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Qui utilise le plus le mot «par-delà» ?
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Les thèmes autour du mot «par-delà»
Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
G. Pompidou - 25 mai 1971
Allocution à l'ambassade de france à bruxelles
Je voudrais tout d'abord dire deux ou trois mots pour nos amis belges qui sont ici , soit parce qu' ils ont un intérêt particulier pour la France et qu' ils le manifestent : le Président de l' Alliance Française par exemple , soit parce qu' ils ont épousé un Français ou une Française . Je voudrais leur dire combien nous sommes touchés et émus de l' accueil que nous a fait la Belgique . le regrette simplement de ne pouvoir aller à Namur , à Charleroi .
je garderai de ce trop court séjour en Belgique la conviction que l' amitié franco-belge , dont on parle beaucoup , n' est pas simplement un lieu commun de nos discours officiels . Elle repose sur quelque chose de profond , né de l' histoire et de la géographie , et à travers les vicissitudes qui peuvent se produire , à travers les perspectives européennes qui peuvent s' ouvrir , l' amitié franco-belge reste quelque chose de profond , de réel et qu' on ne doit jamais oublier , ni vis-à-vis de nous-mêmes ni vis-à-vis des autres .
Et puis je voudrais parler aux Français , puisque cette réunion à l' ambassade de France a pour objet , non pas de réunir , à l' occasion de la visite du Chef de l' Etat , la totalité de la colonie française de Belgique , on en serait bien incapable , mais au moins une minorité symbolique , qui représente toutes les catégories de Français en Belgique . Il n' est pas de pays sans doute où la colonie française soit aussi représentative , même si , ailleurs , elle est quelquefois aussi dense . Cela tient à ce que les relations que nous avons avec la Belgique sont d'abord des relations d' Etat à Etat , et il y a donc les membres de l' ambassade et tous ceux qui se dévouent pour maintenir et développer ces relations entre nos deux pays . Mais il y a aussi la Communauté économique européenne , ce qui veut dire des Français qui sont auprès de notre représentant permanent , et qui travaillent pour défendre les positions de la France , le point de vue de la France , dans ces négociations permanentes qui sont le lot de la Communauté .
Et puis , il y a ceux qui sont fonctionnaires des Communautés et qui , à ce titre , ont le devoir d' avoir une vue impartiale des choses , ont le devoir d' être fonctionnaires d' une communauté et non pas représentants de la France , mais dont je me permets de penser , et je l' avoue , de souhaiter qu' ils n' oublient pas qu' ils sont français . D'ailleurs il n' y a pas de distinction ni d' opposition réelle entre une vision saine de la Communauté et les intérêts de la France .
La France sait bien que , dans une communauté , il faut accepter certaines règles , certaines sujétions . Mais nous savons aussi que si une communauté se faisait contre les nations qui la composent , elle ne serait pas viable et elle éclaterait . Par conséquent , ces fonctionnaires , dans leur métier , dans leur mission , , qui est désormais internationale , en se rappelant qu' ils sont français , n' en sont que de meilleurs fonctionnaires de la Communauté .
Il y a encore les représentants auprès du Conseil de l' Atlantique-Nord , qui sont dans une position particulièrement délicate , puisque la France présente cette particularité d' être à la fois membre de l' Alliance et d' être sortie de l' Organisation intégrée de l' OTAN , ce qui vaut d'ailleurs à cette OTAN d' avoir son siège à Bruxelles .
Pour eux , les relations avec nos alliés sont extrêmement importantes . le souhaite qu' ils gardent toujours dans d' esprit que nous sommes des alliés fidèles , que nous avons , au fond de nous-mêmes , le sentiment que l' Alliance est une chose nécessaire , nécessaire à tous et , en particulier , à la sécurité de la France . Si l' Alliance n' était pas nécessaire à la sécurité de la France , nous le dirions et nous aurions quitté cette Alliance . Si la France y est restée , c' est parce qu' elle a conscience que , jusqu' à nouvel ordre , cette alliance est indispensable . Nous avons , néanmoins , au sein de cette alliance , une position particulière parce que , pour les raisons que vous connaissez ceux qui font partie de la mission de l' ambassadeur de Rose le savent aussi bien que moi , nous avons une conception spéciale de l' Alliance . En particulier nous considérons que la France , qui est une puissance nucléaire et qui est en même temps particulièrement exposée du point de vue géographique , se doit d' avoir la liberté de ses mouvements et de ses décisions . Il ne faut jamais oublier , dans les conversations que vous avez , de dire que nous sommes des partenaires loyaux , des alliés fidèles , mais que nous gardons l' autonomie de notre décision . Nous la gardons parce que nous savons que personne ne peut assumer la défense nationale d' un pays , à moins que ce pays ne s' abandonne . Or , la France ne veut pas s' abandonner . En prenant cette position , elle se distingue , elle ne se désolidarise pas , elle se distingue pour mieux marquer sa volonté personnelle et résolue de défense .
Et puis , il y a tous les Français qui sont en Belgique pour des raisons économiques , commerciales , et tous ceux qui sont là parce que la Belgique est à nos portes , que la France et la Belgique se sont toujours mélangées étroitement et que , par conséquent , on vit et on travaille en Belgique , soit pour des affaires françaises , soit , même , parce qu' on s' est intégré dans la vie belge tout en restant français .
Tout ce monde est très divers , très varié , ses missions sont d' ordres tout à fait différents . En fin de compte , comme disait , si je me souviens bien , la chanson : " Tout cela fait d' excellents Français " . le souhaite , à vous toutes et à vous tous , de vous rappeler que , partout à l' étranger , il faut marquer sa nationalité , sa dignité personnelle , persuadés qu' on représente son pays , qu' on est regardé comme tel et qu' on juge votre pays à travers vous . Mais , en Belgique peut-être plus qu' ailleurs , cette situation est délicate . Certes , c' est vrai dans les pays lointains , et plus on va loin , plus on sent chez les Français ce besoin de marquer qu' ils sont français , qu' ils restent français et qu' ils représentent leur pays . Mais peut-être pourrait -on dans un pays qui est si près de nous , si proche de nous , où beaucoup de gens parlent naturellement notre langue , peut-être pourrait -on oublier la nécessité de se distinguer et de se marquer comme Français ? Or , je crois que c' est particulièrement indispensable en Belgique , pour des raisons qui tiennent à la Belgique et pour des raisons qui tiennent à l' Europe , les unes et les autres , d'ailleurs , finissent par se rejoindre . le pense , en particulier , au problème de la langue française que je n' ai cessé d' évoquer tous ces jours derniers et je voudrais que tout le monde comprenne bien-et qu' en particulier nos amis belges comprennent bien-que je n' entends absolument pas me mêler et que la France n' entend pas se mêler du problème linguistique en Belgique . Mais , le fait que le problème du français soit posé à l' intérieur de la Belgique , que le problème de l' Europe pose tout naturellement le problème du français , fait que nous devons attacher au maintien de notre culture et au maintien de notre langue une importance exceptionnelle . Finalement , si l' Europe se fait et s' élargit , comme c' est probable , elle se fera à Bruxelles autour des Communautés et le problème de savoir ce que sera le rôle du français dans cette Europe se posera instantanément . Il est évident que toutes les langues , à l' intérieur de la Communauté , ont les mêmes droits . Il est évident que rien n' empêchera le Néerlandais de parler néerlandais , l' Allemand de parler allemand , l' Italien de parler italien , le Belge de parler , tantôt français , tantôt néerlandais . Il n' en est pas moins vrai qu' il se crée des habitudes , qu' il se crée des usages , et que les habitudes et les usages qui se sont créés à l' heure actuelle , c' est que , dans les commissions , dans les réunions de travail , quand on rédige les documents , et cetera , on le fait en français . Or , nous savons bien que l' entrée de la Grande-Bretagne sur ce point met immédiatement cette situation en péril , à cause justement du fait que l' anglais a un grand rayonnement , à cause de ce qu' un certain nombre de pays qui vont entrer ne parlent pas français et parlent , en revanche , couramment l' anglais , et à cause du pouvoir . que représente , en faveur de l' anglais , l' influence américaine .
C' est pourquoi , ici plus qu' ailleurs , la langue française doit être défendue par les Français . le m' adresse en particulier à ceux qui sont fonctionnaires dans les Communautés , à ceux qui nous représentent auprès des Communautés : qu' ils veuillent bien , toujours , parler français , ne pas se laisser tenter par la facilité , sous prétexte qu' ils parlent anglais , que l' autre parle anglais , que cela dispense d' interprète , si , nous autres Français , nous reculons sur notre langue , eh bien , alors , nous serons emportés purement et simplement . Or , vous le savez bien , le rôle de la langue n' est pas un simple moyen d' expression , c' est un moyen de penser , un moyen d' influence intellectuelle , et c' est à travers notre langue que nous existons dans le monde autrement qu' un pays parmi d' autres .
Cet effort que je fais et que nous faisons pour le développement de la francophonie dans le monde , c' est à Bruxelles , capitale de l' Europe , qu' il est le plus nécessaire de le maintenir . Il appartient aux Français de le faire . C' est à eux et à eux seuls . le compte , bien entendu , sur d' autres francophones . Mais nous ne devons pas nous décharger de nos responsabilités sur d' autres .
Mes chers compatriotes , quand on est à l' étranger ( et à Bruxelles on y est à peine , mais on y est tout de même ) , on sent à quel point nous sommes liés profondément les uns aux autres , par-delà nos divergences politiques , par-delà nos intérêts divergents aussi , de régions , de métiers , de classes , de professions , par-delà les mouvements qui agitent ou remuent notre pays , par-delà les contestations de la jeunesse , qui ont leur valeur et leurs excès , par-delà les interrogations que se posent les gens de ma génération , qui ont leurs soucis et quelquefois leurs angoisses , par-delà tout cela , il y a quelque chose qui nous unit profondément , c' est l' amour de notre patrie . C' est un mot qu' on prononce de moins en moins , mais que je vous demande de prononcer chaque fois que vous en avez l' occasion .
Vive la France !