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Qui utilise le plus le mot «musée» ?
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Les thèmes autour du mot «musée»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
F. Mitterrand - 18 novembre 1993
Interview à télérama sur le grand louvre
Mon idée du " Grand Louvre " est antérieure à l' élection de 1981 . Elle s' était nourrie à plusieurs sources . Je songe à ce qu' écrivait Georges Salles , ancien directeur des Musées de France en 1950 : " Au Dix-neuvième siècle un musée n' était qu' une scène qui ne comportait pas de coulisses . Depuis lors , on s' est aperçu que celles -ci devaient occuper une place au moins égale sinon supérieure à celles affectées au spectacle . Or cet aménagement ne pourra être réalisé dans les conditions qu' exigent la bonne ordonnance d' un musée moderne que le jour où nous aurons annexé à notre musée un bâtiment voisin , ou plutôt , bien que ce souhait soit dans la conjoncture actuelle sans doute chimérique , cette aile du Palais du Louvre occupée par le Ministère des Finances " . Mais c' est à mon ami Louis-Gabriel Clayeux , que je connais depuis mes années d' étudiant et qui a consacré sa vie à toutes les formes d' art que je dois d' avoir décidé , dès mai 1981 , de réaliser ce projet .
J' ai voulu rendre le Louvre , tout le Louvre , à sa destination muséographique . Il ne s' agissait pas seulement d' améliorer les conditions d' accueil du public , encore que cela fut nécessaire . Il ne s' agissait pas seulement de déployer les collections , encore que leur enrichissement exigeât de nouveaux espaces de présentation . Il s' agissait de parachever la volonté , deux fois séculaire , des fondateurs .
Transformer le Louvre exigeait d' exceptionnelles précautions . C' est le cœur de la cité , le cœur de notre histoire . J' ai souhaité une architecture de pureté et de rigueur qui sut allier l' audace et le respect .
Il fallait aussi à travers mille contraintes , une architecture fonctionnelle , répondant aux exigences des publics d' aujourd'hui . Imonsieur Peï alliait à ces qualités une expérience acquise notamment lors de la construction de la nouvelle aile de la National Gallery à Washington que j' avais visitée et beaucoup admirée . C' est Emile Biasini qui m' a suggéré le nom de Imonsieur Peï . Il avait consulté , dans plusieurs pays , des conservateurs de musées . De tous les noms d' architectes évoqués dans ces consultations , celui de Peï avait été le plus souvent cité .
J' ai demandé de le rencontrer . La première entrevue a eu lieu en 1982 . Peï formula deux souhaits : effectuer une première étude avant toute décision de sa part , ne pas participer à un concours car il avait renoncé , depuis longtemps , à toute compétition . Je l' ai reçu au début de 1983 avec Jack Lang . Par la suite , nous avons eu de nombreuses conversations . J' ai été frappé d' emblée par la clarté , la simplicité et la précision de ses propositions . En juillet 1983 , je lui ai confié le projet en association avec l' architecte en chef du Louvre , monsieur Duval .
Je n' ai pas eu de doute . Car les idées de Peï me semblaient s' imposer . Et tout d'abord l' idée de joindre les trois pavillons . Il fallait creuser sous la Cour Napoléon pour créer l' infrastructure d' accueil et de communication nécessaire , les fondations de l' édifice principal étant trop fragiles . La cour était lépreuse , peuplée d' arbres étriqués et servait de parking sauvage . L' endroit le plus logique pour l' entrée était au centre de la cour . C' était si évident que j' étais surpris qu' on n' y eût pas pensé plus tôt .
Jusque -là les gens arrivaient dans la Cour Napoléon en se demandant où se trouvait l' accès du Louvre . Il fallait une entrée qui fût visible . Nous étions préoccupés par le bon fonctionnement du musée . C' était l' objectif principal de l' architecte et c' était le mien . Il n' y avait pas d' autres réponses à ces exigences fonctionnelles que celles qu' il me proposa . Quant à la pyramide , Peï l' a conçue lorsque nous avons été convaincus que , pour éviter d' avoir en sous-sol une sorte d' immense gare de métro , on devait faire entrer la lumière du jour .
Les résistances furent à la mesure de l' ambition . Je les prévoyais , elles ne m' ont pas irrité . Il était naturel que les hauts fonctionnaires des Finances n' abandonnent pas de gaîté de cœur le plus prestigieux bâtiment de France , et le mieux situé . Mais un autre grand corps de l' Etat soutenait le projet celui des conservateurs de musée qui ne firent pas preuve , en la circonstance , de " conservatisme " .
En fait , j' ai souhaité que l' ouverture de la Pyramide se fit sans inauguration officielle et que , dans l' esprit que j' évoquais tout à l' heure , le grand public y pénétrât en même temps que moi . Ce fut en mars 1989 . Je garde de cet instant un souvenir intense . Une véritable foule m' accompagna dans cette première visite .
Celle que je fis , en juillet , avec les Chefs d' Etat réunis à l' occasion du bicentenaire , par nature plus formelle , eut aussi une grande force symbolique .
Tous les grands travaux , à Paris ou en province , répondent à des nécessités de fait : mauvais état ou exiguïté des bâtiments , médiocres présentations de collections , insuffisant accueil du public . Songez , par exemple , à la grande galerie du muséum fermée depuis tant d' années et qui renferme tant de trésors . Ou bien on devait répondre à des besoins nouveaux , déjà repérés par mon prédécesseur , monsieur Giscard d' Estaing ,-Orsay , la Villette , la Défense , l' Institut du Monde Arabe-ou que j' ai moi-même arrêtés-Opéra-Bastille , Louvre , Bibliothèque de France , Museum d' Histoire naturelle , nouveau ministère des Finances , sans oublier une trentaine de grands projets répartis sur le territoire : rénovation du musée Saint-Pierre à Lyon , médiathèque de Chambéry , site archéologique du Mont Beuvray , aménagement du Marais poitevin , Centre culturel canaque à Nouméa , et cetera-
Deux projets me tenaient particulièrement à cœur . Celui du Louvre , on vient de le dire . Celui de la Bibliothèque de France , parce que c' est le livre et que , pour moi , tout commence par la lecture .
Ces deux projets ont suscité d' âpres débats . Face à des transformations d' une telle ampleur , il était naturel que des avis contraires s' expriment . Je les ai tous entendus . Certains permirent de préciser ou d' infléchir des choix complexes et lourds de conséquences . Aujourd'hui les querelles sont apaisées . Au Louvre comme à la Bibliothèque , les travaux se poursuivent dans le respect des objectifs , des budgets et des échéances fixés par l' Etat .
Au cours de mon premier voyage à Paris , venu de ma Charente natale , lors de l' Exposition coloniale , en 1931 . J' avais 15 ans . J' étais avec des amis de mes parents .
Des œuvres , archi-connues , fixées à cette époque dans mon esprit par une culture un peu livresque et un enseignement très classique .
De temps à autre . Je trouvais l' endroit poussiéreux , fatigant , mal organisé , incommode et merveilleux .
Oui , pour le milieu dans lequel je vivais . J' y ajoutais mon goût personnel . Mais mon intérêt se dispersait aussi bien du côté du Vel'd'Hiv que des balades dans le Marais .
J' écris plus volontiers sur ce que je crois connaître assez bien . J' aime la peinture et la sculpture en amateur qui ne prétend à rien d' autre que son plaisir . L' architecture me passionne . Quels sculpteurs ? Quels peintres ? J' aime les portraits : Fouquet , Clouet , Champaigne , Dürer , Le Titien , David , les natures mortes : Chardin , Zurbaran , les paysages de campagne Ruysdaël , Corot , Le Lorrain , les paysages de ville : Canaletto , Carpaccio . Quelles sculptures ? Les archers de Danus , le tombeau de Philippe Pot , les bustes de Houdon , les esclaves de Michel-Ange . Mais je vous réponds de façon arbitraire parce que vous me le demandez . Je pourrais vous dire tout autre chose . Comment choisir ?
Qu' il a bien de la chance . Qu' il pourra s' asseoir , se rafraîchir , prendre son temps , choisir sans être coincé dans un engrenage infernal ! Bref , il pourra regarder .
Un Guardi . Par exemple , l' église et la place de San Zani e Polo à Venise , le Charles VII de Fouquet . Les hasards de la vie me les ont fait rencontrer comme on reçoit un choc . Je n' essaierais pas spécialement de faire partager mes émotions . Il découvrirait lui-même les siennes .