de valeurs absolues , évaluées en francs constants , autrement dit du revenu réel , calculé après défalcation de toutes les données relatives à la variation des prix . Jamais notre développement n' avait atteint un rythme pareil . Une fois prélevé sur cette majoration des bénéfices bruts de la nation ce qu' il faut pour élever , en vue d' un monde meilleur encore , le taux de nos investissements , pour payer nos dettes , qui étaient lourdes , pour nous pourvoir de réserves d' or et de devises , et compte tenu de l' accroissement de notre population , c' est le niveau de vie des Français qui bénéficie de l' avance . De fait , pendant la même période , ce niveau s' est élevé de 21 pour 100 , soit en moyenne d' au moins 4 pour 100 par an .
Même , pour certaines catégories qui jusqu' en 1958 semblaient les moins avantagées , l' amélioration a depuis lors dépassé ces chiffres . C' est ainsi que cette année les traitements et les salaires attribués à la fonction et aux entreprises publiques représentent par tête une augmentation de 4 - 5 pour 100 par an , malgré l' accroissement des effectifs - essentiellement ceux du corps enseignant .
C' est ainsi qu' au cours des 5 dernières années le revenu de nos agriculteurs , compte tenu de la diminution de leur nombre , s' est accru par tête en moyenne de 5 pour 100 par an , tandis que leur accession , enfin obtenue , au libre marché de la Communauté économique européenne peut ouvrir à leur production , à leurs ventes , à leurs bénéfices , de vastes et nouvelles perspectives . C' est ainsi que la retraite des personnes âgées a été accrue , en 5 ans , d' au moins 25 pour 100 pour toutes et de 46 pour 100 pour celles qui ont cotisé à la Sécurité sociale , sans compter les suppléments alloués pour l' année en cours . Encore une fois , il s' agit de chiffres exprimant l' accroissement du pouvoir d' achat effectif , quelle qu' ait été la hausse des prix .
Quant aux investissements sociaux , qui , sans majorer directement et dans l' immédiat le niveau de vie de chacun , déterminent cependant une amélioration générale des conditions de l' existence de la collectivité nationale , comme aussi de sa valeur , quelques chiffres permettent d' indiquer l' impulsion qui leur est donnée . En 1958 , nous construisions en moyenne 793 logements par jour . Cette année , nous en construisons 1000 . En 5 ans , les crédits se sont accrus , pour la santé publique de 57 pour 100 , pour la recherche scientifique de 100 pour 100 , pour l' éducation nationale de 136 pour 100 , pour la jeunesse et les sports de 139 pour 100 .
Ce développement collectif sans précédent et dont en fin de compte tout le monde bénéficie doit se poursuivre et se poursuivra . Il faut même que ce soit l' objet d' un effort national encore plus grand , encore plus méthodique et encore mieux administré . Mais , bien sûr , il est par dessus tout nécessaire que ce que la nation distribue ne dépasse pas ce qu' elle gagne . Autrement ce serait l' inflation , quoi que l' on puisse arguer ou simuler .
Sans doute , celle-ci , quand on s' y livre , procure -t -elle d' abord d' artificielles facilités . Mais de même qu' un prodigue , après une passagère euphorie , se trouve tôt ou tard jeté dans la ruine et le malheur , un pays en proie à l' inflation se condamne à un effondrement monétaire , économique et social marqué par les pires secousses .
C' est pourquoi le devoir des pouvoirs publics est de maintenir l' équilibre entre l' expansion effective de la nation et les majorations successives allouées soit aux catégories , soit aux diverses transformations collectives imposées par le progrès . Le plan de stabilisation , c' est - à - dire l' ensemble des mesures portant sur les prix , les rémunérations , le crédit , les dépenses publiques , le budget est donc pour tous les Français d' une importance primordiale , précisément pour cette raison qu' il contrarie partout l' esprit de facilité , qu' il régularise l' avance de chacun , et qu' il résiste aux surenchères .
Comme il arrive toujours quand l' intérêt général s' affirme , les souhaits particuliers qui sont ainsi endigués trouvent des champions pour contredire la règle et la raison . Par exemple , il ne manque par d' objecteurs pour s' écrier : " En voulant contenir les dépassements , on ralentit l' activité et , sous prétexte , d' empêcher l' inflation , on provoque la récession . " Cependant , s' il apparaît que le plan de stabilisation est en train d' assurer l' équilibre de nos affaires , on ne voit pas que notre commerce , notre niveau de vie , en soit pour autant compromis .
Mais , à coup sûr , ils le seraient si nous nous laissions aller à dépenser plus que nous n' avons . D' autant plus que le Marché commun européen , qui devient peu à peu essentiel à notre prospérité , mais instaure entre les six un état de concurrence constante , ne pourrait incorporer longtemps une économie française dont l' inflation briserait la balance des comptes , celle des échanges et celle des paiements .
Il ne manque pas non plus de revendicateurs pour dire : " Dans la situation relative des catégories laborieuses , celles-ci ou celles -là sont défavorisées . Il faut réparer leur retard . Tant pis pour la stabilisation ! " Eh ! croit -on que , dans l' inflation , quoi que ce soit que l' on ferait puisse être valable et durable jusqu' au jour où infailliblement tout tomberait en déconfiture ?
Non ! S' il existe vraiment d' excessifs désavantages , nous devons , certes , y remédier . Mais cela doit être fait en modifiant , s' il y a lieu , l' actuelle distribution des plus - values de notre économie et non point en en créant d' artificielles aux dépens de l' expansion , du budget et de la monnaie . Autrement dit , il nous faut désormais une politique des revenus , comportant un ensemble de mesures cohérentes , incorporées à notre plan national , mais certainement pas des dispositions hâtives et discordantes , prises par saccades , pour chaque branche à son tour , au hasard des pressions ou des contingences fragmentaires . La loi de notre époque , ce n' est plus la lutte permanente et systématique des intérêts , mais bien l' organisation de notre solidarité économique et sociale .
Il ne manque pas enfin de critiques pour déclarer : " Renonçons à nous doter de moyens modernes de défense , c' est - à - dire d' armes nucléaires , et cessons d' aider au progrès de peuples qui , dans le monde , aspirent à notre civilisation . Ainsi pourrons nous arrondir ce que nous allouons aux salariés de l' Etat et aux investissements collectifs " . Assurément , et sur le moment , nous trouverions là quelques surplus . Mais , pour peu qu' on regarde plus loin qu' une simpliste démagogie , on voit combien les conséquences de cet abandon national nous seraient bientôt désastreuses .
Aussi longtemps que l' ambition des Soviets et la nature de leur régime font peser sur le monde libre , de part et d' autre de l' Atlantique , la menace d' un terrible conflit , la France est en danger de destruction et d' invasion , sans avoir aucune certitude que ses alliés américains , exposés eux - mêmes directement à la mort , sauraient les lui éviter . Pour elle , s' interdire les moyens propres à dissuader l' adversaire de l' attaquer éventuellement , alors qu' elle est en mesure de les avoir , ce serait attirer la foudre en se privant d' un paratonnerre . Mais aussi ce serait s' en remettre entièrement de sa défense , par là de son existence et , en fin de compte , de sa politique à un protectorat étranger et , au demeurant , incertain . Non ! Nous valons mieux que cela !
Quant à mettre un terme à la coopération amicale , réciproque et calculée que nous pratiquons à l' égard d' un certain nombre d' Etats en voie de développement , cela reviendrait d' abord à nous éloigner d' eux en laissant notre place à d' autres . Cela nous amènerait aussi à nous fermer de vastes champs d' action économique , technique et culturelle , au lieu de nous les ouvrir . Enfin et surtout , cela équivaudrait à renier le rôle qui nous revient à l' égard de l' évolution qui porte tant de peuples , d' Afrique , d' Asie , d' Amérique latine , à se développer à leur tour sans se livrer à l' une ou l' autre des deux hégémonies qui tendent à se partager l' univers tant que l' Europe de l' Ouest n' aura pas pu ou voulu s' organiser de telle sorte que l' équilibre s' établisse . Pourquoi donc la France , qui est elle-même en plein essor , se tiendrait -elle à l' écart d' un mouvement dont son génie traditionnel est en grande partie la source et dont dépendent , en définitive , la paix et le sort du monde ?
Françaises , Français , vous le voyez ! Qu' il s' agisse de notre progrès intérieur ou de notre action au dehors , le débat national se ramène pour nous à cette question : La France doit -elle être la France ? " En réponse , nous entendons souvent s' élever l' appel facile au laisser - aller , à la dispersion et à l' effacement , qui fut celui du temps du déclin . Mais la nation , qui trouve en elle-même les sources d' un puissant renouveau et qui se voit monter parmi les autres a , au contraire , choisi l' effort , la cohésion et la réussite .
Vive la République !
Vive la France !