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C. de Gaulle - 16 mai 1967
Conférence de presse
Mesdames , Messieurs , je suis très heureux de vous voir .
Je vais commencer par demander aux uns et aux autres les questions qu' ils souhaitent me poser . Ensuite on les mettra , si vous le voulez bien , en ordre , on les groupera . Je pense d' ailleurs que les sujets principaux sont à l' esprit de tous et je m' efforcerai d' y répondre .
Eh bien , tout cela se ramène , d' abord aux élections , naturellement , et à ce qui peut s' ensuivre . Ensuite , et comme toujours , à tout ce qui est le progrès économique et social de notre pays . Cela se ramène aussi à ce qui a trait aux pouvoirs spéciaux : pourquoi les a -t -on posés ? pourquoi ai -je accepté qu' on les pose ? Ensuite , au point de vue de l' extérieur , on va à Rome : qu' est -ce qui va y arriver ? Enfin , chers amis , bien entendu , quid de l' entrée , de la candidature de la Grande-Bretagne pour entrer dans le Marché Commun ? C' est sur ces sujets -là que je vais vous répondre . Et d' abord , commençons par les élections , puisque élections il y a.
Théoriquement les élections n' avaient pas pour objet les institutions de la République . Ce n' était pas un référendum national . A cet égard , c' était simplement - quand je dis " simplement " , c' est une manière de dire-487 compétitions locales . Et cependant , les institutions de la République étaient en cause . En effet , pour les dirigeants de toutes les oppositions , le but à atteindre , grâce aux élections , était que le pouvoir revienne à la discrétion des partis comme il l' était autrefois et comme , tout justement , l' exclut notre Constitution . Ils comptaient y parvenir en faisant élire à l' Assemblée Nationale une majorité négative , dont ils espéraient , qu' en censurant tous les gouvernements nommés par le chef de l' Etat , elle obligerait celui-ci " à se soumettre ou à se démettre " , autrement dit , contrairement aux obligations du mandat national qu' il a reçu , lui , du peuple tout entier , à abandonner la responsabilité suprême de la République et de la France .
Sans doute , s' ils y avaient d' aventure réussi , n' eussent -ils pu mettre rien d' autre que la confusion aux lieu et place du régime qu' ils auraient ainsi détruit . Que pourrait être , en effet , l' action politique commune de ceux qui , parmi eux , veulent en venir à un régime totalitaire , même si , par tactique , ils s' abstiennent de l' afficher , et de ceux qui rêvent de restaurer l' omnipotence du Parlement , même si , sur ce sujet , ils tâchent de donner le change ? Que feraient effectivement ensemble , dans le domaine économique et social , sauf une galopante inflation , ceux qui ont pour but l' expropriation de tous moyens de production et ceux qui s' emploient seulement à incriminer tout ce qui est entrepris sans proposer jamais aucun plan d' ensemble qui soit différent et cohérent ? Que pourraient solidairement accomplir à l' extérieur les dévoués à Moscou et les nostalgiques de Washington ? C' est dire , qu' au cas où les Français auraient donné la majorité à leur alliance électorale et où , ensuite , le Président de la République se serait retiré ou incliné devant leur obstruction législative , le gouvernement de la France n' aurait été , de nouveau , qu' une kaléidoscopique répartition de portefeuilles et une combinaison constamment changeante et impuissante de divergences et de rivalités . Faute que , dans ces conditions , pût être menée une politique française , c' en est sans doute une autre , venue d' outre-Atlantique à travers l' esprit d' abandon et les groupes de pression , qui eût été suivie à Paris . A moins qu' au moment voulu , se distinguant de ce mélange , son élément le plus résolu , discipliné et organisé , l' élément totalitaire , n' imposât sa prépondérance , ensuite son autorité et , finalement , sa dictature au profit des Soviets . Mais , dans l' un ou l' autre cas , comment aurait été servie la France ?
Abattre la cinquième République en la frappant à la tête , sans ignorer qu' on ne la remplacerait que par les jeux stériles d' antan , tel était donc l' objectif des formations opposantes . Il va de soi qu' elles ne l' affichaient guère , sachant que le peuple n' était pas disposé à épouser sur ce point la querelle des partisans . Il va de soi également que n' ayant - et pour cause ! -aucun programme commun à proposer et ne pouvant donc réunir les suffrages sur des projets constructifs , c' est sur le seul terrain de la critique négative que se portèrent leurs efforts . Il faut , d' ailleurs , convenir que ce terrain leur était rentable car , dans notre pays , qui accomplit une transformation industrielle , agricole , commerciale , urbaine , scolaire , hospitalière , et cetera , immense et sans précédent , innombrables sont , forcément , dans chacune des régions et des catégories , les regrets , les soucis , les griefs . Spéculant sur l' oubli de toutes les négligences et de tous les retards accumulés dans le passé et dont ils étaient responsables ainsi que sur la propension naturelle à beaucoup de gens de considérer leurs divers cas particuliers plutôt que l' intérêt général , les tenants de l' ancien régime se sont donc appliqués à collecter et à dresser partout et sur tous les sujets , contre la cinquième République , tous les regrets , soucis et griefs imaginables .
Au total , qu' est -il arrivé ? Bien que les élections par contraste avec celles de 1958 et de 1962 , aient eu lieu dans une atmosphère dégagée de toute angoisse nationale , bien que se soient exprimés 4000000 de suffrages de plus que la dernière fois , la cinquième République l' a emporté . Au total , en effet , les candidats qui s' en étaient faits les champions ont obtenu , au premier et au deuxième tour , un pourcentage de voix supérieur de près de deux pour 100 à celui d' il y a 5 ans . Si , au deuxième tour , les coalitions des oppositions diverses , parce qu' elles étaient dans leurs négations plus systématiques et mieux aménagées encore que naguère , ont abouti dans les ballottages au déplacement d' un nombre non négligeable de sièges , le fait est que la nouvelle Assemblée Nationale semble comporter une majorité positive . Le fait est surtout qu' il ne pourrait s' y former aucune autre qui le soit .
Dans ces conditions , il est clair que toute entreprise qui , à l' intérieur de cette majorité , tendrait à l' affaiblir en la divisant , alors qu' elle vient d' être élue sous une seule et même étiquette par des citoyens convaincus qu' elle s' était rassemblée pour soutenir une seule et même action , serait contraire à la moralité politique et à l' intérêt public . Mais , en même temps , on ne voit pas pourquoi , parmi les opposants d' hier , certains de ceux qui , assumant une représentation , ont le souci du bien national ne voudraient pas tourner la page de la vaine querelle faite au régime . Or , il est clair que , dans ce cas , les raisons qu' ils croyaient avoir de combattre l' action de la cinquième République au dedans et au dehorsse réduiraient à peu de choses et , qu' au contraire , se feraient jour celles qu' ils auraient d' y participer .
Car , après tout , dans l' ordre économique , étant donné tout ce qu' il y a à faire pour que la France se transforme et se développe comme il le faut , étant donné les possibilités et en même temps les limites de ses moyens , étant donné les contraintes qui résultent forcément pour elle de la concurrence internationale , les principaux objectifs à atteindre par la collectivité française peuvent -ils être raisonnablement contestés ? Au point de vue social , la progression du niveau de vie , l' amélioration de la sécurité , notamment celle de l' emploi , la promotion de l' ensemble du peuple français par les changements à apporter à la condition salariale , par l' éducation nationale , par la diffusion de la culture et l' aménagement des loisirs , ne méritent - elles pas l' approbation ? Pour ce qui est de l' extérieur , que la France garde son indépendance sans renier ses amitiés , que la Communauté européenne des six aille en se renforçant dans tous les domaines , que l' Ouest et l' Est de notre continent pratiquent progressivement la détente , l' entente et la coopération , que cesse en Asie le scandale de l' intervention étrangère et de la guerre , qu' une aide accrue et systématique soit prêtée au Tiers Monde par les pays développés , y a -t -il là rien qui empêche le concours des bonnes volontés ? En tout cas , telle est la route que la République va continuer de suivre .
-Le fait qui domine notre pays en notre temps s' exprime en un maître mot : mutation . Chacun le sait . Chacun le dit . Mais les conséquences n' en sont certainement pas toujours , ni bien comprises , ni franchement acceptées . Car , si tout le monde est , en principe , pour le progrès , en pratique cela ne va pas sans soulever chez beaucoup de l' aigreur ou de l' inquiétude . Mais quoi ? On n' a rien pour rien . L' avantage qu' il y a pour la France à se transformer comme l' exigent l' évolution et la concurrence entraîne inévitablement saccades et difficultés qu' il faut savoir admettre et surmonter . Celles - ci sont d' autant plus âpres que , pendant longtemps et dans l' ensemble , nous n' avons guère été portés à épouser sans réserve le mouvement industriel déchaîné par la machine et qu' il nous faut , par conséquent , rattraper de grands retards .
Il est banal d' en donner les raisons . Chez nous , peu de houille à l' époque où tout marchait au charbon , pas de pétrole quand il devint essentiel d' en avoir , guère de minerais alors que tout dépendait des métaux . D' ailleurs , le fait que la natalité ne cessait pas de décliner éloignait de nous l' aiguillon démographique . Encore , avions -nous longtemps vécu en peuple riche , qui , grâce , à ses capitaux , se procurait au dehors les produits qu' il désirait sans qu' il eût besoin de les faire , mais qui , tout à coup , au contraire , devint un peuple dépourvu des moyens financiers nécessaires à un grand essor parce que des guerres ruineuses avaient dévoré ses épargnes . Enfin , notre structure sociale et politique , alors fondée principalement sur une classe moyenne soucieuse de sécurité plutôt que de changement et sur une population agricole attachée à des exploitations modestes et traditionnelles , se montrait peu malléable à de rapides transformations . Par rapport à d' autres pays , les Etats-Unis , l' Angleterre , l' Allemagne , qui avaient réalisé avant nous leur mutation industrielle , nous étions donc , jusqu' à ces dernières années , handicapés à cet égard et , par conséquent , enfermés dans le protectionnisme , celui-ci nous évitant d' être submergés par d' autres , mais , en même temps , nous maintenant dans une situation relativement désuète .
Avant même la fin de la dernière guerre , nous nous sommes engagés dans la voie de la rénovation . Ce sera l' un des titres d' honneur de la Libération que de l' avoir déclenchée . D' ailleurs , en 1944 et 1945 , le gouvernement qui la symbolisait disposait des pouvoirs et de la confiance indispensables aux grandes réformes . Grâce à quoi , juste au moment où il fallait en décider , l' Etat , soudain rétabli , put rejeter tout à la fois un capitalisme abusif et un communisme écrasant et adopter un dirigisme qui lui permettrait de conduire l' évolution .
Ainsi fut créé le Plan , afin de faire de l' expansion une œuvre rationnelle et équilibrée . Ainsi fut nationalisé le crédit de telle sorte que l' Etat disposât d' un instrument essentiel d' intervention . Ainsi fut attribuée à des entreprises publiques la source même de l' activité , autrement dit l' énergie : charbon , électricité , gaz , pétrole , énergie atomique . Corrélativement , l' institution de la Sécurité sociale , celle des allocations familiales , celle des comités d' entreprises , celle d' un nouveau régime du fermage , et cetera , modifièrent profondément la condition des travailleurs industriels et des producteurs agricoles et leurs rapports avec le capital .
Cependant , une fois mises en place les bases de notre transformation , une longue confusion politique sévit dans notre pays . En dépit de la valeur personnelle de certains des dirigeants , l' état de crise permanente , où , à leur propre désolation d' ailleurs , se débattaient les pouvoirs , aboutissait , pendant 12 ans , à la facilité ruineuse d' une inflation continue . D' où un déficit grandissant , à l' intérieur dans nos budgets , à l' extérieur dans les balances de nos paiements . D' où de successives et vaines dévaluations de notre monnaie . D' où l' obligation de restreindre les échanges entre notre pays et les autres . D' où l' impuissance à commencer l' application du Marché Commun . D' où l' impossibilité de traiter à l' échelle voulue les problèmes de la recherche , de l' éducation nationale , de l' infrastructure , du logement , de l' hospitalisation , de la culture , de l' équipement sportif , et cetera , dont dépendait notre avenir . D' où , finalement , l' imminence catastrophique d' une faillite à laquelle la France n' échappa qu' en échappant à des errements politiques déplorables .
Je ne m' étendrai pas sur ce qui a été fait depuis 1958 au point de vue de la transformation économique et sociale de la France . D' ailleurs , tout le monde le sait , même si l' on n' en convient pas toujours . J' indiquerai seulement qu' au cours de cette période , notre effort d' investissements publics , évalué en francs constants , a doublé pour la construction de logements et pour les affaires culturelles , triplé pour l' éducation nationale , quintuplé pour l' infrastructure en fait de routes , de ports , de canaux , de terrains d' aviation , décuplé pour la santé publique et pour les sports , et que pour la recherche il a été multiplié par seize . J' évoquerai , pour l' agriculture , l' immense évolution accomplie en conséquence de la loi d' orientation et de la loi complémentaire qui lui ont été consacrées par la cinquième République ainsi que des aides et interventions , dont le total a décuplé , en vue d' adapter ses structures , équipements , productions et marchés . Je rappellerai , pour l' industrie , l' institution du Fonds national de l' Emploi , le démarrage de la formation professionnelle , les mesures fiscales adoptées en faveur de l' investissement , les interventions engagées à maintes reprises en vue , soit de déclencher ou de faciliter les conversions ou concentrations , comme dans la sidérurgie , les chantiers navals , l' électronique , et cetera , soit de parer à une grave situation locale , par exemple à Decazeville , au Boucau , à La Seyne , à Hennebont , soit d' aider à des implantations d' usines nouvelles - plus de 2000 en 9 ans - dans des régions qui en ont besoin . Enfin , je ferai observer que le franc français , au lieu d' être , comme naguère , une monnaie de déroute , se trouve maintenant établi dans une position exemplaire et que , par contraste avec l' état de mendicité auquel nous étions réduits , nous sommes à présent dotés d' une réserve de change d' un montant jamais égalé .
C' est grâce à cette situation rétablie du tout au tout que nous avons pu , depuis 9 ans , faire en sorte que le Marché Commun européen devienne , non plus seulement un écrit sur un papier , mais bien une réalité , exiger que notre agriculture entre vraiment dans la Communauté , mettre sur pied , avec nos partenaires , les règlements d' application qui seront totalement en vigueur au milieu de l' année prochaine , accepter de traiter avec une grande partie du monde , avant tout avec les Etats-Unis , d' un abaissement général des tarifs . Mais si , par -là , s' ouvre devant nous un champ d' activité considérablement élargi , nous nous sommes délibérément placés en état de concurrence . Du même coup , nous voilà obligés à une évolution économique constante , que tout commande de conjuguer avec la progression sociale .
En quoi consistent cette évolution et cette progression ? Dès lors que notre pays abaisse ses barrières protectrices , il s' agit que nos entreprises s' adaptent continuellement aux conditions de la concurrence . C' est donc un vaste effort de productivité , avec tout ce qu' il implique de recherches , d' équipements et d' investissements , comme aussi de conversions et de concentrations , que nous devons mener sans relâche . Pour cet effort , deux leviers sont concevables , chez nous aussi bien qu' ailleurs . Ou bien la contrainte totalitaire . Ou bien l' esprit d' entreprise . Nous avons choisi le second . Cela , pour beaucoup de raisons qui tiennent à notre caractère national , au degré de notre développement , à la comparaison des résultats atteints respectivement par les deux systèmes , quant au rendement , à la prospérité collective , au sort matériel et moral de chacun . Mais , tout en tenant la carrière ouverte à la liberté , nous rejetons absolument le " laissez - faire , laisser - passer " et nous voulons , qu' en notre siècle , ce soit la République qui conduise la marche économique de la France .
C' est dire que l' action systématique déjà engagée à cet égard sera poursuivie suivant la même ligne en ce qui concerne , aussi bien la modernisation de l' industrie , de l' agriculture , du commerce , que le développement rationnel de nos diverses régions . Mais les changements en cours dans les structures et dans les emplacements des activités nationales posent , bien entendu , des problèmes sociaux . C' est avant tout le cas pour l' emploi .
Qu' il s' agisse des jeunes qui , sortis des écoles , doivent entrer dans une carrière , ou des adultes dont les réformes mettent en cause la situation , ou de tous les salariés , cadres compris , que la productivité croissante des entreprises oblige à améliorer leur technique , il est nécessaire d' aménager leur destination , leur mobilité et leurs capacités . Information organisée sur le plan national quant aux demandes et offres d' emplois , formation et perfectionnement professionnels , facilités données à la création d' entreprises nouvelles , aide directe apportée aux travailleurs qui sont l' objet de mutations , tels sont les moyens à employer pour cette adaptation qui est inhérente au progrès et à la compétition . Il va de soi , qu' en face d' un pareil changement , le bon sens exige désormais que les administrations publiques , les directions d' entreprises , les organismes professionnels , se tiennent en contact d' une manière régulière et objective , ce qui implique , évidemment , qu' il ne s' agisse pas de confrontations empoisonnées de manœuvres politiques .
Mais il n' est pas moins évident , qu' à une pareille rénovation , il faut , à partir de la base , une impulsion et un ressort . Sans doute , devons -nous faire en sorte , pour atteindre ce but à long terme , que tous les échelons de l' éducation nationale soient ouverts à tous les jeunes et que l' orientation scolaire les répartisse entre les disciplines suivant leurs propres aptitudes et les besoins de la collectivité . Mais il est également nécessaire que , pour adhérer franchement , ardemment , à la transformation de la France , les travailleurs français participent , non plus seulement au gré des contrats relatifs à leurs salaires , mais d' une manière organique et en vertu de la loi , aux progrès de l' expansion , dès lors que ceux - ci se traduisent en bénéfices ou en enrichissements . Dans cette voie qui conduit , sans nul doute , à un régime social nouveau , fondé sur l' association comme sur l' esprit d' entreprise , déjà quelques pas furent , avec avantage , essayés de-ci de-là . Maintenant , c' est une étape que nous avons à accomplir .
Voilà ce qui est fait . Voilà ce qui doit l' être . Pour bien voir et traiter ce vaste ensemble , il ne faut pas que les arbres nous cachent la forêt . Il ne faut pas que les partis pris obscurcissent l' intérêt général .
Conformément à mes attributions , j' ai nommé un gouvernement au lendemain des élections législatives .
Conformément à mes obligations , j' ai tracé avec ce gouvernement l' ensemble de la tâche économique , sociale et financière qui s' impose dans l' intérêt du pays .
Dans le cadre de cet ensemble et conformément à ses propres responsabilités , le Premier Ministre a choisi , pour obtenir l' accord du Parlement sur certaines mesures d' urgence indispensables , une procédure rapide et répondant aux conditions parlementaires assez incertaines du moment .
Etant donné que cette procédure est entièrement conforme à la Constitution prise dans sa lettre comme dans son esprit , je l' ai entièrement approuvée .
Parlons , si vous le voulez , de ces diverses règles dont on s' impatiente souvent je le sais , et je sais bien dans quel milieu . La Constitution comporte des règles précises pour ce qui concerne la délimitation du domaine législatif , les rôles respectifs du Parlement et du gouvernement dans ce domaine , les procédures dont celui-ci peut user pour rendre plus expéditifs les débats et les votes de celui -là , enfin les conditions dans lesquelles il est possible à l' Assemblée Nationale de censurer le ministère .
Après tantôt 100 ans de pratique parlementaire et la constatation faite en 1958 , littéralement in extremis , de certains errements désastreux , la Constitution a fixé , en toute raison , ces règles à défaut desquelles le régime représentatif lui-même risquerait fort de disparaître , emporté par les conséquences d' abus que ne supporte plus le caractère de notre temps .
Il est d' ailleurs assez remarquable , qu' en 1958 , lorsque j' eus à élaborer avec plusieurs membres de mon gouvernement le projet de la Constitution , ceux des ministres -ils étaient 3-qui avaient été présidents du Conseil sous la quatrième République se montrèrent particulièrement résolus à appuyer en la matière des règles bien déterminées . Sans doute était -ce parce qu' ils en avaient éprouvé personnellement la nécessité . D' autre part , le fait est que , d' aucun côté , aucune réserve ne fut formulée à ce sujet , tant était forte alors - et pour cause ! -l' impression que , pour le Parlement , cette réforme c' était le salut !
Parmi ces règles tutélaires , se trouve l' article 38 qui spécifie que des pouvoirs spéciaux peuvent être , momentanément et pour un objet déterminé , attribués par le Parlement au gouvernement . Déjà , l' expérience avait maintes fois prouvé sous les Républiques de naguère que , de toute façon , cette disposition s' imposait et , de fait , il en avait été usé souvent , à leur époque , dans le silence approbateur des juristes , même des juristes partisans , bien que les textes constitutionnels d' alors ne l' aient aucunement prévue , si même ils ne l' excluaient pas . Or , les textes d' aujourd'hui la prévoient . C' est d' ailleurs sur leur base explicite que de tels pouvoirs ont déjà été demandés et obtenus 7 fois depuis 7 ans par le gouvernement de la cinquième République . Ils vont l' être une fois de plus .
Au total , il n' y a donc là rien que de très normal en principe et , en l' occurrence , rien que de très satisfaisant .
Ce sera la troisième fois que les six Etats de la Communauté européenne se réuniront au sommet . Cela s' était produit déjà , sur la proposition de la France , à Paris , puis à Bonn , en 1961 . A cette époque , compte tenu du fait que les six avaient pu constituer une organisation économique commune , il nous avait , ici , semblé concevable qu' ils aménagent entre eux un début de coopération politique .
On sait que cette tentative n' avait pas abouti , parce que alors , dans leur ensemble , nos partenaires n' envisageaient pas que l' Europe existât par elle-même et traitât de questions concernant la politique et la défense en dehors de l' OTAN , c' est - à - dire indépendamment de l' Amérique et de l' Angleterre .
Or , voici que le gouvernement italien a pris l' initiative de réunir dans sa capitale les chefs d' Etat ou de gouvernement des 6 , d' abord pour commémorer le dixième anniversaire du traité de Rome , ensuite pour échanger leurs vues sur les sujets qu' ils choisiront , y compris les sujets politiques . Il va de soi que la France a répondu favorablement à cette invitation .
Je me garderai , bien entendu , de préjuger de ce qui pourra être considéré par cette réunion au sommet . Je dirai seulement qu' il me semble qu' une certaine impression de leur solidarité vis-à-vis de l' extérieur s' est fait , depuis quelque temps , sentir parmi les 6 . Dans le domaine économique , cela tient , peut-être , en partie au fait que , dans la grande confrontation tarifaire de Genève , et bien qu' on y ait abouti à un accord fondé sur de réciproques compensations , les Etats les plus " atlantiques " , c' est - à - dire les Etats-Unis , la Grande-Bretagne , les Scandinaves , ont marqué que leurs intérêts différaient profondément de ceux de la Communauté . Cela tient , peut-être , aussi à la pression exercée par les Américains et les Britanniques pour amener l' Europe à accepter , à ses frais et au profit des balances déficitaires anglo-saxonnes , la création de moyens monétaires artificiels qualifiés de liquidités . Ces moyens , en effet , n' étant plus gagés par l' or , ajouteraient une source intarissable d' inflation internationale à celles que constituent déjà , sous le couvert du gold exchange standard , les émissions et les exportations arbitraires et excessives de dollars . Peut - être , encore , le renforcement de l' esprit européen tient -il à la menace que représente pour les 6 , au point de vue technologique , le déferlement conquérant des Américains .
Mais surtout , dans le domaine politique , évidemment conjugué avec celui de la défense , le comportement des Etats-Unis , soutenus par la Grande-Bretagne , a pu faire apercevoir aux six les raisons proprement européennes qui justifieraient leur concert . Ainsi en est -il des questions concernant , par exemple , la sécurité de notre continent , la détente , l' entente , la coopération , avec les pays de l' Est en vue d' ouvrir la voie au règlement du problème allemand , la guerre qui s' aggrave en Asie , l' aide qu' il faut apporter aux Etats en voie de développement . Bref , on a le sentiment qu' un souffle favorable à des contacts nouveaux et , si je puis dire , moins compassés , effleure les six continentaux et que la réunion de Rome en est le signe .
C' est dire que la France va s' y rendre volontiers , tout en mesurant fort bien pour quels motifs et à quel point de claires vérités et réalités peuvent , encore aujourd'hui , paraître complexes et diverses à chacun de ses partenaires .
Cher ami , à la fin des fins , je vais vous répondre sur la question de l' Angleterre par rapport au Marché Commun . Vous m' aviez déjà posé la question , il y a quelques mois . Eh bien ! Enfin je m' en vais vous dire ce que j' en pense . Naturellement , je ne préjuge pas de ce que pourraient être éventuellement , je dis éventuellement , des négociations . Je ne parle pas de cela . Je me mets simplement aujourd'hui sur le plan des idées générales , de la considération d' ensemble du sujet . Mais je crois qu' il est nécessaire de la préciser . Le mouvement qui semble porter actuellement l' Angleterre à se lier à l' Europe au lieu de se tenir au large ne peut que satisfaire la France . C' est pourquoi nous prenons acte , avec sympathie , du progrès que semblent révéler dans ce sens l' intention manifestée et la démarche accomplie par le gouvernement britannique . De notre part , il ne saurait être , d' ailleurs il n' a jamais été question de veto . Il s' agit simplement de savoir si l' aboutissement est possible dans le cadre et dans les conditions de l' actuel Marché Commun sans y porter de troubles destructeurs , ou bien dans quel autre cadre et dans quelles autres conditions il pourrait l' être , à moins qu' on ne veuille sauvegarder ce qui vient d' être bâti , jusqu' à ce que , éventuellement , il apparaisse concevable d' accueillir une Angleterre qui se serait , de son côté , pour son compte , profondément transformée .
J' ai parlé de troubles destructeurs dans le Marché Commun . Nous savons tous qu' il a fallu 10 ans de gestion pour le mettre complètement en œuvre . Pour le bâtir il aura fallu un inlassable effort de coopération des 6 . Car au traité de Rome lui-même , se sont nécessairement ajoutés des règlements multiples et comportant un minutieux équilibre entre les intérêts propres aux divers Etats membres . Qui ne sait en particulier de quelles confrontations critiques est sorti l' ajustement des productions , des prix , des échanges , des conditions financières que représente la communauté agricole ? Encore reste -t -il aux six à s' entendre sur les sujets très ardus de l' énergie , des impôts , des charges sociales , des transports , et cetera . Puis , l' édifice théoriquement achevé , il leur faudra y vivre ensemble , se plier d' année en année , aux règles , aux compromis , aux sanctions qui sont ou y seront fixés . Bref , le Marché Commun constitue une sorte de prodige . Y introduire maintenant des éléments massifs et nouveaux au milieu de ceux qu' on a si malaisément accordés ce serait évidemment remettre en cause l' ensemble et les détails , et poser le problème d' une entreprise toute différente . D' autant plus que si on a pu bâtir ce fameux édifice , c' est qu' il s' agissait d' un groupement de pays continentaux , immédiatement voisins les uns des autres , présentant sans doute des différences de dimension mais complémentaires par la structure de leur économie . D' ailleurs les six forment par leur territoire un ensemble géographique et stratégique compact . Il faut ajouter qu' en dépit , peut-être à cause , de leurs grandes batailles d' autrefois , je parle naturellement de la France et de l' Allemagne , ils se trouvent maintenant enclins à s' appuyer mutuellement plutôt qu' à s' opposer . Enfin , conscients du potentiel de leurs moyens matériels et de leurs valeurs humaines tous souhaitent , tout haut ou tout bas , que leur ensemble constitue un jour un élément qui puisse faire équilibre à n' importe quelle puissance du monde .
Par comparaison avec les mobiles qui ont amené les six à organiser leur ensemble , on comprend pour quelles raisons , pourquoi l' Angleterre qui n' est pas continentale , qui reste par le Commonwealth , et par sa propre insularité , engagée au lointain des mers , qui est liée aux Etats-Unis par toutes sortes d' accords spéciaux , ne se soit pas confondue avec une Communauté aux dimensions déterminées et aux règles rigoureuses . Tandis que cette Communauté s' organisait , l' Angleterre refusa donc d' abord d' en faire partie et prit même à son égard une attitude hostile comme si elle y voyait une menace économique et politique . Puis elle tenta de négocier pour se joindre à la Communauté , mais dans des conditions telles que celle-ci aurait été étouffée par cette adhésion . Faute que l' essai eût abouti , le gouvernement britannique affirma ensuite qu' il ne voulait plus entrer dans la Communauté et s' appliqua à resserrer ses liens avec le Commonwealth et avec d' autres pays d' Europe groupés autour de lui en une zone de libre - échange . Or , voici maintenant qu' adoptant apparemment un état d' esprit nouveau l' Angleterre se déclare prête à souscrire au traité de Rome quitte à demander à ce que lui soient accordés des délais exceptionnels et prolongés et que pour ce qui la concerne des changements essentiels soient apportés dans l' application . En même temps , elle reconnaît que pour en arriver là il faudrait surmonter des obstacles que la grande clairvoyance et la profonde expérience de son Premier Ministre ont qualifiés de formidables .
Ainsi en est -il , par exemple , des règlements agricoles . On sait qu' ils tendent à faire en sorte que les pays de la Communauté se nourrissent de ce qu' elle produit et à compenser , par ce qu' on nomme des " prélèvements financiers " , tous avantages que chacun pourrait trouver à importer des denrées moins chères venues d' ailleurs . Or , l' Angleterre s' alimente , pour une très large part , au moyen de vivres achetés à bon compte partout dans le monde et , notamment , dans le Commonwealth . Qu' elle se soumette aux règles des 6 , voilà sa balance des paiements écrasée de " prélèvements " et , d' autre part , la voilà contrainte à augmenter ce que coûtent , chez elle , les aliments jusqu' au niveau des prix adoptés par les continentaux , à accroître en conséquence les salaires de ses travailleurs et , par -là , à vendre ses fabrications d' autant plus cher et d' autant plus difficilement . Il est clair qu' elle ne peut le faire . Mais , qu' elle entre dans la Communauté sans être réellement astreinte au système agricole des 6 , ce système éclate du coup , ce qui bouleverse complètement l' équilibre du Marché Commun et enlève à la France une des principales raisons qu' elle peut avoir d' en faire partie .
Une autre difficulté essentielle provient du fait que , chez les 6 , il est de règle que les capitaux circulent librement pour favoriser l' expansion , mais , qu' en Angleterre , s' il leur est permis d' entrer , il leur est interdit de sortir afin de limiter le déficit de sa balance des paiements , déficit qui , malgré de méritoires efforts et certains progrès récents , demeure toujours menaçant . Comment résoudre le problème ? Car ce serait pour les Britanniques un risque excessif que de supprimer les écluses qui , chez eux , bloquent les mouvements de l' argent vers l' extérieur et , pour les Européens , il serait insoutenable de faire entrer dans l' organisation un partenaire qui , à cet égard , se trouverait isolé dans un régime aussi exorbitant .
Comment , encore , ne pas voir que la situation propre à la livre sterling empêche le Marché Commun de s' incorporer l' Angleterre ? Le fait même que l' organisation des six libère entièrement leurs échanges mutuels implique nécessairement que les monnaies des pays membres aient une valeur relative constante et que , s' il arrivait que l' une d' entre elles fût ébranlée , la Communauté assurerait son rétablissement . Mais cela n' est possible qu' en raison de la solidité bien établie du mark , de la lire , du florin , du franc belge , du franc français . Or sans qu' on doive désespérer de voir la livre se maintenir , on ne sera pas , de longtemps , assuré qu' elle y parviendra . On le sera d' autant moins qu' elle présente , par rapport aux monnaies des 6 , le caractère très particulier d' être , comme on dit , " de réserve " , ce qui fait qu' un grand nombre de pays du monde , notamment ceux du Commonwealth , détiennent d' énormes créances en livres . Sans doute , peut -on tâcher de distinguer le sort de la livre monnaie nationale et celui de la livre monnaie internationale . Sans doute aussi peut -on alléguer , qu' une fois l' Angleterre entrée dans l' organisation , celle-ci pourrait ne pas prendre à son compte ce qu' il adviendrait du sterling . Mais ce ne sont là que jeux de l' esprit . En somme , la parité et la solidarité monétaires sont des conditions essentielles du Marché Commun et ne sauraient assurément pas s' étendre à vos voisins d' outre-Manche , à moins que la livre ne se présente , un jour , dans une situation nouvelle et telle que sa valeur d' avenir apparaisse comme assurée , qu' elle soit , elle aussi , dégagée du caractère de monnaie de réserve , qu' enfin ait disparu l' hypothèse des balances débitrices de la Grande-Bretagne à l' intérieur de la zone sterling . Quand et comment en sera -t -il ainsi ?
Ce qui est vrai , dès à présent , au point de vue économique , le serait aussi , éventuellement , au point de vue politique . L' idée , l' espoir , qui ont , dès l' origine , porté les six continentaux à s' unir , tendaient sans aucun doute à la formation d' un ensemble qui serait européen à tous les égards et , de ce fait , deviendrait capable , non seulement de peser de son propre poids en fait de productions et d' échanges , mais encore d' agir un jour politiquement par lui-même et pour lui-même vis-à-vis de qui que ce soit . Etant donné les rapports particuliers qui lient les Britanniques à l' Amérique , avec les avantages et aussi les dépendances qui en résultent pour eux , étant donné l' existence du Commonwealth et leurs relations préférentielles avec lui , étant donné les engagements spéciaux qui sont encore les leurs en diverses régions du monde et qui , fondamentalement , les distinguent des continentaux , on voit que la politique de ceux - ci , du moment qu' ils en auraient une , s' associerait sans doute , dans certains cas , à la politique de ceux -là . Mais on ne voit pas comment l' une et l' autre pourraient se confondre , sauf si les Britanniques reprenaient , notamment quant à la défense , l' entière disposition d' eux - mêmes , ou bien si les continentaux renonçaient à faire jamais une Europe qui soit européenne .
Il est vrai que les Anglais -ce qui est bien naturel - envisagent leur participation comme devant automatiquement conduire la Communauté à devenir tout autre que ce qu' elle est . Dès lors , en effet , que leurs mandataires seraient présents dans chacun des organismes dirigeants : Conseil des Ministres , Conseil des suppléants , Commissions , Assemblée , qu' ils y représenteraient la masse très considérable et très particulière des intérêts et des servitudes économiques et politiques de leur pays , qu' ils y auraient , quant au nombre et quant à l' audience , une importance correspondante , qu' ils y seraient aussitôt rejoints par les délégations de plusieurs des Etats qui forment aujourd'hui avec eux l' Association européenne de libre - échange , il est évident que l' inspiration , les dimensions , les décisions , de ce qui est aujourd'hui l' organisation des 6 , feraient place à une inspiration , à des dimensions , à des décisions , complètement différentes . Les Britanniques ne cachent pas , d' ailleurs , qu' une fois dans la place , ils entreprendraient d' obtenir maintes révisions . Pour ce qui est de la France , les conditions dans lesquelles elle s' y trouverait alors , quant à son industrie , son agriculture , son commerce , sa monnaie et , finalement , sa politique , n' auraient plus , à coup sûr , aucun rapport avec celles qu' elle accepte au sein du Marché Commun .
En vérité , il semble bien que le changement de situation des Britanniques par rapport aux 6 , dès lors que , d' un commun accord , on voudrait y procéder , pourrait comporter le choix entre 3 issues .
Ou bien reconnaître que , dans l' état présent des choses , leur entrée dans le Marché Commun , avec toutes les exceptions dont elles ne sauraient manquer d' être accompagnée , l' irruption de données toutes nouvelles en nature et en quantité qu' elle comporterait forcément , la participation de plusieurs autres Etats qui en serait certainement le corollaire , reviendrait à imposer la construction d' un édifice tout à fait nouveau , en faisant pratiquement table rase de celui qui vient d' être bâti . A quoi , alors , aboutirait -on , sinon peut-être à la création d' une sorte de zone de libre - échange de l' Europe occidentale , en attendant la zone atlantique qui ôterait à notre continent toute réelle personnalité ?
Ou bien instaurer entre la Communauté d' une part , l' Angleterre et tels et tels Etats de la petite zone de libre - échange d' autre part , un régime d' association , tel qu' il est prévu par le traité de Rome , et qui pourrait , sans bouleversement , multiplier et faciliter les rapports économiques des contractants .
Ou bien , enfin , attendre pour changer ce qui est qu' une certaine évolution intérieure et extérieure , dont il semble que la Grande-Bretagne commence à montrer les signes , ait été , éventuellement , menée à son terme , c' est - à - dire que ce grand peuple , si magnifiquement doué en capacités et en courage , ait lui-même accompli , d' abord et de son côté , la profonde transformation économique et politique voulue pour que puisse être réalisée sa jonction aux six continentaux . Je crois bien que c' est là ce que souhaitent beaucoup d' esprits , soucieux de voir paraître une Europe ayant ses dimensions naturelles et qui portent à l' Angleterre une grande admiration et une sincère amitié . Si , un jour , elle en venait là , de quel cœur la France accueillerait cette historique conversion !