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Analyse multi-couches
de la cooccurrence autour du mot choisi dans le discours du qui
G. Pompidou - 11 septembre 1973
Discours à pekin
Monsieur le Premier ministre , mesdames , messieurs , En ce premier soir de mon séjour en République populaire de Chine , le mot qui me vient le plus spontanément à l' esprit est celui d' amitié . Oui , c' est un message d' amitié qu' avant tout j' apporte ici aujourd'hui de la part du peuple de France au peuple de Chine .
Situées aux deux extrémités de notre globe , et si inégales soient -elles par leurs dimensions , nos deux nations ont de nombreux points communs . Elles ont chacune une très longue histoire . Elles plongent leurs racines dans de vieilles et illustres civilisations . Elles ont forgé leur unité à travers d' innombrables épreuves . Elles ont inlassablement défendu et préservé leur indépendance . Elles ont connu de profondes révolutions politiques et sociales . Elles ressentent quelque fierté d' avoir largement contribué au progrès de l' humanité . Et parce que Français et Chinois sentent de mieux en mieux tout ce qu' ils avaient ainsi de commun , un sentiment d' estime mutuel peu à peu est né entre nous . Si bien que le jour où , il y a bientôt 10 ans , par la décision du général de Gaulle et du Président Mao-Tse-toung , des relations officielles s' établirent entre la France et la Chine , toutes les conditions existaient pour que désormais s' engage l' actif et fructueux échange d' une sympathie réciproque .
Certes , dans les circonstances historiques et les conditions géographiques qui sont les nôtres , séparés comme nous le sommes par les vastes étendues de l' Europe et de l' Asie , il est inévitable que la route qui nous relie soit longue à par courir . Depuis près de 1000 ans le prestige de la Chine hante les rêves de l' Occident . C' était le fabuleux Empire , détenteur de secrets mystérieux , et dont la civilisation éclipsait toutes les autres . Les marées barbares ne l' assaillaient que pour s' y fondre . Aussi la Chine enfiévrait -elle les imaginations et n' a t -elle cessé de le faire . De grands poètes français tels Claudel et Saint-John Perse y puisaient au début de ce siècle le meilleur de leur inspiration . Le cours impétueux de l' Histoire a dissipé quelques chimères mais sans émousser l' attirance profonde que provoque chez nous la réalité chinoise , si différente de la nôtre , certes , mais dont nous comprenons mieux maintenant l' apport fécond à notre humanité commune . La volonté de nous rencontrer , nous l' avons . Et là est l' essentiel .
Déjà , quand je mesure le chemin parcouru , quand je fais le compte des visiteurs , le bilan du commerce , la liste des manifestations , quand j' observe l' intérêt croissant que suscite dans chacun de nos pays tout ce qui se fait et se dit dans l' autre , la conviction s' impose à moi qu' il existe un avenir prometteur pour les relations franco-chinoises .
Et tout d'abord , un avenir pour le dialogue politique qui s' est progressivement développé entre notre deux Gouvernements et qui , j' en suis sûr , ne va cesser de s' approfondir et en même temps de se préciser . C' est qu' à la base il repose sur quelques principes qui , malgré la diversité de nos régimes , nous sont communs : le principe , notamment , de l' égalité entre tous les Etats , quelles que soient leurs dimensions , et d' où nous déduisons la nécessité impérieuse d' organiser la communauté internationale sur la base du respect de la souveraineté des nations et de la non-intervention dans leurs affaires intérieures . Le principe , aussi , de l' indépendance qui nous conduit à refuser toute ingérence étrangère et à nous opposer à toute tentative risquant de mettre en péril ce contrôle que nous entendons garder de notre destin . Et le principe , également , de la coopération entre les peuples au service de la paix , du développement économique et du bien-être des plus défavorisés .
Parce que , là-dessus , la France et la Chine sont bien d'accord il n' y a dès lors rien d' étonnant à ce qu' elles adoptent sur certains aspects fondamentaux des relations internationales une attitude analogue , qu' en Asie par exemple elles se soient employées , chacune en fonction de ses amitiés et de ses principes , à une solution juste et honorable pour tous du conflit vietnamien , qu' elles souhaitent aujourd'hui une application correcte des accords de Paris par toutes les parties intéressées , qu' elles se prononcent pour le retour du Cambodge à la position de neutralité qui était la sienne jusqu' à la crise récente . Rien d' étonnant à ce qu' elles revendiquent , l' une et l' autre , sans bravade , mais avec une égale fermeté , le droit de ne pas se laisser désarmer et de veiller à leur propre défense , aussi longtemps du moins qu' un véritable désarmement général n' aura pas été réalisé . Rien d' étonnant , non plus , à ce qu' elles aient une égale conscience de l' importance vitale que revêt la construction , à côté de très grandes puissances , d' ensembles forts , cohérents , unis , nécessaires à l' équilibre et à la paix du monde .
Voilà , monsieur le Premier ministre , mesdames et messieurs , et je pourrais en citer d' autres , de bonnes et solides raisons pour espérer que nos vues ne cesseront de se rapprocher et qu' ainsi nous pourrons , dans telle ou telle enceinte , et je pense notamment à l' organisation des Nations-Unies et à son Conseil de sécurité , faire entendre les voix dont la concordance est d'autant plus significative qu' elles viendront d' horizons plus éloignés .
Mais l' ambition de la France ne se limite pas là . En tendant à la Chine , à travers les milliers de kilomètres qui les séparent , par-delà les différences de régime et de structure , en lui tendant la main de l' amitié , la France entend manifester sa conviction que notre planète n' est peuplée que par une seule et même humanité . Elle entend proclamer sa foi dans la possibilité pour cette humanité dispersée , divisée par l' histoire , la géographie , l' économie ou la culture , de se retrouver unie dans un même désir de paix , de travail et de bonheur . Elle entend apporter la preuve que les Etats ne sont pas seulement des monstres froids et qu' ils peuvent poursuivre autre chose que des intérêts égoïstes et immédiats .
Oui , quand deux grands peuples , ayons la fierté de le dire , se rencontrent comme ceux de France et de Chine , ce ne peut être seulement de diplomatie ou de commerce qu' il s' agit . Il faut que cette rencontre soit aussi pour les autres peuples de cette terre un signe d' espoir .
C' est parce que j' ai la conviction qu' elle l' est déjà , et qu' elle le sera plus encore à l' issue de ma visite et de nos entretiens , que je me sens ce soir rempli de confiance et que je souhaite la faire partager d'abord à tous ceux que nos hôtes ont bien voulu rassembler autour de nous , dans cette salle du palais de l' Assemblée nationale populaire , en cette ancienne et illustre ville de Pékin , capitale de la grande Chine .
Mesdames , messieurs , je vous invite à lever votre verre en l' honneur de monsieur le Président Mao-Tsé-toung , en l' honneur de M le Président de la République par intérim Tung Pi-Wu , en l' honneur de monsieur le Premier ministre Chou En-Lai , en l' honneur de toutes les hautes personnalités présentes , au bonheur du peuple chinois , à l' amitié entre la France et la République populaire de Chine .