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Qui utilise le plus le mot «nation» ?
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Les thèmes autour du mot «nation»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
C. de Gaulle - 11 mars 1969
Allocution radiotélévisée
Au printemps dernier , l' économie de la France était en très bonne voie , les échanges extérieurs se trouvaient équilibrés , l' Etat couvrait ses dépenses , le franc affirmait une solidité exemplaire . De ce fait , l' augmentation réelle du niveau de vie des Français , déjà en cours depuis des années , devait se poursuivre à coup sûr . Bien entendu , au milieu de l' extraordinaire transformation qu' accomplissait notre pays , beaucoup de choses laissaient à désirer . Il s' agissait d' y remédier à mesure et sans secousses . C' est bien ce que nous faisions et nous en avions les moyens .
Une crise brutale a soudain compromis cette situation favorable . Pendant près de deux mois , le travail a été systématiquement empêché partout . A la faveur de cette affreuse confusion qui , pour beaucoup de gens , allait jusqu' au désespoir , on vit alors ses principaux auteurs se dresser contre la République , en la compagnie provisoire d' une escorte de chimériques , d' ambitieux ou de rancuniers , pour se saisir d' abord du pouvoir , puis pour soumettre de force la nation à l' écrasement totalitaire . On sait comment cette vaste entreprise de destruction et de subversion a pu être repoussée , grâce à la cohésion du régime et à la confiance massive qu' à mon appel le peuple a exprimée par ses cortèges , puis par les élections . Mais ensuite , pour faire redémarrer à tout prix l' activité paralysée , les entreprises ont cru devoir assumer des charges , l' Etat a cru devoir prodiguer des crédits , tels que l' équilibre économique et financier du pays s' est trouvé pratiquement rompu . Du coup , face à la concurrence internationale , la valeur de notre monnaie fut mise en cause au cours de l' automne , ce qui risquait de nous précipiter dans l' inflation , c' est - à - dire dans la ruine . Cet assaut -là fut brisé , lui aussi .
Or , ces derniers jours , comme la reprise était certaine , comme le franc se retrouvait d' aplomb , comme le budget était en ordre , comme les prix n' avaient augmenté que dans les limites étroites qui leur étaient assignées , comme le chômage disparaissait , comme la balance commerciale ne cessait de s' améliorer , comme on avait tout lieu de penser que 1969 consacrerait le retour à l' équilibre et , par là même , la consolidation effective des accroissements massifs consentis en mai - juin à toutes les rémunérations et l' ouverture de perspectives plus larges étendues sur l' année prochaine , voici qu' on vient de voir se déclencher une nouvelle offensive , menée par les mêmes assaillants , soutenue par les mêmes complices , utilisant les mêmes moyens et menaçant encore de faire crouler la monnaie , l' économie et la République .
Ai -je besoin de déclarer qu' elles seront fermement défendues , de dire que je suis certain que le pays nous y aidera , d' annoncer , qu' en fin de compte , leurs adversaires seront les perdants ? Mais comment nous en tenir là ? Comment ne pas discerner le malaise des âmes qui , dans la société mécanique moderne , sert de ferment trop commode à ces troubles et de tremplin trop facile à ces agitateurs ? Comment ne pas reconnaître que , si l' impulsion de l' époque transforme matériellement notre pays dans ses profondeurs , elle lui impose , en même temps , de changer les conditions morales et sociales de son existence . Bref , ce qui est en cause , c' est la condition de l' homme . Il s' agit donc , partout où les hommes sont ensemble pour vivre ou pour travailler , de rendre leurs rapports plus humains , plus dignes , par là plus efficaces . Il s' agit que chacun , là où il fournit son effort , ne soit pas un instrument passif , mais participe activement à son propre destin . Voilà quelle doit être la grande réforme française de notre siècle !
A ce mouvement s' opposent et s' opposeront , d' une part ceux qui s' acharnent vulgairement à casser tout ce qui est et à empêcher de naître tout ce qui pourrait exister , d' autre part , ceux qui ne cherchent qu' à exciter et à capter toutes les impatiences et tous les mécontentements au profit de leur conjuration pour enfermer un jour notre peuple dans la prison totalitaire , enfin ceux qui refusent toute transformation et prétendent que le couvercle soit vissé sur la marmite . Mais nous , qui sommes en charge , nous savons grâce à quel progrès nous assurerons le salut . Tandis que tout doit être fait pour que la France marche en avant dans l' ordre et la prospérité , ce qui s' impose , au total , c' est la Participation , réforme qui est , assurément , de longue haleine et de grande envergure .
Dans l' Université , l' affaire est en cours , comme on le sait , suivant la loi d' orientation . En dépit des soubresauts du serpent de la pagaille et des complaisances inacceptables qu' il trouve encore , le fait est , qu' au lieu de l' anarchie scandaleuse qui , récemment , y submergeait tout , se constituent dans les Facultés , auprès de l' autorité directrice , des conseils élus où professeurs et étudiants exerceront normalement en commun leurs responsabilités . Dans les entreprises , indépendamment des Comités d' entreprise déjà existants et de ce qui fut tout dernièrement acquis quant au début d' intéressement du personnel aux bénéfices , la loi va instituer les contacts directs et réguliers des travailleurs et de la direction , pour l' information réciproque et la consultation périodique au sujet de ce qui se passe et ce qui est projeté en fait de production , de productivité , d' emplois , de transformations , et cetera , commencement d' association qui peut et doit avoir les meilleures conséquences pour la concorde sociale et l' ardeur économique de la nation .
Mais ce que le bon sens exige aussi , et au premier chef , c' est que la participation prennent place là où se déterminent les mesures qui concernent la vie des Français . Sur ce sujet capital , il est proposé , tout en gardant nos communes et nos départements , d' organiser notre pays en régions , qui seront , en général , nos anciennes provinces mises au plan moderne , ayant assez d' étendue , de ressources , de population , pour prendre leur part à elles dans l' ensemble de l' effort national , d' introduire , aux côtés des élus , dans le conseil où chacune traitera de ses propres problèmes , les représentants des catégories économiques et sociales , d' en faire ainsi , localement , les centres nouveaux de l' initiative et de la coopération et les ressorts du développement . Il est proposé , en même temps , de rénover le Sénat , actuellement réduit à un rôle de plus en plus accessoire , afin qu' il devienne le cadre où travailleront en commun des sénateurs élus par les conseils locaux et d' autres qui seront délégués par les grandes branches d' intérêts et d' activités . A ce titre , il sera saisi publiquement , le premier , de tous les projets de loi pour formuler ses avis et proposer ses amendements .
Ce que l' adoption du projet apportera , en notre époque qui est actuellement économique et sociale , c' est donc , à l' échelon de la région , une emprise plus directe des Français sur les affaires qui touchent leur existence , à l' échelon de la nation , l' intervention par priorité dans l' élaboration des lois d' un corps qualifié pour les considérer surtout au point de vue de la pratique , aux deux échelons , l' ouverture régulière des instances démocratiques aux organismes économiques et sociaux qui , au lieu d' être confinés chacun dans son champ de revendication particulière , pourront participer à toutes les mesures constructives intéressant tout le monde .
Il est clair que cette création des régions et cette transformation du Sénat forment un tout . Il est clair qu' il y aura là un changement très important dans l' organisation de nos Pouvoirs publics . Il est clair que , de ce fait , mais aussi parce que ce qui a trait au Sénat est d' ordre constitutionnel , c' est au peuple lui-même , autrement dit à vous , à vous qu' il appartient d' en décider . Conformément à ma mission et à ma fonction et sur la proposition du gouvernement je compte vous le demander en faisant ainsi appel , directement et une fois de plus , à la raison de notre pays par dessus tous les fiefs , les calculs et les partis pris .
Françaises ! Français ! C' est donc une grande décision nationale que vous allez avoir à prendre . Par la force des choses et des actuels événements , le référendum sera , pour la nation , le choix entre le progrès et le bouleversement . C' est bien là l' alternative . Quant à moi , je ne saurais douter de la suite . Car , aujourd'hui , comme depuis bien longtemps et à travers bien des épreuves ! je suis , avec vous , grâce à vous , certain de l' avenir de la France !
Vive la République !
Vive la France !