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Qui utilise le plus le mot «putsch» ?
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Les thèmes autour du mot «putsch»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
F. Mitterrand - 21 août 1991
Interview à 4 journalistes de télévision
Il semble selon les nouvelles que nous avons reçues à Paris comme dans toutes les capitales qu' à l' heure actuelle le putsch de Moscou ait échoué et que déjà les autorités régulières sont en mesure de reprendre leurs fonctions . Le fait que le putsch ait échoué ne m' a pas étonné car je n' ai jamais cessé de penser que cela finirait de la sorte .
J' ai dit pourquoi lundi . C' était tellement à contre courant de tout . Cependant , naturellement , ce putsch était dangereux , d'abord pour les personnes sur place , il y a eu des morts et des blessés . Il a fallu un grand courage aux responsables politiques et notamment à monsieur Boris Eltsine sur place pour affronter tous les périls à visage découvert , ce qu' il a pu encore m' expliquer ce matin au téléphone puisqu'au moment où nous parlions rien n' était réglé , et qu' il a dû me dire : nous sommes décidés à rester là à l' intérieur du Parlement à siéger autant qu' il le faudra et quels que soient les risques .
C' était un putsch dangereux aussi , cela va de soi , pour l' évolution immédiate de la Perestroïka vers une plus grande démocratie .
C' était un putsch irréaliste , superficiel , et cela , je l' ai pensé aussitôt . J' ai communiqué ma pensée aux 10 ou onze chefs d' Etat auxquels j' ai téléphoné dès lundi matin , en commençant par monsieur Lubbers , Premier Ministre de Hollande et Président du Conseil européen , auquel je demandais de réunir dans les plus brefs délais le Conseil européen , c'est-à-dire , les Chefs d' Etat et de Gouvernement des Douze pays de la Communauté , et c' est ce qu' il a fait . Bien entendu , cette réunion perd beaucoup de son sens pour vendredi prochain . C' était irréaliste , parce que le putsch n' avait pas de support idéologique , pas de pensée directrice . Il n' y avait pas de support politique , le parti n' a pas bougé , il n' avait pas de support populaire , vous l' avez tous vu sur les images , et finalement il n' avait pas de support historique . C' est ce que je me suis efforcé d' exposer lundi dernier , en montrant que c' était tellement anachronique que moi , je ne pensais pas qu' il fut pour la paix du monde et pour les puissances intéressées à la stabilité de la Russie et du monde soviétique un réel danger .
Seulement , il fallait aider , nous nous y sommes efforcés particulièrement en France , il fallait d'abord aider ceux qui résistaient sur place . Je l' ai fait directement , du mieux que j' ai pu , par des messages , par des missions , par des appels téléphoniques : message à monsieur Gorbatchev , appel téléphonique à monsieur Gorbatchev , sans succès car je n' ai pas pu l' atteindre , avec succès pour monsieur Boris Eltsine , et ce dernier me disait à quel point cela était important pour eux et m' a demandé l' autorisation d' en faire état dans le discours qu' il allait prononcer devant le Soviet Suprême , devant les parlementaires de Russie , de façon qu' ils se sentent exaltés par le soutien des puissances démocratiques . Puis , d' une façon indirecte , nous avons organisé , on peut le dire , une vaste chaîne internationale dès lundi matin . Dans l' heure qui a suivi l' information qui m' est parvenue du putsch , j' ai téléphoné , je l' ai dit , à monsieur Lubbers , mais aussi à Messieurs Bush , Major , Kohl , Andreotti , Gonzalez un peu plus tard Vaclav Havel en Tchécoslovaquie , Walesa en Pologne , Mulroney au Canada , j' en passe . Je pense que ce témoignage de solidarité d' une large partie du monde , en tout cas de tout le mon de démocratique a joué un rôle quand même utile , sinon déterminant , car le mérite revient aux soviétiques et aux Russes qui , sur place , ont su dire non et prendre des risques pour leur vie . C' est simplement ce que je voulais vous dire ce soir c' est que cela nous crée des devoirs . Ceux qui critiquaient hier notre position en faveur de monsieur Gorbatchev , qui trouvaient que c' était de l' argent perdu , imprudemment investi , qui se moquaient , qui nous taxaient de naïveté et qui d'ailleurs ont montré depuis trois jours un zèle extraordinaire qui surpassait le nôtre paraît -il en faveur de ceux qu' ils n' ont pas aidés , qu' ils ne voulaient pas aider . Donc , il faut que l' on comprenne bien que nous avons des devoirs , et l' on ne répond pas à ces devoirs par des mesures de pure apparence . On m' a demandé la réunion du Parlement , moi je suis tout à fait pour les réunions du Parlement mais quelle figure aurions -nous ce soir ? Et ces appels , cette sorte d' excitation , d' affolement , de spéculations sur les nerfs de la population qui avait le droit d' être inquiète . Tout cela fait que je ne vois pas comment nous pourrions laisser un certain nombre de responsables qui n' ont pas de sang froid gouverner un jour la France . En tout cas , je ne le souhaite pas à mon pays .
Cet échec du putsch , il montre autre chose , il montre qu' il y a une grande puissance des forces de modernisation et de démocratisation à la suite de monsieur Gorbatchev . La perestroïka est lancée et finalement cela marche même avec des accidents de parcours et c' est cette puissance populaire qui est passionnante et qu' il faut continuer d' encourager . Il faudra l' aider : les grandes puissances qui le peuvent et l' opinion que j' appelle précisément à se rassembler pour contribuer à la réussite aujourd'hui quasiment certaine des progrès de la démocratie en Union soviétique .
Voilà ce que je voulais vous dire . Je rassure tout de suite ceux qui m' entendent . Pas plus lundi soir que ce soir , je n' ai jamais pensé que la France était en danger . Veillons à ne pas tomber dans le dérisoire , à commencer de mêler les problèmes du budget militaire , des économies . La France n' était pas en danger . La paix non plus , du moins dans l' immédiat . La rapidité avec la quelle les forces populaires et quelques dirigeants politiques ont su surmonter le drame à Moscou , montre que nous sommes sur la bonne voie , simplement il faut continuer .
Vous avez tout à fait raison sur ce dernier point . Vous n' avez pas tout à fait raison sur l' analyse de mon état d' esprit lundi , car j' ai bien dit que pour moi , ce coup , ce putsch n' avait aucune chance de réussir . Mais à quel prix ? Cela , je ne le savais pas et c' était effectivement extrêmement dangereux et inquiétant . Je craignais pour la vie de monsieur Gorbatchev , je craignais pour la vie de ceux qui tenaient le Parlement russe en face des forces militaires des gens du putsch . Il y aurait pu y avoir des centaines ou des milliers de morts . Il y avait donc de quoi s' en inquiéter lundi . Nous savons aujourd'hui que l' analyse optimiste , celle qui pouvait spéculer sur la faiblesse profonde , réelle , intellectuelle , politique des auteurs du putsch , s' est avérée juste , tant mieux . En revanche , que nous poussions davantage encore les éléments qui veulent plus de démocratie , bien en tendu , il faut tenir compte du réel , c' est sûr . J' avais exprimé cela , monsieur Mano , d' une autre façon , il y a déjà longtemps , au début de la Perestroïka , avant les changements intervenus dans l' ensemble des pays d' Europe Centrale et Orientale . J' avais dit : la révolution qui commence à Moscou reviendra à Moscou après avoir fait le tour de l' Europe .
monsieur Eltsine a révélé ses qualités profondes qui sont celles , d' un homme de grand courage , de grande fermeté , de grande énergie . Ce n' est pas à moi de choisir les prochains dirigeants de l' Union soviétique d'ailleurs , pour l' instant , ce sont les dirigeants légaux qui reviennent en place . Il est possible qu' il y ait des changements , mais c' est le peuple et les assemblées qualifiées qui en décideront . Nous aiderons monsieur Gorbatchev et monsieur Eltsine .
J' ai constamment demandé une aide réelle et plus forte pour que la Perestroïka , c'est-à-dire l' annonce de la liberté et de la démocratie , le prélude à une vraie démocratie en Union soviétique , puisse être assumée , puisse réussir . Pour ça naturellement , il fallait faire un effort plus grand que celui qui a été fait et c' est ma plaidoirie , dont mes partenaires des pays industrialisés ont retenu un certain nombre d' éléments , mais à mon avis pas assez .
Je n' arriverai pas à le croire , connaissant monsieur Gorbatchev avec lequel j' ai des liens d' amitié très réels , anciens et profonds . C' est tout le contraire de son caractère . Donc , je ne peux pas le croire . Ce que je peux croire en revanche , c' est que tout était mal fait dans ce putsch , mais qu' il disposait d' une force brute au point de départ , pouvait -on croire : le KGB , la police , et quelle police ! L' armée avec des chars , des militaires qui obéissent , ils n' ont pas tous obéi , nous l' avons vu . Cela pouvait être un épisode dramatiquement sanglant . On a connu ces journées dans l' histoire . Voilà , ce que je pouvais redouter et pour le reste , non j' ai toujours eu confiance .
Je ne vois pas comment il serait possible sur un plan disons d' illégalités mais de recommencer une aventure de ce genre . Il doit y avoir , bien entendu des compétitions politiques âpres . Il reste un problème qui n' est pas réglé , c' est que ce putsch a eu lieu à la veille , ce n' est sans doute pas sans rapport , de la signature du traité de l' Union , c'est-à-dire de la façon dont vont être constitutionnellement réglés les rapports entre les Républiques qui demandent leur indépendance et l' Union soviétique au-dessus d' elles . Quels pouvoirs seront concédés aux uns et aux autres ? Quelle répartition ? Ce problème reste posé . Donc , je pense que c' est là comme d'ailleurs , autour de ce problème pour la réussite économique d' un peuple qui souffre beaucoup que se dessineront les lignes de l' avenir .
On pourrait le dire et je crois que c' est une vue à la fois juste et généreuse . Ce peuple s' est incarné dans quelques figures . C' était quand même très émouvant et beau de voir Boris Eltsine sur le char serrant la main du soldat . Après tout était -il certain de ses réflexes , à ce soldat ? Haranguant sans micro , sans moyen de diffusion , les gens qui étaient là , revenant s' enfermer au sein du Parlement et rejoint par des personnalités diverses qui savaient ce qu' elles risquaient , tout simplement leur vie . Je pense à monsieur Chevardnadze . Je pense qu' il y a beaucoup de parlementaires .
J' en étais étonné , je l' ai dit tout à l' heure , allaient -ils venir ? Mais oui , ils étaient là . Il y a donc eu là une expression de représentants du peuple qui ont su comprendre l' âme de leur peuple et c' est donc bien finalement le peuple qui est vainqueur .