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Qui utilise le plus le mot «magistrature» ?
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Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
F. Mitterrand - 20 octobre 1994
Entretien à sud radio
Oui . Il faut dire que lorsque j' ai été élu à la Présidence de la République , les relations entre les deux pays étaient vraiment très difficiles . Il y avait des raisons objectives à cela , Je n' en attribue la responsabilité à personne et je ne prétendrai pas que mon action a suffi à régler tout cela , les circonstances s' y sont prêtées . Vous savez que les deux conflits principaux , les deux contentieux , portaient et sur le terrorisme , dont beaucoup d' espagnols affirmaient que les bases arrières étaient en France , pas spécialement au Pays basque , en France en général et même à Paris , et sur le problème de l' adhésion de l' Espagne à la Communauté européenne , que cette adhésion a été d'abord acceptée par monsieur Giscard d' Estaing et , pour des raisons qu' il serait trop long d' exposer , refusée dans les années qui ont précédé mon arrivée . Les Espagnols le prenaient très mal , et je me souviens que mon premier voyage officiel en Espagne , m' avait valu des titres de la presse espagnole que je résumerai un peu comme cela en disant : " le Président français , dehors ! " .
Aujourd'hui , nous avons de très bonnes relations parce que ces deux problèmes ont été réglés . Mais aussi parce que des habitudes ont été créées , et que j' entretiens des relations amicales avec Felipe Gonzalez depuis longtemps . Peut-être ignorez -vous que lorsqu' il a constitué son parti , le PSOE , la plupart de ses militants étaient dans l' opposition clandestine . C' est à Suresnes qu' il a tenu ce congrès , c' est moi qui l' ai préparé , donc nous avons une vieille amitié derrière nous . Je crois que l' on peut dire vraiment que les relations sont au beau fixe . Là , je vous parle du " Premier ministre " , du Président du Conseil des Ministres , en est -il de même de toutes les couches de la société espagnole ? Je ne l' affirme pas . On peut quand même penser qu' à l' heure actuelle , la France et l' Espagne vivent une période comme ces deux pays en ont rarement vécue .
Vous savez , tout cela dépend du type de pêche . On a assisté au cours de ces derniers mois à quelques chocs violents , exagérément violents d'ailleurs de la part des marins espagnols , mais cette querelle repose aussi sur ces quelques données de fond . D'abord , les Espagnols sont les plus grands consommateurs de poisson de l' ensemble de la Communauté européenne . Ils ont donc beaucoup de besoins , ils ont également la plus importante flotte , et de loin , ils ont donc une position prépondérante .
Ils sont à la fois remarquablement équipés sur certains points et d' autre part en retard . Par exemple , pour la pêche au thon , ils continuent d' employer la palangre qui en réalité ne peut pas devenir la règle pour tous , et les Français , eux , utilisent ce que l' on appelle les filets maillants-dérivants : là on retombe dans un vocabulaire souvent peu compréhensible , mais enfin on comprend bien ce que cela veut dire . Je veux dire que chaque bateau traîne derrière lui des filets quelquefois d' une très grande longueur . Vous savez peut-être vous la longueur maximum ? C' est plusieurs kilomètres . Les mailles sont faites de telle sorte , lorsque les accords ne sont pas respectés , qu' ils ramassent tout et qu' ils présentent de toute façon aussi l' inconvénient de ramasser des dauphins , de déserter les fonds halieutiques . C' est assez dangereux , mais la France pratique le maillant-dérivant et au fond la seule règle , qui je l' espère sera suivie par l' ensemble de nos pêcheurs , ce sera de respecter les normes et donc d' avoir des maillants-dérivants qui ne soient pas trop longs , qui correspondent à la nécessité .
En fait , l' Espagne domine dans cette concurrence , elle en abuse parfois . Les pêcheurs français en souffrent beaucoup et je crois que toute une partie de leurs arguments est forte . Donc , il y a des problèmes de modernisation des deux côtés . Je crois qu' une bonne entente politique permettrait de faire avancer le problème .
Il y a aussi la pêche à l' anchois , cela c' est autre chose . Mais c' est vrai que dans la plupart des ports bretons , -je suis allé voir moi-même un certain nombre d' entre eux , j' étais au Croisic il n' y a pas si longtemps , -les anchois que l' on pêche le long de la côte française sont généralement destinés à l' Espagne . Dès que les cours varient , surviennent les difficultés .
En tous cas , on en parlera . Pour l' instant , nous sommes sous la présidence allemande . Il va donc y avoir une bonne suite de présidences entre trois pays qui partagent à peu près la même conception du développement de l' Union européenne . Dans l' ordre chronologique : Allemagne , France , Espagne . Nous commençons , nous Français , bien entendu , à nous préoccuper du dossier puisque j' aurai à assumer moi-même la présidence de l' Union européenne dès le 1er janvier prochain . Alors c' est ce dossier -là , pour l' instant , qui nous accapare . Mais vous avez raison de le dire , il faut prévoir , ce serait encore mieux de pouvoir prévoir sur un an et trois mois le développement de l' Europe avec des directions communes . C' est peut-être une chance exceptionnelle pour l' Europe que d' avoir cette continuité qu' elle n' a pas toujours eue .
Je crois que nous allons pouvoir parler des problèmes qui nous sont propres , les problèmes de Méditerranée , qui sont un peu en panne . La première idée était venue du gouvernement italien . Le projet était resté finalement en jachère et c' est moi-même , avec le gouvernement français , qui avons repris il y a quelques années un projet qui consistait ,-c'est assez difficile- , à demander à un certain nombre de pays méditerranéens du nord et du sud de prendre part à une sorte de conférence permanente pour arriver à établir des règles de vie commune , de paix , et cetera . C' est déjà difficile avec la Méditerranée occidentale , différente entre l' Algérie et le Maroc , et cetera . Dès que l' on arrive en Méditerranée orientale , avec le problème de la Yougoslavie comme avec les problèmes grecs et turcs ou avec les problèmes israélo-arabes , à l' époque -vous vous rappelez la guerre du Liban- , tout cela chaque fois montrait qu' autour de cette mer Méditerranée , il y avait des peuples assez difficiles à associer , en dépit de leurs affinités . Il y a le problème particulier de la Libye , aussi . Donc on avait décidé de s' en tenir à la Méditerranée occidentale . Les Espagnols ont relancé cette idée . Actuellement , je pense que c' est un peu trop statique et j' ai bien l' intention d' en reparler à Foix , de façon à ce que l' on débouche sur quelque chose de concret , en tenant compte de la réalité , mais les réalités se forcent quelquefois .
Oui , mais je crois qu' il faut d'abord étudier de plus près le document issu de la démocratie chrétienne allemande dont le propos était légèrement forcé , car ce noyau dur ne signifie pas automatiquement l' exclusion ou la mise de côté des pays qui ne seraient pas tout à fait prêts à assumer les responsabilités européennes parmi les Douze . L' Union européenne va passer de douze à treize , l' Autriche , la Finlande , quatorze peut-être , vraisemblablement , tout cela va exiger une démarche . Il y a des différences de niveau économique importantes , il y a des différences de démarches politiques . Pendant ce temps , l' Union européenne , au total , ne marche pas mal : quand on mesurera ses progrès , disons à la dimension de l' histoire , on s' étonnera qu' en si peu d' années cela ait autant avancé ! Malgré tout , il y a ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard . L' idée de se référer à je ne sais quel critère géométrique , moi j' y suis étranger . Il y a là des expressions qui risquent d' avoir un contenu dangereux . Donc , je ne parlerai pas non plus de " noyau dur " .
Je crois qu' il faut inciter les Douze actuels et ceux qui adhéreront . Les Douze actuels sont liés par un traité , il faut qu' ils restent associés . On peut tenir compte d' un certain nombre de variables , c' est déjà le cas : vous savez qu' au moment de l' adhésion , de nombreux pays , de l' Angleterre , de l' Espagne et cetera- , chaque fois les traités supposent des délais , des dérogations pour un certain nombre d' années , sur 10 ans , sur quinze ans . Donc l' assimilation n' est pas immédiate , on accepte l' idée que pendant un certain temps il y ait des différences de traitement et même de statut juridique . Mais cela doit être limité dans le temps , ou alors ce n' est pas la peine de parler de l' Union européenne .
Je pense que ce serait dangereux de se réfugier dans l' idée d' un noyau dur qui en effet régulariserait , instrumentaliserait , institutionnaliserait ces différences . En revanche , je me sens beaucoup plus près de la thèse allemande que de la pratique britannique qui au fond souhaiterait ce que l' on appelle " l' Europe à la carte " : chacun aurait son Europe , appartiendrait à une Europe et il y aurait quand même un petit front commun mais réduit à peu de choses . Il faut que le front commun soit très vaste ou bien cela ne tiendra pas , cela ne résistera pas aux foucades de l' histoire . Donc , la thèse de la CDU a peut-être été présentée d' une façon excessive , caricaturale , mais si elle devait se comprendre comme un noyau dur , -la France , le Benelux , l' Allemagne bien entendu , l' Espagne et un ou deux autres pays qui sont prêts à y adhérer -je ne pense pas que cela soit une bonne démarche car au fond la bonne démarche consiste à dire : nous sommes Douze , on a traité ensemble , restons Douze . Si parmi ces Douze il y en a qui ne veulent vraiment pas , on n' y peut rien . Mais parmi ceux qui viendront , ceux qui demandent leur adhésion , il faut présupposer qu' ils sont , a priori , d'accord avec le type de-comment dirais -je ? -d'entité à laquelle ils viennent . Si on n' émettait pas cette thèse , chaque fois que l' on discute avec un pays nouveau , il faudrait tout refonder . On n' y arriverait plus . Donc , je demande à nos collègues européens une certaine fixité dans les obligations communes . L' Autriche vient . Au point de départ , elle disait : " oui " , mais " . Bon ! La Suède , la Finlande , la Norvège , demain d' autres pays de l' Europe centrale et orientale : si chacun porte son exigence jusqu' à remodeler le traité initial , ce sera l' échec . Donc , je suis de ceux qui pensent , non pas qu' il faut un noyau dur , mais qu' il faut un cadre dur .
II y a quelques années ce débat a déjà eu lieu et il n' y avait que deux pays qui les respectaient , c' était le Luxembourg et la France . Mais aujourd'hui , la France n' en fait plus partie . C'est-à-dire qu' il y a une certaine volonté de maintenir le cap des convergences économiques qui s' est tout de même affaiblie , aussi et peut-être les nécessités de la crise industrielle du monde occidental qui ont affaibli les économies de plusieurs de nos pays . Mais il ne faut pas s' y tromper : même des pays puissants économiquement comme l' Allemagne ne remplissent pas les critères , parce qu' ils ont la charge de l' Allemagne de l' Est , ils ont aussi beaucoup de difficultés . Est -ce qu' on a été trop exigeant quand on a fixé ces critères ? Je ne le pense pas , parce qu' il faut être exigeant . Mais il faut maintenant que les pays qui veulent faire l' Europe se décident à se discipliner . Et c' est vrai que les déficits publics en France sont devenus trop lourds . Ils ont fait , malheureusement , une avancée que je trouve un peu inquiétante au cours de ces derniers mois ou années . Mais il faut rattraper la vérité européenne . Cela nécessitera un effort . Il faut bien l' expliquer aux Français . Je suis sûr qu' ils y consentiront .
La France n' est tout de même pas le plus mauvais exemple . Il y a trop d' abus , il y a trop de corruption mais cela reste encore assez loin de ce qu' on peut constater dans pas mal de pays étrangers , notamment de pays voisins . Donc , il ne faut pas non plus noircir la situation française . Non pas que vous n' ayez pas raison de poser la question , parce qu' elle se pose et que votre métier consiste à étudier la réalité et à ne pas évacuer . Elle se pose .
Moi , à la fois en tant que gardien de l' indépendance de la magistrature , du bon fonctionnement de la justice , mais aussi en tant que citoyen ,-cela a toujours été ma position à travers ma vie politique- , je pense qu' il faut tout faire pour garantir l' indépendance de la magistrature . Mais , en réalité , l' indépendance de la magistrature n' est pas menacée . J' ai répondu dans une interview récente à une question que me posait Ouest-France , en disant : moi je ne suis jamais intervenu ! Je n' ai jamais pesé sur une décision de justice ! Cela avait l' air de surprendre un certain nombre de personnes : qu' on me cite un seul exemple ! Jamais ! Parce que je considère que c' est une règle fondamentale .
Mais en regard de cette affirmation , il faut que la machine judiciaire respecte la loi qui comporte un certain nombre de garanties qui s' appellent tout simplement la liberté , la liberté des citoyens , les garanties de ces libertés . On rappelle souvent , et on a raison de le faire , le principe de la présomption d' innocence : quelqu'un qui n' est pas condamné ne doit pas être considéré comme coupable . Toutes ces notions se mélangent . L' influence de la presse est très importante parce que c' est vrai que dès qu' on en parle ,-et c' est difficile de ne pas en parler , je ne demande pas à la presse de se taire- , dès qu' on en parle , l' opinion , les opinions se fixent et ceux qui sont mis en cause de cette manière ont plus de peine que si les choses se passaient dans le secret de l' instruction . C' est difficile d' aller contre cela mais au moins qu' on prenne des précautions , qu' on soit très scrupuleux , qu' en fait , la loi soit respectée . Il y a un code pénal , il y a un code de procédure pénale . Tout cela est très au point : il faut que ces lois soient respectées pour que les libertés des citoyens soient saines et sauves .
II existe un Conseil supérieur de la magistrature aujourd'hui , comme il en existait déjà depuis des années . J' ai déjà eu l' occasion de préciser qu' il ne m' était jamais arrivé , en treize ans et demi maintenant , de modifier une proposition de nomination d' un magistrat où que ce soit en France . Cela ne m' est jamais arrivé ! J' ai toujours suivi les recommandations du Conseil supérieur de la magistrature . Robert Badinter m' avait préconisé une mesure très importante qui a été adoptée à l' époque , qui , je crois , est un peu différente aujourd'hui , et qui consistait à rendre publics tous les postes libres . Tous les magistrats en mesure de prétendre à ce poste étaient tous en mesure d' y déclarer leur candidature . De ce fait , vraiment , un courant d' air d' heureuse fraîcheur est passé dans les rangs de la magistrature qui s' est sentie à l' abri des coups fourrés .
Donc , il y a eu des affaires , beaucoup trop d' affaires , mais elles ne sont pas dues à l' intervention du pouvoir central . D'ailleurs , au temps où il y avait une majorité socialiste , il y a eu déjà des affaires et ces affaires ont couru , sont arrivées quelquefois à leur terme . Aujourd'hui , je vois qu' il en va de même . Je veux dire , en réalité , que notre République supporte durement les coups de la corruption . Sur le plan de la marche de ses institutions , notre République fonctionne .
Oh , amusé , non ! Intéressé . Amusé , non , ce n' est pas spécialement amusant . Vous voulez parler des querelles entre eux ? C' est lié à la nature des hommes et à la marche d' une société . Il y a toujours eu une compétition , la démocratie est faite pour cela . La compétition suppose , avant son règlement final , des affrontements , des insinuations , des luttes de toutes sortes . Et bien entendu , les luttes entre voisins ou amis politiques paraissent toujours beaucoup plus sévères que les luttes entre adversaires politiques . Mais moi , je ne m' en amuse pas . Spectateur ? Je suis un petit peu plus que spectateur ,-mais , en effet , pas tellement plus non plus- , puisque , je crois qu' il s' agit de ma succession ? Non ?