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C. de Gaulle - 7 juin 1968
Interview télévisé
Oui ! Le 29 mai , j' ai eu la tentation de me retirer . Et puis , en même temps , j' ai pensé que si je partais , la subversion menaçante allait déferler et emporter la République . Alors , une fois de plus , je me suis résolu .
Vous savez , depuis quelque chose comme 30 ans que j' ai affaire à l' Histoire , il m' est arrivé quelquefois de me demander si je ne devais pas la quitter . Ce fût le cas , par exemple , en septembre 1940 , après Dakar , où avec mes compagnons , ayant essuyé le feu des forces françaises qui tiraient sur les Français Libres , alors que l' ennemi était à Paris , j' ai douté qu' on pourrait jamais les retourner contre l' envahisseur de la France . Ca a été le cas à Londres , en mars 1942 , où , devant une dissidence à l' intérieur de la France Libre , dissidence dont le gouvernement britannique avait été le complice sinon l' instigateur , je suis allé dans un coin de la campagne anglaise en faisant savoir à Londres que je ne poursuivrais pas mon entreprise aux côtés de la Grande-Bretagne si mes conditions n' étaient pas acceptées . Ce fut le cas en 1946 , quand , submergé par le torrent stérile des partis sur lequel je n' avais pas de prise et ne pouvant plus agir à la place où j' étais , je l' ai quittée . Ce fut le cas , en 1954 , quand je voyais le rassemblement que j' avais formé et qui était en train de se disloquer , alors , je l' ai laissé et je suis rentré chez moi . Ca a été le cas , le soir du premier tour de l' élection présidentielle , où une vague de tristesse a failli m' entraîner au loin .
Alors , le 29 mai , je me suis interrogé moi - même et puis , le 30 mai , ayant dit au pays ce que j' avais à lui dire et ayant reçu sa réponse sous la forme de l' immense marée humaine de La Concorde et des Champs Elysées et , ensuite , de tous les cortèges magnifiques qui se sont produits dans tant de villes , j' ai compris que mon appel avait donné le signal du salut et je me suis senti consolidé dans ma résolution par la volonté des Français .
Est-il besoin que je le dise ?
En partant pour la Roumanie , je ne renonçais pas à mes fonctions , je les exerçais . Il y avait là un voyage très important pour le développement des rapports entre l' Est de l' Europe et l' Ouest , c' est - à - dire pour la paix du monde . Et j' ai balancé dans mon esprit , s' il fallait , ex abrupto , du jour au lendemain , renoncer à m' y rendre , alors qu' en France , la situation était encore pour moi insaisissable .
Par conséquent , oui ! Pendant 5 jours , pour servir le pays , j' ai risqué quelque chose par mon absence . Remarquez que je n' étais pas absent , je communiquais avec Paris jour par jour , heure par heure . Mais enfin , il est vrai que je n' étais pas à l' Elysée . Au total , quand on fera le bilan de cette histoire -là , je pense que le voyage en Roumanie , pour ce qui est de l' intérêt national et de l' intérêt de la paix internationale , aura finalement été essentiel . On n' a pas idée de ce que la France est en dehors de chez elle et , en particulier , de ce qu' elle est en Roumanie .
Dans l' état d' incertitude où se trouvait la nation -vous vous rappelez , on disait qu' elle s' ennuyait ! -en dépit , et peut-être , à cause des progrès immenses qui ont été accomplis depuis 10 ans , de la paix qui est complètement rétablie et d' une situation internationale incomparable , eh bien ! en effet , une explosion s' est produite et elle s' est produite , bien sûr , dans le milieu où cela devait se produire , c' est - à - dire dans le milieu universitaire . Cette explosion a été provoquée par quelques groupes , quelques groupes qui se révoltent contre la société moderne , contre la société de consommation , contre la société mécanique , qu' elle soit communiste à l' Est ou qu' elle soit capitaliste à l' Ouest . Des groupes qui ne savent pas du tout d' ailleurs par quoi ils la remplaceraient , mais qui se délectent de négation , de destruction , de violence , d' anarchie , qui arborent le drapeau noir . Par contagion , à partir de là , il s' est produit la même chose dans certaines usines , et naturellement , là aussi parmi les jeunes . Mais alors , l' entreprise communiste totalitaire , inquiète et furieuse à Paris comme dans d' autres conditions elle l' est , à Moscou et ailleurs , inquiète et furieuse de voir cette fraction révolutionnaire se dresser en dehors d' elle et contre elle , a décidé , tout à coup , de noyer le tout dans une grève généralisée , en utilisant des piquets et des équipes préparées de longue main en conséquence , et ça a été la paralysie ruineuse du pays .
De cette paralysie , l' entreprise totalitaire dont je parle a successivement voulu tirer deux avantages . Le premier était de ressaisir le monopole de la revendication et d' obtenir ce qu' elle a obtenu . : une amélioration apparente de la rémunération des ouvriers , des enseignants , et cetera , dont ensuite elle se vanterait vis-à-vis des travailleurs . Je dis une amélioration apparente , parce que les chiffres d' augmentation de salaires , cela ne signifie absolument rien si l' économie et les finances françaises ne peuvent pas les supporter , à moins de recourir à l' inflation , qui coûte plus cher à chacun que ce qui lui est accordé . Et , en outre , ce qui a été alloué-10 , 12 , 13 pour 100 ... -c' est ce qui , de toute façon , aurait été obtenu en 1968 et 1969 , dans une situation économique et monétaire favorable , et que tout annonçait favorable , mais sans mettre en péril la compétitivité de la France au point de vue international .
Et le deuxième avantage qu' ensuite l' entreprise totalitaire a voulu obtenir , et pour lequel elle a déclenché , à ce moment -là , de vastes manifestations de rue pour mettre en condition de crainte et de résignation la population tout entière , cet avantage , c' était d' obtenir que la République abdique dans la personne de son Président , et d' accéder ainsi au pouvoir avec quelque transition et quelques figurants . Il faut bien dire , il faut bien dire que la stupeur passive de l' opinion et la conjuration des complicités ont été telles qu' on s' est demandé , à un certain moment , si notre pays n' allait pas , sans réagir , glisser au néant . Vous savez , comme dans la légende allemande où l' enfant au bras de son père s' abandonne au roi des Aulnes et à la mort .
Dans cette crise gigantesque , qu' a fait mon gouvernement ? D' abord , il s' est trouvé aux prises avec l' anarchie universitaire et avec les cortèges brise - tout d' étudiants et d' autres éléments qui dressaient des barricades , qui lapidaient la police , qui allumaient des incendies partout . Et bien ! mon gouvernement est resté maître de la rue en limitant les blessures . Et je dois dire , à ce sujet je dois dire très haut que les forces de l' ordre public ont fait et ont fait très bien leur devoir tout entier . Ensuite , en vue de mettre un terme à la grève généralisée , le gouvernement a réuni autour du Premier Ministre les représentants de tous les syndicats et de tout le patronat , ce qui a permis d' aboutir aux conclusions unanimes du 27 mai . Mais , en dépit de ces conclusions unanimes , le fait est que l' entreprise totalitaire en question a voulu néanmoins obtenir que je m' en aille et ainsi prendre le pouvoir . C' est alors que j' en ai appelé au peuple et que sa réponse a été ce que l' on sait par les manifestations éclatantes et aussi par le déclenchement de la reprise du travail .
Moi , je constate que , pendant tout ce temps -là , le gouvernement est resté parfaitement cohérent autour du Président de la République et je ne sais pas dans quel régime un tel exemple aurait été donné .
Il y a eu , en effet , un remaniement du Gouvernement qui m' a été proposé par le Premier ministre et que j' ai accepté . Qu' est -ce que vous voulez , dans une crise pareille , c' est assez naturel qu' on assure la relève des hommes et c' est ce qui a été fait . Quant à cette mutation entre le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l' Economie et des Finances , quoi ? Ce sont deux personnalités éminentes , parfaitement à leur place dans l' un ou l' autre domaine . J' ajoute que l' Economie et les Finances d' une part , et les Affaires étrangères d' autre part sont des domaines , aujourd'hui , étroitement imbriqués . Il n' y a pas d' économie nationale en dehors de la conjoncture internationale , il n' y a pas d' affaires étrangères qui ne soient , en même temps , économiques . Le remaniement s' explique parfaitement bien . Mais je le répète , ce qui est à remarquer , c' est qu' à aucun moment le Gouvernement ne s' est disloqué et , je le répète , dans aucun autre régime , cela ne serait sans doute arrivé .
Comment ? Voilà une société , je parle de la société française , voilà une société dans laquelle la machine est la maîtresse absolue et la pousse à un rythme accéléré dans des transformations inouïes . Une société dans laquelle tout ce qui est d' ordre matériel , les conditions du travail , l' existence ménagère , les déplacements , l' information , et cetera , tout cela , qui n' avait pas bougé depuis l' Antiquité , change maintenant de plus en plus rapidement et de plus en plus complètement . Une société qui , il y a 50 ans , était agricole et villageoise et qui , à toute vitesse , devient industrielle et urbaine . Une société qui a perdu en grande partie les fondements et l' encadrement sociaux , moraux , religieux , qui lui étaient traditionnels . Une société qui , en l' espace d' une génération , a subi deux guerres épouvantables et qui vit , maintenant , dans une Europe coupée en deux et au milieu d' un monde qui est bouleversé par la fin des Empires , par l' avènement d' une foule d' Etats nouveaux dont les peuples frappent à la porte de la prospérité et d' un monde qui est agité dans ses profondeurs - le drame d' hier en Amérique en est un exemple - par les conflits absurdes et dangereux en Asie , en Afrique , en Amérique . Une société qui , actuellement , dispose d' une information dont les moyens sont colossaux , qui agissent à chaque minute et qui s' emploient essentiellement , vous le savez bien , contre toute autorité , à commencer s' il vous plaît par la mienne , et qui tapent sans relâche et presque exclusivement sur le sensationnel , le dramatique , le douloureux , le scandaleux . Une société enfin , qui sait qu' au-dessus de sa tête sont suspendus en permanence l' hypothèque nucléaire et l' anéantissement . Comment est -ce qu' on pourrait imaginer que cette société -là soit placide et soit , au fond , satisfaite ? Elle ne l' est certainement pas .
Il est vrai que , en échange , si on peut dire , de tous ces soucis , de toutes ces secousses qu' elle nous apporte , la civilisation mécanique moderne répand parmi nous des biens matériels en quantité et en qualité croissantes et qui , certainement , élèvent le niveau de vie de tous . Il n' est pas douteux , qu' en moyenne , un Français d' aujourd'hui mange , se vêt , se chauffe , se loge , se soigne mieux que son aïeul , que son travail est moins pénible , qu' il a , à sa portée , des moyens de déplacement et d' information tout à fait nouveaux .
En même temps , il est vrai que la technique et la science qui se développent parallèlement à l' industrie et aussi vite qu' elles , obtiennent , en s' unissant à elle , des résultats saisissants . La locomotive , le téléphone , l' électricité , ça avait été bien ! L' auto , l' avion , la radio , c' était mieux ! La fusée , la télé , le moteur atomique , le laser , la greffe du cœur , c' est magnifique ! Bref , la civilisation mécanique qui nous apporte encore une fois beaucoup de malheurs nous apporte aussi une prospérité croissante et des perspectives mirifiques . Seulement voilà , elle est mécanique , ce qui veut dire qu' elle enlace l' homme , quel qu' il soit et quoi qu' il fasse , qu' elle l' enlace dans une espèce d' engrenage qui est écrasant . Cela se produit d' ailleurs pour le travail , cela se produit pour la vie de tous les jours , cela se produit pour la circulation , cela se produit pour l' information , pour la publicité , et cetera . Si bien que tout s' organise et fonctionne d' une manière automatique , standardisée , d' une manière technocratique et de telle sorte que l' individu , par exemple , l' ouvrier , n' a pas prise sur son propre destin , comme pour les fourmis la fourmilière et pour les termites la termitière . Naturellement , ce sont les régimes communistes qui en viennent là surtout et qui encagent tout et chacun dans un totalitarisme lugubre . Mais le capitalisme lui aussi , d' une autre façon , sous d' autres formes , empoigne et asservit les gens . Comment trouver un équilibre humain pour la civilisation , pour la société mécanique moderne ? Voilà la grande question de ce siècle !
Pour la mutation dont vous me parlez , il y a , naturellement , des réponses diverses et opposées . Moi , j' en vois 3 essentielles .
D' abord , il y a le communisme qui dit : créons d' office le plus possible de biens matériels et répartissons - les d' office de telle sorte que personne n' en dispose à moins qu' on ne l' y autorise . Comment ? Par la contrainte . La contrainte morale et matérielle constante , autrement dit , par une dictature qui est implacable et perpétuelle , même si , à l' intérieur d' elle-même , des clans différents s' en saisissent tour à tour en se vouant aux gémonies : même si , depuis que ce système est en vigueur en certains endroits , ses chefs , à mesure qu' ils se succèdent , se condamnent les uns les autres , comme s' il était prouvé d' avance que chacun devrait échouer à moins qu' il ne trahisse . Non , du point de vue de l' homme , la solution communiste est mauvaise .
Le capitalisme dit : grâce au profit qui suscite l' initiative , fabriquons de plus en plus de richesses qui , en se répartissant par le libre marché , élèvent en somme le niveau du corps social tout entier . Seulement voilà : la propriété , la direction , le bénéfice des entreprises dans le système capitaliste n' appartiennent qu' au capital . Alors , ceux qui ne le possèdent pas se trouvent dans une sorte d' état d' aliénation à l' intérieur même de l' activité à laquelle ils contribuent . Non , le capitalisme du point de vue de l' homme n' offre pas de solution satisfaisante .
Il y a une troisième solution : c' est la participation qui , elle , change la condition de l' homme au milieu de la civilisation moderne . Dès lors que des gens se mettent ensemble pour une œuvre économique commune , par exemple , pour faire marcher une industrie , en apportant soit les capitaux nécessaires , soit la capacité de direction , de gestion et de technique , soit le travail , il s' agit que tous forment ensemble une société , une société où tous aient intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement et un intérêt direct . Cela implique que soit attribuée de par la loi , à chacun , une part de ce que l' affaire gagne et de ce qu' elle investit en elle-même grâce à ses gains . Cela implique aussi que tous soient informés d' une manière suffisante de la marche de l' entreprise et puissent , par des représentants qu' ils auront tous nommés librement , participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts , leurs points de vue et leurs propositions . C' est la voie que j' ai toujours cru bonne . C' est la voie dans laquelle j' ai fait déjà quelques pas : par exemple en 1945 , quand avec mon gouvernement , j' ai institué les comités d' entreprises : quand en 1959 et en 1967 , j' ai par des ordonnances , ouvert la brèche à l' intéressement . C' est la voie dans laquelle il faut marcher .
Dans l' Etat , il y a un Président et puis il y a un Premier ministre . Dans toute entreprise , il faut un président et un directeur général même quand , quelquefois , c' est le même personnage . Ce n' est pas du tout contradictoire avec la participation , je dirai même : au contraire . Dans une participation , dans une société à participation , où tout le monde a intérêt à ce que ça marche , il n' y a aucune espèce de raison pour que tout le monde ne veuille pas que la direction s' exerce avec vigueur . Délibérer , c' est le fait de plusieurs et agir c' est le fait d' un seul , ce sera vrai dans la participation comme c' est vrai partout et dans tous les domaines .
Parce qu' une pareille réforme , personne et moi non plus ne peut la faire tout seul . Il faut qu' elle soit suffisamment consentie et il faut que les circonstances s' y prêtent . Alors , c' est vrai , malgré les quelques pas que j' ai pu faire faire dans cette direction , jusqu' à présent , nos structures et nos milieux , et en particulier ceux du travail ont résisté à ce changement -là . Seulement , il y a eu maintenant une secousse et une secousse terrible qui a dû ouvrir les yeux de beaucoup de monde .
Si une révolution , c' est des exhibitions et des tumultes bruyants , scandaleux et , pour finir , sanglants , alors non : la participation , ce n' est pas une révolution . Mais , si une révolution consiste à changer profondément ce qui est notamment en ce qui concerne la dignité et la condition ouvrière alors , certainement c' en est une . Et moi , je ne suis pas gêné dans ce sens -là d' être un révolutionnaire comme je l' ai été si souvent : en déclenchant la Résistance , en chassant Vichy , en donnant le droit de vote aux femmes et aux Africains , en créant , à la Libération , par les comités d' entreprise , par les nationalisations , par la Sécurité sociale des conditions sociales toutes nouvelles , en invitant le peuple et en obtenant de lui qu' il nous donne des institutions valables , en lui constituant une monnaie qui lui soit , à la fin des fins , solide , en réalisant la décolonisation , en changeant un système militaire périmé , en un système de dissuasion et de défense moderne , en obtenant le commencement de la libération des Français du Canada , en entamant un processus d' union de l' Europe par le rapprochement de l' Est , du Centre et de l' Ouest , en favorisant l' avènement des pays sous-développés . Oui ! tout cela c' était révolutionnaire , et chaque fois que j' agissais dans ces différents domaines , eh bien ! je voyais se lever autour de moi une marée d' incompréhensions , de griefs et quelquefois de fureurs . C' est le destin ! Si bien qu' un de mes amis , car j' en ai tout de même quelques-uns , en évoquant devant moi cette marée , un jour , évoquait aussi un tableau primitif , je m' en souviens , qui représentait , me disait -il , une foule qui était menée par les démons vers l' enfer , tandis qu' un pauvre ange lui montrait la direction opposée . Et de cette foule tous les poings étaient levés , non pas du tout contre les démons , mais bel et bien contre l' ange . Alors mon ami disait : " eh bien ! ce tableau pourrait être complété par un autre , où on verrait cette foule , au moment où elle va tomber dans le gouffre , s' arrachant aux démons malfaisants et , à la fin des fins , courant vers l' ange " . C' est de la peinture symbolique et figurative , mais tout de même , là dedans , il y a peut-être quelque chose de vrai .
Il y a une mutation agricole colossale qui se produit en France , tout le monde y assiste , une mutation dans les structures , une mutation dans le mode de vie , une mutation dans la production , une mutation dans la coopération . Il s' institue partout des sociétés de participation paysanne .
D' après ce que l' on pense , et ce que j' en pense aussi , il faut encore 10 ans pour que cette mutation aboutisse vraiment . 10 ans dans la vie d' un peuple , ce n' est pas grand-chose , vous le savez , et , dans 10 ans , on verra que c' est une réussite française .
Dans cette crise qui s' est passée à l' Université , il y avait deux choses . D' abord l' angoisse des jeunes , des étudiants - qui est infiniment naturelle , je viens , je crois , de l' expliquer - dans la société mécanique , la société de consommation moderne , parce qu' elle ne leur offre pas ce dont ils ont besoin , c' est - à - dire un idéal , un élan , un espoir : et moi je pense que cet idéal , cet élan , et cet espoir , ils peuvent et doivent les trouver dans la participation . Et puis , il y a eu la crise de l' Université elle-même qui a étalé sa caducité , son impuissance à se réformer et puis , pour finir , son effondrement malgré la valeur intellectuelle très grande de beaucoup de ses maîtres . Il n' y a pas de doute que cette Université est à reconstruire complètement . Au long des siècles d' ancien régime , nos Facultés qui étaient réparties sur le territoire menaient une existence distincte et avaient des fortunes très diverses et souvent même , d' ailleurs , très agitées . Napoléon , aidé par Fontanes , a fait de tout ça un grand corps dans un certain but et d' une certaine façon . Le but , c' était de faire accéder aux sommets les plus élevés , aux sommets théoriques de la connaissance , un nombre assez restreint d' étudiants , après quoi , l' élite ainsi dégagée se répartissait comme elle voulait et constituait une pépinière d' hommes supérieurs , la façon , c' était des cours professés ex cathedra par des maîtres , et puis des examens qui aboutissaient à des diplômes , lesquels diplômes ne déterminaient pas du tout nécessairement le détenteur à une carrière précise et déterminée et n' engageaient pas du tout les employeurs à le prendre . Tout cela est évidemment complètement dépassé .
Alors sur quels principes faut -il reconstruire l' Université ? Il s' agit de faire en sorte qu' elle ne vive plus pour elle-même en dehors des réalités , il faut qu' elle corresponde aux besoins modernes de notre pays . Notre pays a des activités diverses et parfaitement distinctes les unes des autres . Et bien ! il faut - et c' est ce que le pays lui demande - que l' Université lui fournisse des éléments adaptés à chacune de ces activités -là : ce qui veut dire que chaque discipline universitaire doit correspondre directement à un certain domaine pratique et qu' inversement ce domaine pratique assure des débouchés aux étudiants qui ont été formés dans cette discipline -là . De plus , comme notre pays renaît à la vie régionale , il souhaite que les ensembles universitaires soient adaptés localement à cette vie régionale et que , par conséquent , ils aient chacun leur caractère particulier . Il va de soi que l' Université doit être ouverte à tous les étudiants qui ont des chances et qui ont l' intention d' en suivre les cours et d' en passer les examens , mais que les autres , qui n' y sont que pour gaspiller leur temps et celui de leurs camarades , soient accueillis ailleurs , ou même commencent tout de suite leur vie active . Après tout , on peut être un homme de premier ordre sans être nécessairement licencié , ou agrégé de l' Université . Mais aussi je dirais presque surtout , il faut que la refonte et le fonctionnement de l' Université se fassent avec la participation de ses maîtres et de ses étudiants : de tous ses maîtres et de tous ses étudiants , autrement dit , qu' ils soient tous directement intéressés et que leurs mandataires soient désignés par tous et qu' on n' ait pas seulement affaire , comme c' est le cas , à des délégations de quelques groupes restreints qui sont d' autant plus bruyants , violents , anarchiques et chimériques qu' ils ne sont pas représentatifs de l' ensemble et que , par dessus le marché , ils sont incapables de projets et de comportements constructifs . Voilà comment doit être refaite l' Université .
Je vais commencer par répondre , si vous le voulez , à votre deuxième question . En effet , l' Assemblée Nationale a été dissoute , mais je dirai que , depuis qu' elle a été élue , c' est - à - dire depuis l' année dernière , elle avait vocation d' être dissoute . En effet , il y avait dedans ce qu' on appelait une majorité , mais qui en fait n' en était pas une , à deux ou 3 voix près , même quand , dans les motions de censure , elle recevait l' appoint infime et vacillant de quelques groupes ou de quelques groupuscules . Et elle était , cette majorité , hypothéquée à l' intérieur d' elle-même , par les jeux personnels ou dissidents de 3 , de 4 ou 5 qui , encore une fois , l' hypothéquaient . Et quant aux autres , ceux qui n' étaient pas de la majorité , bien qu' ils se soient accordés souvent pour emporter des sièges , ils étaient absolument incapables de fournir une majorité quelconque pour soutenir une politique quelconque et a fortiori pour soutenir une politique qui n' aurait pas été désastreuse pour le pays . Alors , dans ces conditions , l' Assemblée Nationale devait être un jour ou l' autre dissoute . Là - dessus , est arrivée la crise terrible qui s' est passée d' ailleurs en dehors de l' Assemblée Nationale et qui se résout en dehors d' elle . Et cette crise devait amener la perspective pour le pays de voir la République tomber , son Président s' en aller et un pouvoir qui ne procédait pas de l' Assemblée Nationale s' établir à sa place . Cela étant , il fallait , puisque la démocratie elle-même était en danger , étant en cause , il fallait que le peuple tout entier fût consulté . C' est pour cela d' ailleurs que j' avais proposé d' abord un référendum . Et puis , il se trouve que ce référendum , qui était prévu pour le 16 juin , ne peut pas avoir lieu matériellement le 16 juin . Et puis il se trouve que , de toute manière , il faut dissoudre l' Assemblée Nationale . Alors , j' ai commencé par là et , par conséquent , l' élection à l' Assemblée Nationale nouvelle aura lieu dans les moindres délais , c' est - à - dire le 23 juin .
Avec le second tour le 30 juin . Je crois que , jamais , au point de vue national , une consultation nationale n' a eu une telle importance nationale , parce qu' en effet , tout , en vérité , tout en dépend , tout est en cause . Si les résultats sont bons , et dans la mesure où ils le seront , je crois que le sentiment public s' étant ainsi manifesté d' une manière massive , la République , la liberté seront assurées et que le progrès , l' indépendance et la paix auront gagné . Et si , au contraire , les résultats sont mauvais , alors , tout ça c' est perdu . J' ajoute que si les résultats sont bons , certainement sur ces bases élargies , par le fait même , des perspectives élargies s' ouvriront pour les gouvernements et aussi pour leurs rapports avec l' Assemblée Nationale nouvelle , c' est très certain .
J' ajoute , après avoir répondu à votre première question et pour compléter ma réponse , que le référendum aura lieu en son temps et sous la forme qui conviendra . Pour le moment , il s' agit des élections . Et voilà pourquoi j' appelle les Françaises et les Français à s' unir par leur vote dans la République autour de son Président parce que , n' est -ce pas , il faut que vive la République et que vive la France .