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de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
C. de Gaulle - 13 décembre 1965
Interview radiotélévisée
Cher monsieur , il est vrai que c' est la première fois depuis longtemps que j' ai le plaisir de m' entretenir avec un journaliste en particulier , si j' ose m' exprimer ainsi , car il y a beaucoup de gens qui nous voient et qui nous entendent . Très souvent , j' ai eu devant moi des journalistes par centaines , mais enfin il est vrai que , cette fois ci , en voilà un .
Vous me parlez de l' idée que je me fais de la France . Ce n' est pas un sujet nouveau . Il est vrai -je dirai que c' est ma raison d' être -il est tout à fait vrai que , depuis toujours , et aujourd'hui encore , je me fais de la France une certaine idée . Je veux dire par là qu' à mon sens elle est , quelque chose de très grand , de très particulier . C' est du reste , je le pense , ressenti par le monde entier . Il y a même là quelque chose d' extraordinaire : dans nos malheurs , on s' en aperçoit tout de suite et , quand nous sommes heureux , prospères , glorieux et forts , on s' en aperçoit aussi dans la mesure où les gens nous regardent avec envie . C' est vrai , la France est une chose à mes yeux très considérable , très valable , et elle doit avoir dans le monde , quel qu' il soit , à toute époque , naturellement d' après les circonstances , elle doit avoir un rôle à elle . Il faut que la France joue son rôle , c' est exact , et pour qu' elle joue son rôle , il faut qu' elle soit la France .
Et les Français ? eh bien ! ce sont eux , qui font la France . Ce sont eux qui en sont responsables , de génération en génération . La France , c' est plus que les Français du moment , la France vient de loin , elle est ce qu' elle est maintenant , et puis elle a l' avenir : autrement dit , la France embrasse toutes les générations de Français et , d' abord , bien entendu , les générations vivantes . Ces générations vivantes sont responsables de la France et c' est ainsi , c' est vrai , que je considère , dans leur ensemble , les Français , et c' est ainsi que je souhaite que les Français , dans leur ensemble , se considèrent eux - mêmes . Il y a à cet égard entre eux , et pour cela , une solidarité que je dis être nationale , faute de laquelle la France risque de n' être pas ce qu' elle est , ce qu' elle est de tout temps , et , par conséquent de ne plus jouer son rôle , de ne plus , à proprement parler , exister .
Voilà ce que je peux vous dire des Français par rapport à la France , de nous autres Français d' aujourd'hui par rapport à la France de toujours .
On m' a prêté , en effet , ce mot que je n' ai jamais dit et à plus forte raison que je n' ai jamais pensé : " l' intendance suit " . Ce sont des blagues pour les journaux . En réalité , je vous le répète , les Français sont responsables de la France , mais ils sont sur la terre , et ils ont leur vie , et pour que la France existe , il faut que les Français existent . Pour que la France soit forte , il faut que les Français soient prospères , autant que possible bien entendu , et cela je le sais , je ne dirai pas mieux que personne , mais certainement autant que personne .
Alors voici la question , et notamment la question du jour , la question plus exactement de notre époque , qui est une époque économique et sociale . Il y en a , ce sont les démagogues , tranchons le mot , il faut bien le dire , ce sont les partis , c' est - à - dire ceux qui caressent les clientèles pour être élus , et souvent les journaux pour être lus , alors ceux -là , assez volontiers , et même très volontiers , disent : il en faut plus pour un tel , il faut faire davantage pour les ouvriers , il faut plus pour les paysans , il faut faire mieux pour les cadres , il faut arroser davantage les fonctionnaires , les agents des services publics , il faut même donner un petit peu plus aux chefs d' entreprise , avec un peu d' inflation . Il faut beaucoup plus de logements , beaucoup plus d' autoroutes , beaucoup plus de téléphones , il faut un enseignement encore bien mieux organisé avec beaucoup plus d' écoles , d' universités , et cetera . Ca , c' est commode .
Si vous voulez dire que je ne suis pas sur ce plan là , vous avez raison . Moi , je suis sur le plan que voici : il faut que le peuple français soit prospère . Il le faut , parce que , s' il n' est plus prospère , la France dont nous parlions tout à l' heure ne pourrait pas jouer son rôle dans le monde d' aujourd'hui donc rien ne m' occupe davantage , depuis bien longtemps , que la prospérité nationale .
Je dirai même , puisque vous avez parlé d' intendance , que ça me fait un peu sourire , car , si vous y faites attention , rien , rien , rien de ce qui a été fait d' important , au point de vue économique et social depuis la libération , n' a été fait excepté par mon gouvernement .
Après la libération , c' était le point de vue social immédiat qui l' emportait . Il fallait que nous retrouvions , après cette secousse épouvantable , notre équilibre . Alors mon gouvernement a fait les assurances sociales , les allocations familiales , les nationalisations , les comités d' entreprise . Aujourd'hui ou plus exactement depuis que je suis revenu , depuis 7 ans , c' est l' économie qui me paraît l' emporter sur tout le reste , parce que elle est la condition de tout , et en particulier la condition du progrès social . C' est pas la peine de nous raconter des histoires , si nous sommes pauvres ou en désordre , économiquement parlant , nous ne progresserons pas socialement : au contraire , si nous sommes prospères , et à condition bien entendu que l' Etat fasse son devoir , tous les Français en profitent et en profiteront .
Le niveau de vie des Français ? Pas plus tard que samedi j' ai donné des chiffres .
à mon avis ils sont éclatants . Je répète : depuis 7 ans le niveau de vie des Français a augmenté de 3 - 7 pour 100 par an et d' après ce qui est décidé par notre cinquième Plan et ce qui est devenu possible , grâce à nos progrès économiques , le niveau de vie des Français va monter à 4 pour 100 par an . Cela veut dire que 18 ans après mon retour , le niveau de vie des Français a doublé . Ce n' est pas si mal . Alors c' est comme le bonheur , ça existe par comparaison . C' est pourquoi je demande que l' on considère ce qu' il en était avant mon retour : les prix montaient , depuis 1946 , jusqu' en 1958 , automatiquement , en moyenne de 10 pour 100 par an , et tout ce qu' on faisait pour les salaires , pour les traitements , et aussi pour les revenus paysans , était dévoré à mesure par cette augmentation . Il est parfaitement exact que tout en faisant monter le niveau de vie , et je le dis bien , le niveau de vie réel , eh bien ! , il est parfaitement exact que mon gouvernement a stabilisé les prix , dans toute la mesure où , à notre époque , c' est possible . Au lieu que les prix augmentent de 10 pour 100 par an , comme c' était le cas avant 1958 , ils augmentent maintenant de 2 - 5 pour 100 par an .
Il n' y a pas un pays d' Europe occidentale où les prix sont aussi limités dans leur ascension que chez nous . Il n' y en a qu' un dans le monde : ce sont les Etats-Unis . Pourquoi ? parce que les Etats-Unis , grâce à ce qu' on appelle le gold exchange standard , ont la facilité d' exporter leur inflation . Mais nous n' avons pas cette facilité . Il a donc fallu faire le plan de stabilisation . Je reconnais que ce n' était pas facile . Je reconnais qu' il en résulte des difficultés , notamment au point de vue de l' expansion immédiate , mais maintenant c' est fait , et par conséquent c' est sur cette base solide , stable , avec des budgets en équilibre , une monnaie qui ne bouge pas , et des prix , je vous le répète , qui , pratiquement , n' augmentent pour ainsi dire plus et qui , comme vous le savez , ne doivent pas augmenter l' année prochaine , de plus de 1 - 5 pour 100 par an , c' est sur cette base là que notre niveau de vie s' élève et que tout le monde y gagne . Voilà la réalité pour le niveau de vie .
Le problème de l' agriculture française , comme était hier le problème de l' Algérie et des colonies , comme est aujourd'hui encore , car ce n' est pas réglé tout à fait , le problème de l' enseignement , eh bien ! c' est un problème énorme que nous avons à régler et dont je prétends que nous le réglerons , et je m' explique .
Problème énorme .
D' abord , problème national . Au début du siècle , les deux tiers des Français étaient des ruraux , aujourd'hui , il y en a 20 pour 100 et évidemment , il y en aura moins dans les années prochaines . Cela résulte de ce qu' on appelle l' industrialisation . Nous étions essentiellement agricole , avec une vie agricole , une agriculture d' ailleurs surtout de subsistance . Je veux dire par là que la plupart de nos paysans vivaient sur la terre où ils étaient - soit qu' ils en fussent les propriétaires , soit qu' ils en fussent les locataires - vivaient de ce qu' elle produisait , de ce que produisait leur exploitation . Il y avait un petit surplus , alors ils le vendaient pour acheter ce qu' ils ne pouvaient pas produire eux - mêmes , ce qui était en réalité très peu de chose . L' industrialisation a créé le problème immense d' un transfert colossal de population de notre agriculture à notre industrie .
Ce transfert , naturellement , on peut le trouver regrettable , on peut en avoir du chagrin .
Vous pensez bien que pour un homme de mon âge qui très longtemps dans sa vie a été un soldat , c' est - à - dire quelqu' un qui savait , et qui sait , ce que la France a tiré depuis toujours , et en particulier pour sa défense , de ses paysans , il est certain qu' il y a là une transformation , une évolution , qui est à beaucoup d' égards attristante . Mais c' est comme ça , et le fait étant ce qu' il est , la question est que la nation s' en accommode et que cette évolution nationale se fasse dans les meilleures conditions possibles . Voilà au point de vue national comment se pose le problème paysan : transfert d' une partie énorme de la population française de l' agriculture à l' industrie . Vous pensez bien que cela ne peut pas aller sans secousses , sans difficultés , sans chagrin .
Et puis , alors , il y a un problème propre à l' agriculture , parce que maintenant l' agriculture est au milieu d' un monde économique qui pour elle est complètement nouveau .
Elle est dans un monde de production , de productivité , d' outillage , de marchés , qu' elle ne connaissait pas du tout autrefois . Autrefois , je le répète , c' était l' agriculture de subsistance . On vivait chacun où on était , avec ce qu' on produisait , et puis voilà . Ce n' est plus possible . Il faut produire ce qu' il faut produire , il faut le produire dans les meilleures conditions possibles , et il faut pouvoir le vendre . Voilà comment se pose la question à l' agriculture .
Enfin , il y a naturellement une question infiniment respectable et qui se pose à chacun de nos agriculteurs : c' est la vie chez lui , car là aussi tout s' est transformé . Un paysan , comme un ouvrier d' ailleurs , ne peut plus vivre , et ne veut plus vivre et il a bien raison , comme il vivait hier .
Il y a , pour un agriculteur , une question d' eau chez lui , une question d' électricité pour s' éclairer ou pour avoir la force , une question de chemin pour arriver à sa ferme , et puis alors il y a une question de choix de ce qu' il va produire , d' organisation de ses marchés , et cetera . Et aussi d' éducation de ses enfants . Bref , il y a une transformation complète au point de vue national , au point de vue agricole , au point de vue individuel , pour nos paysans .
Alors , que fait l' Etat à l' heure qu' il est ? L' Etat a pris le problème corps à corps , et il ne l' avait pas pris corps à corps avant mon retour , sauf cependant quelque chose de très important qui avait été fait en 1945 par mon gouvernement et qui s' appelait la loi sur le fermage . Je passe ...
Depuis que je suis revenu , qu' est qu' on a fait ? D' abord au point de vue général , on a fait l' orientation agricole , la loi complémentaire et , pour transformer l' agriculture , on y a appliqué une part très considérable des revenus collectifs , des revenus de l' Etat .
Je vous dirai par exemple que pour soutenir les marchés agricoles , c' est - à - dire pour soutenir les prix de l' intérieur et pour aider à vendre à l' extérieur par des subventions , eh bien , on donnait 500000000 par an -je parle de nouveaux francs-quand je suis arrivé . Actuellement on donne 2000000000 , c' est - à - dire 4 fois plus .
Pour ce qui est du social , de tout ce qui est social dans le domaine agricole , on donnait , quand je suis arrivé , 1400000000 , on donne aujourd'hui 7000000000-je parle du budget de 1965-c' est - à - dire 5 fois davantage .
Enfin il est vrai que nous avons voulu , mon gouvernement et moi - même , nous avons voulu et nous voulons , pour compléter cette transformation , pour aider à cette transformation , notamment en ce qui concerne le revenu agricole , que le marché commun soit ouvert . Nous y reviendrons , s' il vous plaît , tout à l' heure ou quand vous voudrez . Mais il est vrai qu' il y a eu des secousses dans l' évolution du revenu agricole .
Comment en aurait -il été autrement ? Mais il est vrai aussi que notre cinquième Plan , car , il ne faut pas l' oublier , nous avons un Plan - c' est une loi - eh bien , notre cinquième Plan prévoit que , des revenus de toutes les catégories de Français , ce sont les revenus agricoles qui , dans les 5 prochaines années , doivent le plus augmenter . Voilà ce qui est fait pour notre agriculture par comparaison avec ce qui était fait autrefois .
Je vous ai dit tout à l' heure que le problème de l' enseignement était un problème fondamental , capital , pour la France de notre temps . Je veux dire par là , d' abord que tout exige que l' enseignement soit ouvert à tous les Français et le soit à tous les étages , non seulement parce que c' est juste , mais aussi parce que c' est l' intérêt national , car , dans tout ça , c' est l' intérêt national qu' il faut voir aussi . Eh bien ! l' intérêt national exige que les cadres de la nation , petits , moyens et supérieurs , tous les cadres puissent être puisés dans la nation tout entière , dans la jeunesse française tout entière , par conséquent , il faut ouvrir à celle ci l' accès à tous les degrés de l' enseignement .
C' est ce que l' on fait . Bien sûr , cela exige des constructions d' écoles , cela exige un recrutement de professeurs à la même dimension , cela exige une scolarisation totale de notre jeunesse . C' est cet effort là qui est en cours .
Savez -vous que , lorsque je suis arrivé , en 1958 , le budget prévoyait , pour ce qui est des dépenses concernant l' enseignement tout entier , 9 pour 100 des dépenses totales . Eh bien ! actuellement cette part est de 17 pour 100 . Voilà les chiffres , ceci donne la mesure de l' effort qui a été accompli , car , avant mon retour , on n' avait rien accompli du tout .
On dit : mais pourquoi n' avez vous pas fait assez d' écoles , mais pourquoi n' avez vous pas assez recruté de maîtres ? Les gens qui vous disent ça , ils se sont traînés dans ce qu' ils appelaient " le pouvoir " et qui n' en était pas un . Pendant 12 ans , après mon départ en 1946 , qu' est -ce qu' ils ont fait ? Quelles écoles ont -ils faites ? Quels professeurs ont ils recruté en masse ? En réalité le problème était entier : ils n' avaient rien fait et ils n' avaient rien prévu . D' ailleurs c' est tout naturel : qu' est ce qu' ils pouvaient prévoir et qu' est -ce qu' ils pouvaient faire , avec leur régime des partis ?
Voilà où on en est pour l' enseignement . C' est une œuvre qui n' est pas terminée et qui se poursuit . Je crois que le plus fort est fait .
Les autoroutes : quand je suis arrivé , il y avait 77 kilomètres d' autoroutes . Voilà ce qu' on avait fait comme autoroutes : 77 kilomètres . Eh bien ! il y en a actuellement 522 kilomètres et , dans le cinquième Plan , il est prévu qu' on en ajoutera 1800 kilomètres . A l' heure qu' il est , il n' y a pas un pays d' Europe occidentale qui fait plus de kilomètres d' autoroutes que nous n' en faisons .
Ils ont parfaitement raison . Ce n' est pas encore une question qui soit résolue . Néanmoins , elle a fait des progrès évidents , et je vais vous donner des chiffres . Je vous dirai par exemple que pendant 7 ans , depuis mon retour , on a fait -je me suis fait donner des chiffres précis et je les ai vérifiés -on a fait 1370000 logements . Voilà ce qu' on avait fait en France pendant 7 ans . Depuis mon retour on a fait 2400000 logements . A l' heure qu' il est , on en est au rythme de 400000 logements par an , et je suis convaincu que on va arriver dans un , deux ou 3 ans , à 500000 logements par an . Voilà des chiffres et des réalités .
Ces logements coûtent cher . C' est pourquoi d' ailleurs l' effort actuel , comme vous le savez , l' effort de l' Etat , est dirigé surtout vers les logements sociaux . C' est là la part la plus considérable de l' effort de l' Etat en ce qui concerne le logement . C' est parfaitement exact .
Capital ! capital ! Que de choses , pour ne pas dire tout , qui dépendent de la recherche scientifique .
En 1957 on donnait deux pour 100 de notre budget à la recherche scientifique publique , c' est - à - dire ce que fait l' Etat pour la recherche . Eh bien ! en 1965 , on a donné six pour 100 et on va l' augmenter encore dans les années qui viennent .
Tout cela , dont nous avons parlé , eh bien ! je ne l' ai pas fait tout seul , je l' ai fait avec un gouvernement et je l' ai fait avec un parlement . Seulement voilà , ce gouvernement en était un , et il a duré , et ce parlement a joué son rôle , c' est - à - dire qu' il ne s' est pas perdu dans des agitations politiciennes mais s' est concentré sur sa tâche législative .
Voilà comment , je pense , en 7 ans , nous avons largement réussi . Il faut poursuivre , et c' est là tout le problème .