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Qui utilise le plus le mot «équilibre» ?
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Les thèmes autour du mot «équilibre»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
F. Mitterrand - 20 janvier 1983
Entretien télévisé
Vous m' avez posé une question : comment préserver la paix ? Ma réponse s' applique à tous les peuples concernés , indifféremment , mais je ne suis pas dans la situation , je ne désire pas être le conseilleur de la politique allemande .
Je dis simplement ce que je pense par rapport à la situation du monde et par rapport à la politique française : la paix sera maintenue d'abord par l' équilibre des forces mais l' équilibre des forces en comparant ce qui est comparable .
Je veux dire par là en empêchant tout " découplage " -ça c' est un terme de jargon -la réalité c' est dire sans séparer , en ne séparant pas la défense du continent américain de celle du continent européen .
Deuxièmement , il faut que cet équilibre nucléaire -il existe déjà sur le plan stratégique-l'Union Soviétique et les Etats-Unis d' Amérique ont la possibilité de se détruire-si j' ose dire-plusieurs fois -la situation est différente en Europe , où il y a déséquilibre et déséquilibre qui me paraît actuellement à l' avantage de l' Union Soviétique , non pas que je demande que la situation soit inversée , je demande que l' on parvienne à l' équilibre .
Mais séparer la défense européenne du continent américain , c' est abandonner un pan trop vaste , trop large de la sécurité occidentale .
Mes dispositions à l' égard de l' Union Soviétique sont des dispositions pacifiques,je pourrais dire amicales , nous sommes associés dans la vie du monde depuis trop longtemps , particulièrement Russes et Français .
Voilà pourquoi je souhaite que la négociation aboutisse : la paix c' est aussi la réussite de la négociation mais une négociation peut échouer par la volonté d' un seul ou par la volonté des 2 participants , c'est-à-dire Américains et Russes .
Je veux me prémunir contre ce risque et je dis que cette double décision qui consiste d' une part à négocier afin de savoir à quel niveau se situerait le déploiement des nouveaux missiles de tactique nucléaire sur le sol de l' Europe , je dis que ces 2 notions ne peuvent pas être séparées l' une de l' autre .
Troisième élément en ce qui concerne mon pays , c' est que je considère-qu'on le regrette ou qu' on le déplore-que l' existence d' une force dissuasive et défensive et autonome en France est un facteur très important , en tout cas pour la France certainement et qu' il ne me paraît pas possible , à une époque -je le répète , on le regrette ou on le déplore-où l' équilibre est l' équilibre de la terreur , l' équilibre des forces nucléaires , je ne crois pas qu' il soit possible pour l' instant de lui substituer un autre critère , et à partir de là je dis que la force française , autonome , dissuasive , défensive , est en dehors du jeu de négociations qui partent d' un surarmement excessif , qui doit être radicalement diminué entre les 2 superpuissances , mais qui ne peut pas affecter un pays qui dispose de sa faculté dissuasive , la France : au-dessous du seuil de dissuasion , nous n' avons plus de défense .
Alors il faut comprendre cette position particulière .
Je crois que tout cela est indissociable , que l' équilibre mondial et européen repose sur l' addition de formes d' armement .
Bien entendu , chacune de ces formes d' armement , chacun de ces types d' armement , peut et doit être , entre les 2 plus grandes puissances , considérablement réduit , leur sécurité n' en sera pas affectée pour autant .
Je répète que pour ce qui touche à la France il n' en va pas de même .
Mais je comprends la réaction du peuple allemand : il est tout à fait naturel qu' il s' inquiète et qu' il se préoccupe d' habiter sur un sol , sur un territoire qui est visé par des fusées stratégiques , ou bien qui n' est pas à l' abri-loin de là , c' est une formule modeste que j' emploie-de supporter les plus graves conséquences d' un conflit .
Aussi faut -il empêcher ce conflit , le moyen c' est de disposer dans l' ensemble des alliances d' une telle force de dissuasion que nul n' ait intérêt à faire une guerre .
Le maintien de la paix , c' est cela exactement l' objectif que nous recherchons .
La meilleure garantie du peuple allemand , comme d'ailleurs du peuple français , qui se trouvent dans des situations militaires différentes , mais leur garantie mutuelle , c' est que l' équilibre de ces forces interdise à tout agresseur éventuel de lancer une offensive .
Il n' y a pas d' autre moyen de s' en sortir , étant entendu , je le répète , que ce qui est équilibre en hausse-c'est le surarmement que je regrette et que je condamne-peut être obtenu en baisse par un accord sérieux entre les Etats-Unis d' Amérique et l' Union Soviétique pour réduire leurs armements .
Ils peuvent le faire , mais on ne peut pas séparer , j' y insiste , on ne peut pas séparer le continent européen du continent américain : en dehors de la stratégie , des forces stratégiques américaines , le déséquilibre s' installe exagérément .
Avant de traiter avec vous ce sujet , donc d' abandonner le précédent , qui est très important , chacun se l' imagine , je tiens à répéter que mon objet est de ne pas intervenir-bien entendu , c' est mon devoir-dans les compétitions politiques internes de l' Allemagne fédérale .
Je respecte ce peuple , je respecte les uns et les autres , qui exercent leurs droits démocratiques .
Il faut donc que je sois bien compris en disant que j' attache la plus grande importance à ce que la négociation , les négociations ( il faut parler au pluriel ) , aboutissent , qu' elles réussissent , ce qui signifierait une baisse considérable du potentiel d' armement .
Je pense qu' elles ne peuvent pas réussir si tel ou tel des 2 camps suppose à l' avance qu' il ne trouvera pas la résistance et la volonté suffisantes .
C' est donc tout à fait simple , et ce point de vue est celui du Président de la République française , qui au demeurant dispose de son indépendance stratégique dans l' alliance .
La deuxième question touche donc à l' économie et aux relations franco-allemandes .
C' est certain qu' il y a une disparité excessive actuellement dans le commerce extérieur de ces 2 pays qui , au total , représentent la part la plus considérable de nos affaires commerciales .
Nous sommes les 2 partenaires commerciaux , et je crois que notre commerce est le troisième dans le monde , le premier en Europe , mais il est très déséquilibré en faveur de l' Allemagne .
Cela est dû , sans doute , aux mérites de l' Allemagne , et d' autre part , du côté français , nous sommes les héritiers de toute une situation qui a vu certains secteurs industriels se dégrader ou bien certains secteurs industriels de pointe nécessaires à la conquête de l' avenir , être en retard ou ne pas exister-donc nous partons de loin-mais il ne s' agit pas de jeter le manche après la cognée , de se désespérer .
Il n' empêche que nous avons des devoirs mutuels : nous , la France , qui disposons d' une monnaie qui est à sa parité , et elle ne peut pas être livrée , tout simplement , aux concurrences sauvages , et si les exportations allemandes prennent un avantage-donc supposent un poids trop lourd pour l' équilibre extérieur français-c'est notre monnaie qui risque d' être mise en cause .
Et si notre monnaie est mise en cause , c' est à l' intérieur du système européen où se trouvent essentiellement , particulièrement , l' Allemagne et la France , que se produiront les répercussions .
C' est donc l' intérêt commun de développer une politique économique plus harmonieuse , en associant nos grandes firmes , en discutant avec le plus grand sérieux de nos échanges , de la façon de les orienter en utilisant davantage les emprunts communautaires possibles , enfin toute une série de procédés .
C' est ainsi que nous protégerons et que nous renforcerons un système monétaire , qui a rendu les plus grands services et qui doit continuer de les rendre , que la France entend préserver .
Il faut bien comprendre que cela entraîne aussi des devoirs du côté de l' Allemagne .
Je pense en particulier à certains aspects de la politique agricole commune , où on ne peut pas opposer à la France , qui est un grand producteur agricole , le fait qu' il y aurait là une sorte de privilège pour elle alors que ce n' est qu' une part , et petite part , du revenu national de nos 2 pays , mais aussi une petite part des avantages mutuels que nous recueillons de la Communauté , là aussi , il faut que l' Allemagne comprenne la position de la France .
Héréditaires , jamais ! L' éducation que j' ai reçue dans ma famille , dans mon milieu , ne me porte pas à ce genre d' excès , mais l' héritage des 2 guerres précédentes-dont la dernière à l' époque de ma jeunesse-s'était identifié au plus grand drame que nous ayons connu , le massacre d' une génération , qui pèse encore sur nous Français .
Tout cela a créé une situation de méfiance et quand même d' hostilité à l' égard de l' Allemagne .
Si j' ai vécu la guerre ? c' est la question que vous me posez : j' ai été prisonnier de guerre en Allemagne , j' ai pu approcher les Allemands -je pourrais dire par le mauvais côté , mais pas seulement-j'ai vu quelles étaient les réactions , les réflexes de beaucoup d' Allemands , en particulier d' ouvriers allemands qui se trouvaient souvent d'ailleurs des gens mutilés ou déjà victimes de la guerre , qui se trouvaient à l' arrière du front et qui étaient avec nous .
J' ai étudié la culture et la civilisation allemandes , et j' ai compris comme une sorte d' évidence éclairante que l' avenir était bouché si l' on ne surmontait pas cet antagonisme .
Et entre 1945 , fin de la guerre , et 1947 , premier Congrès européen-1947 : 2 ans après une telle épreuve supportée par chacun d' entre nous , dans ses affections les plus chères et dans son amour de la patrie , 2 ans après-j'étais au premier Congrès de l' Histoire , parce que je voulais participer à la réconciliation franco-allemande .
Naturellement il a fallu passer par beaucoup de stades , par-dessus beaucoup d' obstacles même personnels , mais le temps a fait son oeuvre et je pense que j' ai eu raison .
Ah donc , je vais essayer de traduire en allemand ce qui vient d' être dit par le chancelier Kohl , il faudra pour ça que je fasse appel à des souvenirs très lointains-de l' époque justement où j' ai fréquenté , dans de curieuses circonstances , l' Allemagne pour la première fois-et alors je crois que ça se réglera , avec quelque impropriété peut-être , par " freundschaft fur immer zwischen Frankreich und Deutschland " .